Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008.
Par un jugement n° 1301155 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 mars 2016, 12 septembre 2016, 23 février 2017 et 20 mars 2017, M. B...A..., représenté par la SELARL Cabinet d'avocats Olivia Cherfils, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été fixée au 6 novembre 2017 à 12 h 00 par une ordonnance du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. / La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A. / En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, les bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 du même livre. / A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ".
2. Les dispositions de l'article 57 du code général des impôts, qui prévoient la prise en compte, pour l'établissement de l'impôt, des bénéfices indirectement transférés à une entreprise étrangère qui lui est liée, instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties.
3. Au titre de la période vérifiée, la société IDM, établie à Genève, a facturé, à l'entreprise individuelle ISS, des sommes mensuelles variables, sous le libellé " management, consulting, company administration, invoicing and costs control, marketing and development ", s'élevant au total à 198 000 euros pour l'année 2007 et 125 000 euros pour l'année 2008.
4. Pour fonder sa rectification, l'administration fiscale a considéré notamment, sans soutenir que la société IDM bénéficiait en Suisse d'un régime fiscal privilégié, qu'il existait un lien de dépendance entre l'entreprise individuelle ISS, dont M. A...est propriétaire, d'une part, et la société IDM, d'autre part, dont M. A...est administrateur. M. A...ne le conteste pas indiquant même dans ses écritures qu'il ne s'en était " jamais caché ".
5. Il résulte toutefois de l'instruction, et n'est pas sérieusement contesté dans ses écritures par l'administration fiscale, que l'activité de l'entreprise individuelle ISS s'inscrit dans le cadre d'une construction juridique et économique impliquant trois entreprises distinctes. La société camerounaise Kribi Shipping Services (KSS) créée par M.A..., lui-même installé au Cameroun depuis 2005, prépare les dossiers de gestion de visas des personnels de mer et procède à la facturation de la prestation à la société suisse IDM. La société suisse IDM, d'une part, procède à la refacturation de la prestation relative à la préparation des dossiers et, d'autre part, apporte une clientèle à l'entreprise individuelle ISS. Enfin, l'entreprise individuelle française ISS refacture aux clients en son nom et pour son propre compte la prestation de transport relevant de son activité et, en son nom et pour le compte de la société IDM, la prestation de délivrance de visas.
6. Si la société IDM se contente essentiellement de refacturer à l'entreprise individuelle ISS la prestation en réalité assurée par la société KSS au Cameroun, il résulte cependant de l'instruction, en particulier des explications très précises apportées par M. A...sur le fonctionnement de la société ISS et ses relations avec la société IDM, que si l'entreprise individuelle ISS, pour le compte de la société IDM, facture aux armateurs les prestations de gestion des dossiers de visas, elle bénéficie en même temps, de la part de la société IDM, d'un apport de clientèle, ce qui lui permet de facturer une prestation de services pour paiement de visa et de pouvoir réaliser des transports de personnel maritime. Ainsi, il résulte de l'instruction, et n'est pas sérieusement contesté par le service, que les factures adressées par la société IDM à l'entreprise individuelle ISS constituent des refacturations à ISS des prestations réalisées par KSS et que l'entreprise ISS a, elle-même, facturé à ses clients. D'ailleurs, l'administration fiscale ne soutient ni même n'allègue, et il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction, que les prestations réalisées par la société KSS seraient fictives et auraient en réalité été réalisées par l'entreprise ISS. Si le service soutient que M. A...aurait " transféré sa marge commerciale à l'étranger ", il ne l'établit pas alors que l'administration fiscale admet en même temps l'existence des prestations réalisées par la société KSS, refacturées à l'entreprise ISS par la société IDM. Enfin, il résulte de l'instruction qu'une partie importante du chiffre d'affaires de l'entreprise individuelle ISS est simplement issue d'une refacturation de prestations réalisées par des tiers dont la réalité est établie et le coût n'est pas sérieusement contesté. Par suite, la circonstance invoquée par le service que l'entreprise individuelle ISS réaliserait un bénéfice faible au regard de son chiffre d'affaires n'est, par elle-même, pas de nature à établir l'existence d'un transfert indirect de bénéfices à l'étranger.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration fiscale n'établit pas l'existence d'une pratique entrant dans les prévisions des dispositions de l'article 57 du code général des impôts citées au point 1 et que le paiement des factures visées au point 3, faute de contrepartie, constituerait un transfert indirect de bénéfices. Par suite, c'est à tort que le service a refusé d'admettre les factures émises par la société IDM pour l'entreprise ISS au titre des charges déductibles des bénéfices imposables au motif non établi que ces déductions de charges devaient être considérées comme un transfert indirect de bénéfices de la société française ISS vers la société suisse IDM. M. A...est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 janvier 2016 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : M. A...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise pour information à la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Michel Richard, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 avril 2018.
Le rapporteur,
Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,
Président de chambre
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA00620 2