Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir. ou, à défaut, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour en vue du réexamen de sa situation, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1601924 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2016, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. D... A..., ressortissant pakistanais né le 21 avril 1997, est entré en France le 6 septembre 2013, selon ses déclarations ; qu'il a été confié dès le 1er octobre 2013 aux services de l'aide sociale à l'enfance ; que, le 21 avril 2015, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 23 octobre 2015, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné notamment le Pakistan comme pays de renvoi ; que la préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté ;
Sur le moyen retenu par le tribunal administratif de Rouen :
2. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'à son arrivée en France en septembre 2013, alors qu'il était âgé de seize ans, M. A... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de Paris, comme son frère cadet, qui l'accompagnait, avant d'être seul réorienté vers les services de l'aide sociale à l'enfance du département de Seine-Maritime en avril 2014 ; qu'à sa majorité, ce département lui a proposé un accueil provisoire pour jeune majeur, destiné à lui permettre de mener à bien un projet professionnel en France ; que, toutefois, s'il fait valoir son insertion dans la société française, il n'a pu suivre durant son séjour en France aucune formation professionnelle qualifiante, en raison de ses difficultés d'apprentissage de la langue française, et n'a exercé une activité salariée de peintre, auprès de deux employeurs successifs, que de mai à août 2015, puis de septembre à décembre 2015 ; qu'il ne saurait utilement se prévaloir d'une embauche dans le secteur de la restauration en janvier 2017, postérieure à l'arrêté contesté ; que la circonstance que son frère avait, à la date de cet arrêté, reçu un récépissé de demande de délivrance d'un titre de séjour, finalement délivré avec une date de validité du 12 décembre 2016 au 11 décembre 2017, ne permet pas de tenir pour établie que la décision de délivrer à celui-ci un titre de séjour était intervenue lorsque l'arrêté contesté a été pris ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que les parents et la soeur cadette du requérant vivent au Pakistan et qu'il a conservé des liens avec les membres de sa famille restés dans son pays, avec lesquels il entretient des relations téléphoniques ; qu'il a, de plus, manifesté par son comportement, relevé en août 2014 par les éducateurs de l'Institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion où il était accueilli, son désir de privilégier un contact étroit avec son pays d'origine, notamment par le choix de ses fréquentations et de ses loisirs ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, malgré la bonne volonté manifestée par l'intéressé tant au sein de la structure d'accueil qui l'a hébergé qu'auprès des diverses associations qu'il a été invité à fréquenter pour occuper son emploi du temps et à l'occasion des cours de français qu'il a suivis, la décision de refuser de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée ; qu'il s'ensuit que cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 23 octobre 2015 ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des moyens présentés par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté comporte un énoncé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour et répond, ainsi, aux exigences des articles 1 et 3 de la loi visée précédemment du 11 juillet 1979 ; que la circonstance que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas mentionné tous les éléments factuels de la situation de l'intéressé n'est pas de nature à faire regarder cette motivation comme insuffisante ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque en fait ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances énoncées au point 2, les erreurs matérielles commises par le préfet de la Seine-Maritime en relevant dans son arrêté que la prise en charge de M. A... par l'aide sociale à l'enfance a débuté en juin 2014 alors qu'elle a été décidée dès le 1er octobre 2013, et en refusant de tenir compte de son lien familial avec son frère auraient conduit à modifier l'appréciation portée par le préfet sur l'atteinte portée par un refus de titre de séjour sur la vie privée et familiale de M.A... ; que les moyens tirés d'erreurs de fait de cette décision doivent, par suite, être écartés ;
6. Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, la décision de refus de titre de séjour opposée à M. A... n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A... en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionné dans l'arrêté, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... manque en fait ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette obligation, de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
10. Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, cette mesure n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... serait entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est mentionné dans l'arrêté contesté ; que, par ailleurs, le préfet a suffisamment motivé en fait sa décision en précisant la nationalité du requérant et en mentionnant que la décision de renvoyer M. A... vers le Pakistan ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;
13. Considérant que M. A... n'assortit d'aucun élément probant ses allégations selon lesquelles il serait menacé d'enrôlement forcé par les Talibans et, ainsi, se trouverait personnellement exposé dans son pays à des risques pour sa vie et sa sécurité ; qu'il n'a, au demeurant, jamais demandé l'asile politique ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 23 octobre 2015 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601924 du 10 novembre 2016 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... A...et à Me C...B....
Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°16DA02296