Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...B...et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 29 mars 2013 par laquelle le conseil municipal de Roquetoire a approuvé le plan local d'urbanisme et la décision du 19 août 2013 par laquelle le maire de Roquetoire a rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1306185 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2016, Mme C...B..., représentée par la SCP Billard, Croenen, Lesage, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération et cette décision ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Roquetoire le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me D...F..., substituant Me G...A..., représentant la commune de Roquetoire.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 29 mars 2013, le conseil municipal de la commune de Roquetoire a approuvé le plan local d'urbanisme. Celui-ci classe plusieurs parcelles bâties de la rue du Calvaire, dont certaines sont la propriété de MmeB..., en zone Nh, correspondant à " une zone naturelle identifiant l'habitat isolé sur le territoire et dont le développement doit rester mesuré ". Mme B...relève appel du jugement du 5 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération, en tant qu'elle approuve le classement des parcelles de la zone Nh.
Sur la régularité du jugement :
2. En se bornant à relever que le classement en zone Nh des parcelles bâties de la rue du Calvaire apparaît compatible avec les objectifs du schéma de cohérence territoriale du pays de Saint-Omer, repose sur un motif d'urbanisme justifié par le plan local d'urbanisme et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, sans répondre au moyen de Mme B...faisant valoir que la délibération en litige est, en tant qu'elle détermine le classement de ces parcelles, incompatible avec les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Lille a insuffisamment motivé son jugement. Celui-ci doit, par suite, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur la légalité de la délibération du 29 mars 2013 :
4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation sur ces différents points peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
5. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels (...) ".
6. Par la délibération en litige, le conseil municipal de la commune de Roquetoire a approuvé le classement en zone naturelle d'un groupe d'une dizaine de parcelles bâties situées de part et d'autre de la rue du Calvaire, en prolongement du hameau de Warnes, classé pour sa part en zone urbaine. Cette zone est désignée par le plan local d'urbanisme comme une zone Nh correspondant, selon le règlement de ce plan, à " une zone naturelle identifiant l'habitat isolé existant sur le territoire et dont le développement doit rester mesuré ".
7. Il résulte des énonciations du rapport de présentation que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu retenir une définition stricte des parties actuellement urbanisées de la commune, ayant vocation à être classées en zone urbaine et densifiées à l'avenir, et en exclure les habitations isolées disséminées à la marge des zones agglomérées que constituent le centre du village et les six hameaux recensés par ce document. L'objectif recherché par les auteurs du plan est de mettre un terme au mitage et à l'urbanisation linéaire qui caractérisent le développement actuel du village, ceci notamment afin de se conformer aux orientations du schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Omer.
8. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles composant la zone Nh, situées de part et d'autre de la rue du Calvaire, ne présentent pas, par elles-mêmes, le caractère d'un espace naturel mais sont presque toutes bâties. Les parcelles non bâties appartenant à MmeB..., de taille modeste, se trouvent d'ailleurs au coeur de cette zone, placées entre des parcelles bâties. L'ensemble de ces parcelles est desservi par la voie publique et par les réseaux. Ces terrains ne se situent d'ailleurs pas " en marge " de la zone urbaine du hameau de Warnes, qui inclut les parcelles situées à l'intersection de la rue Basse et de la rue du Calvaire, mais comme il a été dit au point 6, dans le prolongement immédiat de celle-ci. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes du rapport de présentation, et n'est pas allégué par la commune de Roquetoire que ces parcelles présenteraient, malgré les constructions dont elles sont le siège, une valeur écologique particulière qui justifierait un classement en zone naturelle. Eu égard au nombre et à la densité des constructions existantes dans cette portion de rue, le secteur, ainsi précisément délimité, doit être regardé comme une partie actuellement urbanisée du territoire de la commune. Dès lors, le classement en zone naturelle de ces parcelles ne répond pas à l'objectif de protection soit des milieux naturels et des paysages, soit d'une exploitation forestière, soit des espaces naturels auquel est subordonnée, en vertu de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme cité au point 5, l'institution de zones N. En revanche, la parcelle cadastrée AB 20 n'appartient pas au même compartiment que les terrains situés de part et d'autre de la rue du Calvaire. Elle en est séparée par un chemin non dénommé longeant l'arrière des constructions situées sur le côté est de la rue du Calvaire. Si elle accueille un bâtiment, cette vaste parcelle demeure largement à l'état naturel et comporte un étang. Elle n'est, au demeurant, pas explicitement mentionnée dans l'argumentation de l'appelante. Dans ces conditions, Mme B...est fondée à soutenir que le classement en zone Nh des parcelles bâties situées de part et d'autre de la rue du Calvaire est, dans cette seule mesure qui ne comprend ainsi pas la parcelle cadastrée AB 20 de cette même zone Nh, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme.
9. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens de la demande de MmeB..., qui sont tous dirigés contre la délibération en litige en tant qu'elle approuve le classement des parcelles de la zone Nh, n'est, en l'état du dossier, susceptible de conduire à l'annulation de cette délibération.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation de la délibération du 29 mars 2013 en tant qu'elle détermine le classement des parcelles mentionnées au point 8 en zone Nh, à l'exception, ainsi qu'il a été dit, de la parcelle cadastrée AB 20. Par voie de conséquence, la décision du 19 août 2013 par laquelle le maire de Roquetoire a rejeté le recours gracieux de Mme B...doit être annulée dans cette mesure.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Roquetoire le versement à Mme B...de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Roquetoire de la somme que celle-ci demande sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 juillet 2016 est annulé.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de la commune de Roquetoire du 29 mars 2013 est annulée en tant qu'elle approuve le classement en zone Nh des seules parcelles situées de part et d'autre de la rue du Calvaire, ce qui n'inclut pas la parcelle cadastrée AB 20. La décision du maire de Roquetoire du 19 août 2013 rejetant le recours gracieux de Mme B...est annulée dans la même mesure.
Article 3 : La commune de Roquetoire versera à Mme B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Roquetoire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à la commune de Roquetoire.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°16DA01560 2