Vu la procédure suivante :
Par un arrêt du 25 avril 2017, la cour a ordonné une expertise, afin d'apprécier l'évolution des préjudices subis par M. B... E...depuis le dépôt, le 5 avril 2013, du rapport de l'expert missionné par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), avant de statuer sur les conclusions de celui-ci tendant à l'annulation du jugement du 8 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a mis à sa charge l'indemnisation des préjudices subis par M. B... E..., Mme F... H...épouse E...et leurs filles mineures, M...E...et K...E..., à la suite de la contamination de M. E... par le virus de l'hépatite C, et sur les conclusions d'appel incident présentées par les consortsE..., tendant à la réformation de ce jugement et à la réévaluation des indemnités qui leur ont été accordées.
Le rapport du Dr C... J...a été enregistré le 20 septembre 2017 au greffe de la cour.
Par des mémoires, enregistrés les 24 novembre 2017, 5 avril, 11 juillet et 5 septembre 2018, M. E..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux filles mineures, M...E...etK... E..., et L...H...épouseE..., représentés par Me N...G..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Rouen du 8 septembre 2015 ;
2°) de porter à la somme totale de 645 685,66 euros le montant de l'indemnité accordée à M. E... en réparation de ses préjudices ;
3°) de porter à la somme totale de 30 000 euros le montant de l'indemnité accordée à Mme H... en réparation de ses préjudices ;
4°) de porter à 20 000 euros la somme accordée à M. E..., agissant au nom de ses filles mineures, M...E...etK... E..., en réparation des préjudices subis par chacune d'elle ;
5°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter des demandes présentées devant le tribunal administratif ;
6°) de mettre à la charge de l'ONIAM les dépens de l'instance, ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- l'ordonnance du 21 novembre 2017 par laquelle le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 2 100 euros ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me I...A..., représentant l'ONIAM.
1. L'ONIAM a demandé l'annulation du jugement du 8 septembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Rouen a mis à sa charge, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, la réparation des préjudices subis par M. E..., Mme F...E..., son épouse, ainsi que leurs deux filles, Mlle D...E...et Mlle O...E..., en raison de la contamination de M. E... par le virus de l'hépatite C. Par un arrêt n° 15DA01948 du 5 juillet 2016, la cour a prononcé le sursis à exécution de ce jugement. Par un arrêt du 25 avril 2017, la cour a admis le principe de l'indemnisation des préjudices des consorts E...au titre de la solidarité nationale et, pour statuer sur leur appel incident, a prescrit avant dire droit une expertise sur l'évaluation des préjudices subis par M. E... depuis le rapport du 5 avril 2013 établi par l'expert missionné par l'ONIAM. L'expert désigné par la cour a déposé son rapport le 20 septembre 2017. Dans le dernier état de ses écritures, l'ONIAM demande à la cour de réformer le jugement attaqué et de ramener à la somme totale de 116 610,72 euros le montant de l'indemnité accordée par le tribunal administratif de Rouen à M. E.... Dans le dernier état de leurs écritures, M. E..., agissant en son nom personnel, Mme E..., Mlle D... E...et Mlle O...E..., ces deux dernières représentées par leur père, demandent à la cour de porter à 645 685,66 euros pour M. E..., à 30 000 euros pour Mme E... et à 20 000 euros pour chacune de leurs filles, la somme de 216 427,00 euros allouée par le tribunal à M. E... et la somme de 5 000 euros allouée à Mme E... et à chacune de leurs filles.
Sur les conclusions tendant à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre :
2. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que les recours des caisses d'assurance maladie subrogées, en vertu de cet article, dans les droits d'une victime d'un dommage s'exercent à l'encontre des auteurs responsables de l'accident survenu à la victime. La demande des consortsE..., présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, a pour objet l'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale des préjudices résultant de la contamination de M. E... par le virus de l'hépatite C. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à leurs conclusions tendant, en application du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à ce que le présent arrêt soit déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Havre.
Sur la stabilisation :
3. Il résulte du rapport de l'expert désigné par la cour qu'à l'issue du cinquième traitement administré à M. E..., du 2 mars 2016 au 19 juin 2016, le caractère indétectable de la charge virale a été constaté le 12 juillet 2016, puis confirmé le 7 décembre 2016 et le 16 juin 2017. Cependant, alors même que le bon état clinique et biologique du foie a été confirmé lors d'une consultation du 29 juin 2017, à l'issue de neuf mois de surveillance mensuelle ayant en particulier permis d'écarter une suspicion antérieure de lésion de thrombose de la veine sus-hépatique, l'état de santé de M. E... ne peut être regardé comme consolidé, compte tenu des risques d'aggravation auxquels est exposé tout bénéficiaire d'une transplantation hépatique. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'à la date du 29 juin 2017, l'état de M. E... s'est trouvé stabilisé, mais non consolidé comme l'a retenu l'expert désigné par la cour.
4. S'agissant d'un état évolutif insusceptible d'amélioration, l'absence de consolidation, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soit mise à la charge du responsable du dommage la réparation des préjudices matériels et personnels dont il est d'ores et déjà certain qu'ils devront être subis à l'avenir.
Sur les préjudices à caractère patrimonial de M. E... :
En ce qui concerne le besoin d'aide par une tierce personne :
5. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
6. Il résulte des rapports des deux experts que M. E... a eu besoin de l'aide d'une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne, d'abord au cours des trois traitements qu'il a reçus pendant une durée totale de douze mois, entre mars 2010 et mars 2012, puis durant la période du 8 mai 2014 au 29 novembre 2015, au cours de laquelle il a été traité dans le cadre d'un protocole expérimental et a vu son état s'aggraver, et enfin durant les périodes de suivi postopératoire à domicile et d'administration d'un cinquième traitement, qui se sont déroulées, hors hospitalisation, du 9 janvier au 6 mars 2016 et du 23 mars au 19 septembre 2016, soit au total durant 1 172 jours. Cette aide, apportée par l'épouse de M. E... à raison d'une heure quotidienne, n'était pas spécialisée, ainsi qu'il résulte des précisions apportées par l'intéressé lui-même. En tenant compte du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur l'ensemble des périodes considérées, augmenté des charges sociales incombant à l'employeur, du coût des congés payés et de la majoration pour dimanche et jours fériés, il sera fait une juste appréciation des préjudices qui ont résulté pour M. E... du besoin d'aide par une tierce personne en les indemnisant selon un taux horaire de 13 euros et en lui allouant, par suite, la somme de 15 236 euros.
En ce qui concerne les préjudices professionnels :
S'agissant de la perte de gains professionnels antérieure à la stabilisation :
7. Il résulte de l'instruction, en particulier des rapports d'expertise et des attestations émanant de la CPAM du Havre, que M. E... a été placé en arrêt de travail de la fin de l'année 2009 au 31 août 2012, puis reconnu invalide de catégorie 2, à titre temporaire, à compter du 1er septembre 2012, et a bénéficié à ce titre d'une pension d'invalidité. Il a été licencié le 23 novembre 2012 de l'emploi de commercial et gestionnaire de stocks qu'il occupait au sein d'une enseigne de la grande distribution.
8. M. E... demande l'indemnisation de la perte de revenus qu'il a subie depuis le début de l'année 2010 jusqu'à la stabilisation de son état de santé, le 29 juin 2017. Il y a lieu, pour apprécier ce préjudice, de prendre en compte en tant que revenu de référence les revenus salariaux de 17 879 euros perçus par l'intéressé au cours de l'année 2008, dernière année complète travaillée.
9. En ce qui concerne la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012, il résulte des avis d'imposition produits par M. E... que celui-ci a perçu au cours des années 2010 à 2012, respectivement, des revenus salariaux de 2 845 euros, 2 689 euros et 4 312 euros, subissant ainsi une perte de salaires de 15 034 euros en 2010, 15 190 euros en 2011 et 13 567 euros en 2012, soit 9 044,67 euros pour les huit premiers mois de cette troisième année. Il résulte cependant de l'attestation émise le 8 octobre 2013 par la CPAM du Havre que cette perte de salaire, d'un montant total de 39 268,67 euros, a été intégralement compensée par les indemnités journalières perçues par M. E... à hauteur de 39 913,02 euros durant la même période.
10. En ce qui concerne la période du 1er septembre 2012 au 28 juin 2017, il résulte des avis d'imposition et de situation déclarative à l'impôt sur le revenu produits par M. E... que celui-ci a perçu, après compensation de ses pertes de salaires, notamment, par la pension d'invalidité, des revenus d'un montant total avant déduction et abattement fiscaux de 78 198,84 euros. Il a ainsi subi au regard du salaire de référence, équivalant à 86 243,72 euros pour cette période, une perte de revenus non compensée de 8 044,88 euros.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux quatre points précédents, que M. E... a droit à une somme de 8 044,88 euros au titre de la perte de gains professionnels subie avant la stabilisation de son état de santé.
S'agissant des préjudices professionnels postérieurs à la stabilisation :
12. Il résulte du rapport de l'expert désigné par la cour que si au 29 juin 2017, date de stabilisation de son état de santé, M. E..., alors âgé de quarante-quatre ans, bénéficiait toujours de la reconnaissance d'une invalidité de catégorie 2, la reprise d'une activité compatible avec son statut de transplanté hépatique était possible. L'expert a, par ailleurs, évalué à 30 % le déficit fonctionnel dont M. E... restera atteint après cette stabilisation, alors que le déficit fonctionnel résultant de la cirrhose dont il souffrait lors de la reconnaissance initiale de son invalidité, en septembre 2012, puis de son licenciement, en décembre suivant, était de 40 %. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les suites de la contamination de l'intéressé par le virus de l'hépatite C le mettraient dans l'impossibilité d'occuper un emploi lui procurant des revenus équivalents à ceux qu'il tirait de son activité salariée, notamment de la nature de ceux qui, selon le courrier de licenciement du 22 novembre 2012, lui auraient été proposés en tant qu'employé ou technicien administratif ou comptable. Il ne justifie ainsi, à compter de la stabilisation de son état, d'aucune perte de gains professionnels présentant avec la contamination un lien direct et certain.
13. Il résulte, en revanche, de l'instruction que l'incapacité conservée par M. E... aura pour lui des incidences professionnelles, présentant d'ores et déjà un caractère certain pour l'avenir, en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, dont il a été éloigné pendant huit ans, et de la réduction de ses perspectives de carrière, dès lors que depuis l'âge de quarante-quatre ans, il ne peut plus espérer retrouver un emploi de la nature de celui qu'il occupait jusqu'à son licenciement. A l'inverse, M. E... ne produit aucune justification de son projet d'exercice d'une activité de plombier-chauffagiste, dont la privation serait constitutive d'une incidence professionnelle indemnisable. Il sera, dans ces conditions, fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 30 000 euros. Compte tenu de l'âge de l'intéressé à la date de stabilisation, cette somme correspond à une rente annuelle de 1 594,90 euros versée jusqu'à l'âge d'admission à la retraite, déterminée par application d'un barème de capitalisation fondé sur les tables de mortalité de l'INSEE de la population générale de 2010-2012 et un taux d'actualisation de 0,50 %. Cette somme demeure inférieure au montant annuel de la pension d'invalidité de plus de 9 000 euros que M. E... continue à percevoir en application des dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et qui, en l'absence de perte de gains professionnels postérieure à la stabilisation, compense intégralement l'incidence professionnelle de son invalidité. Il s'ensuit que les préjudices susceptibles de résulter pour lui des incidences professionnelles de la contamination ne présentent pas un caractère certain à la date du présent arrêt et ne peuvent, à cette date, lui ouvrir droit à indemnisation. Il lui appartiendra à l'avenir, dans le cas où ces préjudices ne seraient plus intégralement compensés par des prestations ayant le même objet, de réclamer à l'ONIAM le versement des sommes laissées à sa charge et, en cas de rejet de sa demande, de saisir à nouveau le juge de l'indemnisation.
Sur les préjudices à caractère extrapatrimonial de M. E... :
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux hors déficit fonctionnel permanent :
14. En premier lieu, il résulte du rapport de l'expert commis par l'ONIAM et des pièces médicales produites que M. E..., qui souffrait d'anémie, doit être regardé comme ayant présenté un déficit fonctionnel de 10 % entre la découverte de sa contamination, le 31 décembre 2009, et le diagnostic d'une cirrhose de Child B, posé le 10 février 2010, soit durant un mois et dix jours. Il résulte de ce même rapport et, postérieurement au dépôt de celui-ci, du rapport de l'expert désigné par la cour que, durant la période du 11 février 2010 au 7 mai 2014, la cirrhose dont il était atteint a entraîné pour M. E... un déficit fonctionnel de 40 % durant trente-huit mois et treize jours, hors traitements et hospitalisations. Au cours de la même période, M. E... a reçu trois traitements antiviraux d'une durée totale de douze mois, auxquels il n'a pas été répondeur. Compte tenu de leurs importants effets secondaires, tels qu'une anémie, une chute des globules blancs, une asthénie, des troubles de l'humeur, digestifs et sexuels, des douleurs, crampes, oedèmes et démangeaisons, le déficit fonctionnel subi au cours de ces traitements a atteint 50 %. La mise au point et la prise en charge des effets secondaires des traitements ont, en outre, nécessité quinze jours d'hospitalisation, entraînant un déficit fonctionnel total de même durée.
15. A compter du 8 mai 2014, M. E... a reçu dans le cadre d'un protocole de recherche, achevé le 22 octobre 2014, un traitement agressif sous étroite surveillance médicale en milieu hospitalier. Il est ensuite demeuré sans traitement antiviral et la cirrhose dont il souffrait s'est aggravée. Il a, en outre, reçu cinq perfusions en intraveineuse administrées en hospitalisation de jour. Le déficit fonctionnel global correspondant à cette période de dix-huit mois et vingt-deux jours est évalué à 50 % par l'expert désigné par la cour. M. E... a, ensuite, subi un déficit fonctionnel total durant l'hospitalisation d'un mois et dix jours, du 30 novembre 2015 au 8 janvier 2016, au cours de laquelle, présentant un carcinome, il a subi une transplantation hépatique. A la suite de cette hospitalisation, il a été soumis jusqu'au 6 mars 2016, soit durant un mois et vingt-huit jours, à une surveillance étroite, entraînant à nouveau, selon l'expert désigné par la cour, un déficit fonctionnel de 50 %.
16. A partir du 2 mars 2016 et jusqu'au 19 juin 2016, M. E... a reçu un nouveau traitement, associant d'abord deux, puis trois molécules. Au cours de celui-ci, il a dû être hospitalisé du 7 au 25 mars 2017 et a, ainsi, subi un nouveau un déficit fonctionnel total de dix-neuf jours. Les phases de traitement sans hospitalisation à compter du 7 mars 2016, d'une durée supplémentaire de cinq mois et vingt-cinq jours, ont quant à elles été marquées par un déficit fonctionnel fixé par l'expert à 50 %, compte tenu du suivi médical très régulier et malgré la disparition de l'ARN viral constatée dès le 16 juin 2016 après vingt-six semaines de traitement. Enfin, le déficit fonctionnel subi par M. E... au cours de la période de surveillance médicale mensuelle clinique, biologique et radiologique qui a suivi du 20 septembre 2016 au 28 juin 2017, pendant neuf mois et neuf jours, ne peut être limité à celui de 30 %, inhérent selon l'expert à sa situation de transfusé hépatique, mais doit être porté à 35 % compte tenu de la fréquence des actes auxquels il a temporairement dû se soumettre.
17. M. E... a, en outre, subi un préjudice esthétique résultant, d'une part, des éruptions cutanées et du gonflement mammaire provoqués de façon temporaire par les premiers traitements, et, d'autre part, du gonflement abdominal persistant pendant toute la période au cours de laquelle il était atteint de cirrhose. Il conserve à l'abdomen, à la suite de la transplantation, deux cicatrices chirurgicales importantes longues de 15 cm et 22 cm, de bonne qualité et visibles à trois mètres, à l'origine d'un préjudice esthétique évalué par l'expert à 1 sur une échelle de 7.
18. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction qu'avant la découverte de sa contamination, M. E... pratiquait la course à pied ainsi que la natation. Il avait en particulier participé au marathon de Paris. S'il avait repris ces activités à la date de l'expertise ordonnée par la cour, il doit désormais se conformer à des précautions accrues pour participer à des compétitions. A l'inverse, il ne résulte pas de l'instruction que l'abandon par M. E... de la pratique du handball, à laquelle il s'est adonné en 2009 et 2010, postérieurement à son troisième traitement, et qui ne fait pas l'objet d'une contre-indication particulière en cas de transplantation hépatique, serait la conséquence directe de la contamination. M. E... ne produit, par ailleurs, pas de justification à l'appui de ses affirmations selon lesquelles il a été contraint en 2010 de restituer un jardin potager qu'il exploitait jusqu'alors. Il ne justifie donc pas sur ces deux derniers points d'un préjudice d'agrément indemnisable au-delà de ce qui lui est accordé au titre du déficit fonctionnel permanent.
19. Si, enfin, M. E... a subi lors de ses traitements un préjudice sexuel non négligeable, l'expert désigné par la cour relève un " retour quasi-normal " à la fin du traitement par trithérapie fin septembre 2016. La persistance d'un " blocage psychologique à la reprise de rapports sexuels avec son épouse " invoquée par M. E... n'est, quant à elle, pas rapportée médicalement et ne peut être tenue pour établie.
20. En deuxième lieu, M. E... a éprouvé des souffrances significatives, qu'il s'agisse de manifestations de sa pathologie, en particulier de l'asthénie, ou des souffrances provoquées par les différents traitements mis en oeuvre. Au-delà des souffrances endurées par M. E... du fait de ses trois premiers traitements, évalués à 2 sur une échelle de 7 par l'expert missionné par l'ONIAM, il convient de prendre en compte celles résultant des traitements antiviraux ultérieurs, de la transplantation hépatique et du traitement du rejet aigu qui a fait suite à cette intervention.
21. En troisième lieu, eu égard aux échecs des quatre premiers traitements antiviraux, au diagnostic d'un carcinome hépatique, à l'annonce dans un premier temps de ce qu'il n'était pas transplantable et d'un pronostic vital engagé, à la récidive virale et au risque de rejet qu'il a présentés dans les suites de la transplantation, M. E... a pu légitiment éprouver avant la stabilisation de son état de santé des inquiétudes sur l'évolution défavorable de son état de santé et sur la réduction de son espérance de vie. Compte tenu de la fragilité de son état de transplanté hépatique, il doit, en outre, être regardé comme faisant état d'éléments personnels et circonstanciés justifiant la persistance d'un préjudice d'anxiété depuis cette stabilisation.
22. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 13 à 19, il sera fait une juste évaluation des troubles de toute nature subis par M. E... dans ses conditions d'existence, des souffrances constitutives de manifestations de sa pathologie ou consécutives aux traitements et du préjudice moral en lien direct avec sa contamination en lui allouant la somme globale de 49 000 euros.
En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :
23. Il résulte du rapport de l'expert désigné par la cour que, depuis la stabilisation de son état de santé fixée au 29 juin 2017, M. E..., alors âgé de quarante-quatre ans, demeure atteint d'une incapacité permanente partielle, évaluée à 30 %, induite par la transplantation hépatique. Alors même qu'en l'absence de consolidation, il n'est pas possible de fixer un déficit fonctionnel permanent définitif, compte tenu des risques de complications, il ne résulte pas de l'instruction que le taux de cette incapacité pourrait être réduit à l'avenir. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel correspondant, qui présente un caractère certain pour l'avenir, en allouant à M. E... la somme de 53 000 euros.
Sur les préjudices des proches de M. E... :
24. Il sera fait une juste appréciation de la douleur morale éprouvée par Mme E...du fait de la dégradation de l'état de santé de son époux jusqu'à la stabilisation, ainsi que des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en lien direct avec la contamination, incluant le préjudice sexuel, en lui allouant la somme de 5 000 euros.
25. Il sera fait une juste appréciation de la douleur morale éprouvée par Mlle D... E...et Mlle O... E...et des troubles qu'elles ont subis dans leurs conditions d'existence, compte tenu de leur jeune âge durant la maladie de leur père, en leur allouant la somme de 5 000 euros chacune.
Sur les droits des consorts E... et les intérêts :
26. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est seulement fondé à demander que la somme de 216 427,00 euros, accordée par les premiers juges à M. E... et dont celui-ci n'est pas fondé à demander la réévaluation, soit ramenée à 125 280,88 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, date d'enregistrement de sa demande de première instance, et payée sous déduction de la provision versée en exécution de l'arrêt de la cour du 25 avril 2017.
27. Mme F...E..., Mlle D... E...et Mlle O...E..., ces dernières représentées par leur père, ne sont quant à elles pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a limité à une somme de 5 000 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter du 7 octobre 2013, le montant de l'indemnité accordée à chacune d'elles par le jugement attaqué et à laquelle elles ont droit sous déduction des provisions versées en exécution de l'arrêt de la cour du 25 avril 2017.
Sur les dépens de l'instance constitués par les frais d'expertise :
28. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
29. L'expertise, ordonnée par la cour dans l'arrêt du 25 avril 2017 afin d'évaluer l'aggravation des préjudices de M. E... depuis le rapport de l'expert missionné par l'ONIAM, était justifiée par l'évolution de son état de santé et l'apparition d'un hépatocarcinome postérieurement au jugement attaqué. Cette circonstance particulière justifie que les frais de cette expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 100 euros par une ordonnance du 17 octobre 2017 du président de la cour, soit mise à la charge, non des consortsE..., mais de l'ONIAM, à qui il incombe d'assurer le traitement des demandes d'indemnisation des conséquences d'une contamination par le virus de l'hépatite C, présentées au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ONIAM, les frais exposés par les consorts E...et non compris dans ces dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions des consorts E...tendant à ce que le jugement soit déclaré commun à la CPAM du Havre sont rejetées.
Article 2 : L'indemnité de 216 427,00 euros que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné par le tribunal administratif de Rouen à verser à M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique est ramenée à la somme de 125 280,88 euros. Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter de 7 octobre 2013 et sera versée sous déduction de la provision versée en exécution de l'arrêt de la cour du 25 avril 2017.
Article 3 : Le jugement n° 1302743 du 8 septembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 100 euros par une ordonnance du 17 octobre 2017 du président de la cour, sont mis à la charge de l'ONIAM.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. B... E..., à Mme F... H...épouseE..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et au Dr C...J..., expert.
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N°15DA01804