Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Euro Discount Cars a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits, pénalités et amendes, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011.
Par un jugement n° 1300817 du 23 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 juin 2015, 23 mars 2016 et 12 août 2016, la SARL Euro Discount Cars représentée par Me D...A..., en qualité de liquidateur, représenté par Me C...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 23 avril 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits, pénalités et amendes, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en écartant les mandats de recherche conclus entre la SARL Euro Discount Cars et ses clients ainsi que les factures émises au nom de ces clients par les fournisseurs espagnols des véhicules, l'administration a implicitement mais nécessairement recouru aux dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatives à l'abus de droit sans accorder à la société les garanties prévues en la matière ;
- jusqu'au 31 décembre 2008, la SARL Euro Discount Cars a agi en qualité de mandataire transparent et non de mandataire opaque ;
- la SARL Euro Discount Cars ayant présenté des observations dans le délai prévu par les dispositions de l'article R*. 57-1 du livre des procédures fiscales, elle ne peut être regardée comme ayant tacitement accepté les redressements et comme devant supporter la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues ;
- la SARL Euro Discount Cars est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions de l'instruction 3 CA-92 du 31 juillet 1992 et de la réponse ministérielle Dubernard (AN 15 juillet 1996 p. 3820) ;
- les opérations d'achat-revente de véhicules réalisées à compter du 1er janvier 2009 relevaient bien du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;
- l'instruction fiscale n° 3-K-1-95 du 17 février 1995 interprète les dispositions de l'article 297 A du code général des impôts comme permettant l'application du régime de la marge bénéficiaire lors de la revente en France des biens achetés dans un autre Etat membre à un assujetti revendeur ;
- l'administration n'établit pas que les mentions relatives à ce régime portées sur les factures des fournisseurs espagnols seraient erronées et que la SARL Euro Discount Cars ne pouvait ignorer ne pas pouvoir appliquer ce régime ;
- la société n'ayant procédé à aucune acquisition intracommunautaire taxable, l'administration fiscale ne pouvait lui appliquer l'amende de 5 % prévue par les dispositions du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts ;
- la société n'a pas participé à un circuit frauduleux et que c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle devait appliquer les pénalités pour manquement délibéré prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er septembre 2015 et le 5 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- par une décision postérieure à l'introduction de la requête, il a procédé au dégrèvement des intérêts de retard pour un montant de 120 384 euros ;
- le vérificateur n'a pas écarté comme fictifs les mandats de recherche et les factures des fournisseurs espagnols mais a simplement interprété ces actes différemment de la façon dont ils étaient présentés par le contribuable ;
- les observations de la société ayant été reçues après l'expiration du délai prévu par les dispositions de l'article R*. 57-1 du livre des procédures fiscales, elle supporte la charge de la preuve ;
- pour la période allant jusqu'au 31 décembre 2008, les conditions d'exercice de l'activité de la SARL Euro Discount Cars doivent la faire regarder comme un mandataire opaque ;
- la société s'est placée sous le régime de la taxation à la valeur ajoutée sur la marge alors que les propriétaires des précédents véhicules étaient des professionnels loueurs ou utilisateurs, ce que la société ne pouvait ignorer ;
- dans ces conditions, l'application de l'amende de 5 % prévue par les dispositions du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts et la pénalité pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du même code étaient justifiées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 28 octobre 1996 relatif à l'information des consommateurs sur les prix et services offerts par les mandataires automobiles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Euro Discount Cars exerce une activité d'intermédiaire de commerce dans le domaine du négoce intracommunautaire de véhicules neufs ou d'occasion ; que la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, qui a porté en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011 ; que l'administration fiscale a estimé que la société exerçait en réalité une activité d'acheteur-revendeur et non d'intermédiaire transparent pour la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2008 et a remis en cause pour la période du 1er janvier 2009 au 28 février 2011, l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pour l'ensemble de la période ; que les droits rappelés ont été assortis, outre l'intérêt légal de retard, de l'amende de 5 % prévue par les dispositions du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts pour absence de déclaration d'acquisitions intracommunautaires et d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré ; que Me D... A..., liquidateur de la SARL Euro Discount Cars relève appel du jugement du 23 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la SARL Euro Discount Cars tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits, pénalités et amendes, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011 ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que le 22 juillet 2015, postérieurement à l'introduction de la requête devant la cour, l'administration fiscale a prononcé la décharge des intérêts de retard pour un montant de 120 384 euros ; que, par suite, les conclusions de la requête sont dans cette mesure devenues sans objet ;
Sur la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2008 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) / c) (...) qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (...) ; "
4. Considérant que le liquidateur de la SARL Euro Discount Cars soutient que l'administration fiscale n'a pu, sans faire usage de la procédure de répression des abus de droit prévue aux dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, remettre en cause la qualification d'intermédiaire transparent dont la société se prévalait pour ne soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée que les commissions au titre de cette activité d'entremise ; que toutefois, l'administration fiscale n'a pas entendu écarter les mandats de recherche et les contrats de vente, matérialisés par les factures des fournisseurs espagnols aux clients français, au motif qu'ils auraient été conclus de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt, mais s'est bornée à requalifier et à restituer aux opérations en litige qu'elle retraçait, leur véritable nature juridique en les regardant, compte tenu du fonctionnement de l'entreprise, comme des opérations d'achat-vente réalisées par cette dernière et non comme des prestations d'intermédiaire transparent ; que, dans ces conditions, le liquidateur de la SARL Euro Discount Cars n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait entendu, implicitement mais nécessairement, réprimer un abus de droit ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait été irrégulière en raison de ce qu'il n'a pas été fait application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de la charge de la preuve :
5. Considérant qu'il est constant que le délai dont disposait la SARL Euro Discount Cars pour présenter ses observations en application des dispositions de l'article R.* 57-1 du livre des procédures fiscales expirait le 14 février 2012 ; qu'en application de ces dispositions et de celles de l'article L. 286 du même livre, pour apprécier la recevabilité de la réponse du contribuable à l'égard du délai dont il dispose, il y a lieu de retenir la date de l'envoi de ses observations et non la date à laquelle l'administration fiscale en accuse réception ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du cachet de la poste, que la SARL Euro Discount Cars a adressé à l'administration par lettre recommandée avec accusé de réception ses observations le 14 février 2012, soit dans le délai dont elle disposait ; que, par suite, elle ne peut être regardée comme ayant tacitement accepté les redressements qui lui ont été notifiés ;
S'agissant de la contestation de mandataire opaque :
6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises " ; qu'aux termes du V du même article : " L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés. " ; qu'aux termes du III de l'article 256 bis du même code : " Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien " ; et qu'aux termes de l'article 266 dudit code : " 1. La base d'imposition est constituée : (...) b) Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : - opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la SARL Euro Discount Cars établissait des contrats de mandat avec ses clients français, il résulte des copies de ces documents que ceux-ci, ainsi que le fait valoir l'administration fiscale, ne comportent aucune mention expresse selon laquelle la société requérante agit en tant que mandataire transparent et ne précisent ni le taux, ni le montant de la commission censée rémunérer cette entremise ; que ces contrats présentent, en revanche, la mention d'un acompte représentant environ 10 % du prix de vente du véhicule ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que les factures d'achat de véhicules d'occasion établies par les fournisseurs espagnols au nom des clients finaux français et produites par la SARL Euro Discount Cars ne font pas mention de l'intervention de cette dernière en tant que mandataire ; qu'en outre, l'administration fiscale a relevé lors des opérations de contrôle que les mandats de recherche présentés par la SARL Euro Discount Cars, qui mentionnaient des véhicules précisément identifiés quant à leur marque, leur kilométrage, leurs caractéristiques intrinsèques, ainsi que leur prix total, et indiquaient un délai de livraison, étaient assimilables à de véritables bons de commande au titre desquels, ainsi qu'il a été dit, un acompte était réclamé ; que si la société requérante soutient que toutes ces précisions sur le véhicule étaient obligatoires pour répondre aux exigences de l'arrêté du 28 octobre 1996 relatif à l'information des consommateurs sur les prix et services offerts par les mandataires automobiles, cet arrêté ne concerne toutefois que les opérations afférentes à l'acquisition des véhicules automobiles neufs et non les véhicules d'occasion tels que ceux vendus par la société requérante ; qu'il résulte également de l'instruction, ainsi que le fait valoir l'administration fiscale, qu'à l'exception de l'envoi par ses fournisseurs espagnols de listes de véhicules disponibles, aucun échange n'a pu être établi entre la SARL Euro Discount Cars et les fournisseurs espagnols quant à des demandes de recherche de véhicule à la suite des souhaits formulés par les clients français dans le cadre de mandats de recherche, aux résultats de ces recherches ou sur la communication par les fournisseurs espagnols des éléments nécessaires pour que la société requérante, qui assurait le transport des véhicules depuis l'Allemagne, ait connaissance du lieu de prise en charge des véhicules trouvés ; que, dans ces conditions, et alors même que la SARL Euro Discount Cars a facturé à ses clients le montant de commissions qu'elle a soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et que les fournisseurs espagnols ont établi des factures au nom des clients finaux, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que la SARL Euro Discount Cars a agi, au cours de la période en litige, non en tant qu'intermédiaire transparent qui aurait mis en relation ses clients avec des fournisseurs espagnols avec lesquels ils auraient contracté directement ou qui aurait contracté personnellement avec ces fournisseurs au nom d'autrui, mais comme un intermédiaire opaque ; que, dès lors, l'administration fiscale a pu, à bon droit, mettre à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée calculés conformément aux dispositions précitées de l'article 266 du code général des impôts, sur le montant total des transactions réalisées au cours de la période considérée ;
8. Considérant que la SARL Euro Discount Cars, qui n'a pas agi en qualité de mandataire transparent, n'entre pas dans les prévisions de l'instruction du 31 juillet 1993 3 CA-92 relative à la qualité d'intermédiaire ainsi que de la réponse ministérielle Dubernard n° 34659 publiée au Journal officiel de l'Assemblée Nationale du 15 juillet 1996 qui, en tout état de cause, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application ; que MeA..., liquidateur de la SARL Euro Discount Cars, ne saurait donc s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne les pénalités :
9. Considérant qu'aux termes du 4° de l'article 1788 A du code général des impôts : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible " ;
10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, la SARL Euro Discount Cars a eu, pendant la période considérée, une activité de mandataire opaque ; que les opérations auxquelles elle a procédé, constituaient des livraisons intracommunautaires soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le territoire français ; qu'il est constant que la SARL Euro Discount Cars n'a déclaré aucune taxe au titre desdites opérations ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; que l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales dispose : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration " ;
12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 10, la SARL Euro Discount Cars, sous couvert d'un mandat transparent, s'était placée sous le régime d'intermédiaire intervenant pour autrui, ne pouvait ignorer que, dès lors qu'elle prenait en charge l'ensemble des opérations d'achat et de revente des véhicules et que la participation des fournisseurs espagnols se limitait à l'établissement des factures, son activité était celle d'un mandataire agissant en son propre nom ; qu'en invoquant les modalités d'exercice de l'activité mises en oeuvre par la SARL Euro Discount Cars, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve, de la volonté de cette dernière d'éluder l'impôt ; que, par suite, la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts est fondée ;
Sur la période du 1er janvier 2009 au 28 février 2011 :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
13. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ", pour ce qui concerne la période antérieure au 31 décembre 2007, et " des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 " pour la période ultérieure ; que le III de cet article précise qu'" Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. " ;
14. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en revanche, les reventes de véhicules d'occasion qui ont fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent bénéficier du régime de la marge prévu aux articles 297 A et suivants du code général des impôts ;
15. Considérant que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;
16. Considérant que l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime de la marge par la SARL Euro Discount Cars, aux reventes de l'ensemble des véhicules automobiles d'occasion qu'elle a acquis auprès de ses fournisseurs espagnols, au motif que les mentions portées sur les factures établies par ces fournisseurs sont erronées et que le gérant de la SARL Euro Discount Cars ne pouvait ignorer que ses fournisseurs avaient la qualité d'assujettis revendeurs au sens des dispositions de l'article 256 bis du code général des impôts ;
17. Considérant que l'administration fiscale, qui n'établit ni même n'allègue avoir mis en oeuvre l'assistance internationale et consulté la base de recoupement des opérations communautaires prévue par l'article 22 du Règlement n° 1798/2003 du Conseil du 7 octobre 2003, fait valoir, d'une part, que l'étude de documents appréhendés dans le cadre d'une perquisition judiciaire menée dans les locaux de la SARL Euro Discount Cars a permis de constater que les véhicules en litige ont été la propriété de professionnels, loueurs ou utilisateurs, ainsi que cela ressort également des cartes grises des véhicules et, d'autre part, que la société requérante faisait ses recherches sur le site internet allemand " mobile.de " sur lequel la mention " TVA récupérable " apparaissait expressément ; que, toutefois, la seule mention sur des documents, dont au demeurant la nature et l'origine ne sont pas précisées et qui ne sont pas produits, et sur les cartes grises des véhicules de ce que ces derniers ont été la propriété de professionnels, loueurs ou utilisateurs, ne permet pas de déterminer avec certitude que l'opération en cause avait ou non ouvert un droit à déduction pour ces propriétaires dans les Etats concernés ; qu'en outre, il n'est pas établi que les véhicules vendus par la SARL Euro Discount Cars seraient les véhicules figurant sur le site internet allemand " mobile.de " ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que les mentions figurant sur les factures établies par les fournisseurs espagnols de la société requérante seraient erronées ;
18. Considérant qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliquée par la SARL Euro Discount Cars lors de la revente en France des véhicules achetés auprès des fournisseurs espagnols et qu'elle ne pouvait pas davantage lui infliger l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts en cas de défaut de mention de la taxe exigible sur les déclarations CA3 et les pénalités pour manquement délibéré prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Me D...A..., liquidateur de la SARL Euro Discount Cars, est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et amendes, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 28 février 2011 ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des intérêts de retard dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011 ont été assortis.
Article 2 : La SARL Euro Discount Cars est déchargée, en droits, pénalités et amendes, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 28 février 2011.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 23 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SARL Euro Discount Cars une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Euro Discount Cars est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me D...A..., liquidateur de la SARL Euro Discount Cars et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Etienne Quencez, président de la Cour,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 avril 2017.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président de la Cour,
Signé : E. QUENCEZ
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
2
N°15DA00894