Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 septembre 2016 par lequel le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a placé en rétention administrative.
Par un jugement n° 1606994 du 21 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2016 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribunal administratif.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur le motif d'annulation du jugement attaqué :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / (...) " ;
2. Considérant qu'ainsi que l'a relevé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, la préfète du Pas-de-Calais a, dans l'arrêté attaqué, constaté que M. D..., ressortissant iranien, était entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il était dépourvu de document d'identité et de titre de voyage ; qu'en conséquence, elle l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par la mention de ces considérations de droit et de fait, elle a suffisamment motivé l'arrêté litigieux ; que si elle a considéré, au surplus, qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé, cette formule ne révèle pas un défaut de motivation ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé pour le motif tiré de l'insuffisance de motivation la décision obligeant M. D... à quitter le territoire et, par voie conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et de placement en rétention administrative ;
3. Considérant qu'il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant la juridiction administrative ;
Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de M.D... ;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Aux fins du présent règlement, on entend par : / a) " ressortissant de pays tiers ", toute personne qui n'est pas un citoyen de l'Union au sens de l'article 20, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et qui n'est pas un ressortissant d'un État participant au présent règlement en vertu d'un accord avec l'Union européenne ; / b) " demande de protection internationale ", une demande de protection internationale au sens de l'article 2, point h), de la directive 2011/95/UE ; / c) " demandeur ", le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n'a pas encore été statué définitivement ; / d) " examen d'une demande de protection internationale ", l'ensemble des mesures d'examen, des décisions ou des jugements rendus par les autorités compétentes sur une demande de protection internationale conformément à la directive 2013/32/UE et à la directive 2011/95/UE, à l'exception des procédures de détermination de l'État membre responsable en vertu du présent règlement (...). " ; qu'aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...). " ; qu'enfin, aux termes de l'article 24 dudit règlement : " 1. Lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Par dérogation à l'article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne se trouve sans titre de séjour décide d'interroger le système Eurodac conformément à l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête aux fins de reprise en charge d'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) ou c), du présent règlement ou d'une personne visée à son article 18, paragraphe 1, point d), dont la demande de protection internationale n'a pas été rejetée par une décision finale, est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac, en vertu de l'article 17, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l'État membre requérant a appris qu'un autre État membre pouvait être responsable pour la personne concernée. / 3. Si la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais prévus au paragraphe 2, l'État membre sur le territoire duquel la personne concernée se trouve sans titre de séjour donne à celle-ci la possibilité d'introduire une nouvelle demande. / 4. Lorsqu'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point d), du présent règlement dont la demande de protection internationale a été rejetée par une décision définitive dans un État membre, se trouve sur le territoire d'un autre État membre sans titre de séjour, ce dernier État membre peut soit requérir le premier État membre aux fins de reprise en charge de la personne concernée soit engager une procédure de retour conformément à la directive 2008/115/CE. / Lorsque le dernier État membre décide de requérir le premier État membre aux fins de reprise en charge de la personne concernée, les règles énoncées dans la directive 2008/115/CE ne s'appliquent pas (...). " ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre ;
6. Considérant, enfin, qu'il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile ; qu'en effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que, dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code ; qu'en vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3 ; qu'en revanche, en application des dispositions précitées de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013, lorsqu'il a été définitivement statué sur sa demande, l'étranger peut faire l'objet soit d'une procédure de réadmission vers l'Etat qui a statué sur sa demande, soit d'une obligation de quitter le territoire français ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., interpellé le 16 septembre 2016 lors d'un contrôle d'identité, a été identifié le 19 septembre 2016 dans le fichier Eurodac comme demandeur d'asile en Allemagne ; que dans ces conditions, la situation de M. D... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dès lors, la préfète a commis une erreur de droit en faisant obligation à M.D..., demandeur d'asile, de quitter le territoire français ;
Sur la légalité des décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention de l'intéressé :
8. Considérant que la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, celle fixant le pays de destination et la décision ordonnant le placement en rétention sont, par voie de conséquence, entachées d'illégalité ;
9. Considérant qu'il résulte tout de ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 17 septembre 2016 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du conseil de M. D...présentées sur le fondement combiné des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance une somme de 1 000 euros sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète du Pas-de-Calais est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me B...sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Mohamad D...et à Me A...B....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°16DA02229
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N°"Numéro"