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21/11/2017 | FRANCE | N°15DA01987

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 21 novembre 2017, 15DA01987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier Laennec de Creil et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme de 141 357,50 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des conditions dans lesquelles elle a été prise en charge le 11 mai 2009 par le centre hospitalier Laennec de Creil, et de mettre à la charge du centre hospitalier Laennec de Creil une somme de 3 000 euros au titre de l'ar

ticle L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 130...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier Laennec de Creil et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme de 141 357,50 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des conditions dans lesquelles elle a été prise en charge le 11 mai 2009 par le centre hospitalier Laennec de Creil, et de mettre à la charge du centre hospitalier Laennec de Creil une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1303211 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de MmeB....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2015, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de condamner le centre hospitalier Laennec de Creil et son assureur la SHAM, à lui verser la somme de 141 357,50 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des conditions dans lesquelles elle a été prise en charge le 11 mai 2009 par le centre hospitalier Laennec de Creil ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Laennec de Creil une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant que Mme A...B..., alors âgée de 62 ans, a été prise en charge le 27 avril 2009 au service des urgences du centre hospitalier de Creil pour une sciatique hyperalgique du côté droit sans déficit moteur ou sensitif ; que le médecin qui l'a prise en charge à cette occasion a conclu à l'échec d'un traitement médical d'une volumineuse hernie discale au niveau L5 pourtant bien conduit pendant plusieurs mois et a retenu une indication chirurgicale ; que Mme B...a été hospitalisée le 10 mai 2009 pour une intervention chirurgicale programmée le lendemain qui a consisté en un " recalibrage bilatéral " dégageant les deux racines au niveau L5 de la colonne vertébrale ; qu'en post-opératoire immédiat, Mme B...a présenté un déficit moteur dans le territoire L5, une anesthésie périnéale, un globe vésical qui a imposé un sondage et une anesthésie dans le territoire anal ; que Mme B...a ensuite été hospitalisée pendant deux mois et demi en rééducation à la Fondation Hopale puis est revenue à son domicile le 28 août 2009 ; que Mme B...se plaignant toujours de troubles de la marche et de troubles sphinctériens a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ; que cette dernière, dans son avis du 2 octobre 2015, a retenu la responsabilité du centre hospitalier Laennec de Creil ; que la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du centre hospitalier, puis l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) appelé en substitution, ont successivement refusé d'indemniser l'intéressée ; que Mme B...relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier Laennec de Creil et son assureur la SHAM, soient condamnés à lui verser la somme de 141 357,50 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des conditions dans lesquelles elle a été prise en charge le 11 mai 2009 ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier Laennec de Creil :

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ;

3. Considérant que les premiers juges ont d'abord écarté la responsabilité du centre hospitalier Laennec de Creil en retenant que celui-ci n'avait commis aucune faute dans l'exécution de l'acte chirurgical effectué le 11 mai 2009, ni dans la décision de s'abstenir de toute nouvelle intervention, puis ont écarté la responsabilité de l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale ; que Mme B...ne conteste pas devant la cour l'absence de faute du centre hospitalier de Creil retenue par le tribunal, mais soutient uniquement qu'elle a été victime d'un accident médical et que les conditions posées par les dispositions précitées du II de l'article L. 1141-2 du code de la santé publique étaient réunies pour qu'elle soit indemnisée au titre de la solidarité nationale ; qu'il résulte toutefois de ces dispositions que seul l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée ; que, par suite, les conclusions présentées par Mme B...tendant à la condamnation du centre hospitalier de Creil et de son assureur à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un accident médical non fautif ne peuvent qu'être rejetées ; que l'ONIAM ne conteste pas davantage devant la cour l'absence de faute du centre hospitalier de Creil retenue par les premiers juges ;

Sur la réparation du dommage par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions et de celles citées au point 2, que l'ONIAM ne doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'à la double condition qu'ils excèdent le seuil de gravité défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique et qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert des 16 juillet 2011 et 18 juillet 2012 que Mme B...souffrait, avant l'intervention chirurgicale, d'une hernie discale connue depuis plusieurs années et traitée médicalement sans succès avec une lésion L5 et S1 droite qui entraînait déjà un déficit moteur L5 et des paresthésies, qu'il avait été constaté l'apparition d'un glissement antérieur de L4 de plusieurs millimètres en 2 ans et qu'il existait également un canal lombaire très étroit en L4-L5 qui restreignait la marche ; que l'expert indique également que l'acte chirurgical pratiqué était impératif au regard de l'état de santé de la requérante qui l'exposait à court terme à une diminution importante du périmètre de marche et que les troubles sphinctériens dont elle est atteinte ne peuvent pas être imputés uniquement à l'intervention chirurgicale ; qu'au regard de ces éléments, l'acte chirurgical indispensable pratiqué sur Mme B...dans l'espoir d'obtenir une amélioration de son état de santé a certes aggravé les troubles de la marche dont elle était atteinte et conduit à une apparition de troubles sphinctériens, sans toutefois que ces conséquences puissent être regardées comme notablement plus graves que celles auxquelles la requérante était exposée de manière probable par sa pathologie en l'absence de traitement ;

6. Considérant que l'expert indique également dans son rapport du 18 juillet 2012 que la survenue d'une brèche au niveau de la dure-mère est un accident fréquent dans la chirurgie lombaire, en particulier lorsque l'on opère un canal lombaire étroit ; qu'il fixe le taux de survenance de cette brèche à un minimum de 5 % dans les séries lors d'une première intervention et à 13 % lorsqu'il s'agit d'une réintervention ; qu'il précise que, dans le cas de Mme B..., le risque était plus important car il existait, en plus une volumineuse hernie discale exclue située en avant du fourreau dural, réalisant un billot qui favorise l'ouverture spontanée de la dure-mère lors de la laminectomie ; qu'ainsi, la survenue d'une brèche au niveau de la dure-mère ne peut être regardée comme un risque présentant une probabilité faible ; que, par suite, la condition d'anormalité à laquelle le II de l'article L. 1141-2 du code de la santé publique subordonne la prise en charge par la solidarité nationale des accidents médicaux non fautifs n'est pas remplie ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de rechercher si Mme B...remplit le seuil de gravité exigé par les dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, l'intéressée ne peut prétendre à l'indemnisation de son dommage par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au groupe hospitalier public du sud de l'Oise, à la société hospitalière des assurances mutuelles, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.

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N°15DA01987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01987
Date de la décision : 21/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt (AJ)
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-11-21;15da01987 ?
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