Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Saica Paper France a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre de recettes émis le 30 octobre 2013 par l'agence de l'eau Seine-Normandie pour le recouvrement d'une somme de 1 832 657,07 euros, correspondant, d'une part, au montant brut de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique due pour l'année 2010 et, d'autre part, à la majoration de 40 % appliquée à ce montant, la décision du 23 décembre 2013 fixant le montant net de cette redevance, après écrêtement prévu par l'article 100 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, à 741 748,80 euros et celui de la majoration à 296 699,52 euros, ainsi que la décision du 19 mai 2014 rejetant la réclamation préalable dirigée contre ce titre de recettes.
Par un jugement n° 1402924 du 3 mai 2016, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ce titre de recettes, renvoyé la société Saica Paper France devant l'agence de l'eau Seine-Normandie afin qu'il soit procédé à la liquidation de la redevance due au titre de l'année 2010 en calculant le niveau de pollution théorique de ses installations par application des dispositions de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement, et déchargé la société Saica Paper France de la somme correspondant à la différence entre les taux de majoration de 10 % et 40 % s'agissant de la redevance de l'année 2010.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2016, et des mémoires, enregistrés les 4 septembre 2017, 14 février 2018,16 mars 2018, et 15 mai 2018, l'agence de l'eau Seine-Normandie, représentée par Me G...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la société Saica Paper France ;
3°) de mettre à la charge de la société Saica Paper France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code général des impôts,
- la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006,
- le décret n° 2007-1311 du 5 septembre 2007,
- l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d'établissement des redevances pour pollution de l'eau et pour modernisation des réseaux de collecte,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me G...E..., représentant l'agence de l'eau Seine-Normandie, et de Me D...B..., substituant Me A...C..., représentant la société Saica Paper France.
Une note en délibéré présentée par l'agence de l'eau Seine-Normandie a été enregistrée le 11 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique applicable au litige :
1. Le I de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement assujettit à la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique toute personne dont les activités entraînent le rejet de certains éléments de pollution dans le milieu naturel directement ou par un réseau de collecte. Il résulte du II de cet article que l'assiette de cette redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel égale à douze fois la moyenne de la pollution moyenne mensuelle et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte, et qu'elle est déterminée directement à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets, le dispositif de suivi étant agréé et contrôlé par un organisme mandaté par l'agence de l'eau. Il résulte de ce même II que lorsque le suivi régulier des rejets s'avère impossible, l'assiette est déterminée indirectement par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution correspondant à l'activité en cause et, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le redevable ou le gestionnaire du réseau collectif. Les articles R. 213-48-7 et R. 213-48-8 du code de l'environnement déterminent, en indiquant leur ordre de priorité, les méthodes de calcul du niveau théorique de pollution.
Sur les conditions dans lesquelles la société Saica Paper France a été assujettie à la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique :
2. La société Saica Paper France exploite, sur le territoire de la commune de Venizel, une usine de fabrication de papiers. L'activité de cette usine conduisant à des rejets polluants dans la rivière l'Aisne, la société Saica Paper France a été assujettie, au titre de l'année 2010, à la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. En l'absence de dispositif agréé de suivi des rejets, l'assiette de cette redevance a été déterminée indirectement, conformément au II de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement. Pour calculer le niveau théorique de pollution, l'agence de l'eau Seine-Normandie a fait application de la méthode prévue à l'article R. 213-48-7 de ce code, c'est-à-dire a fixé ce niveau à partir des résultats d'une campagne générale de mesures des rejets de l'établissement considéré, réalisée, en l'espèce, en 2004. Le montant de la redevance due par la société Saica Paper France au titre de l'année 2010 a fait l'objet, le 2 mai 2013, d'une proposition de taxation d'office, sur le fondement des dispositions de l'article L. 213-11-6 du code de l'environnement, et d'une majoration de 40 %, sur le fondement des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts. Un titre de recettes a ensuite été émis par l'agence de l'eau Seine-Normandie le 30 octobre 2013, pour le recouvrement du montant de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique due au titre de l'année 2010 et du montant de la majoration de 40 % l'assortissant.
3. L'agence de l'eau Seine-Normandie relève appel du jugement du 3 mai 2016 par lequel, à la demande de la société Saica Paper France, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ce titre de recettes, renvoyé la société Saica Paper France devant l'agence de l'eau Seine-Normandie afin qu'il soit procédé à la liquidation de la redevance due au titre de l'année 2010 en calculant le niveau de pollution théorique de ses installations par application des dispositions de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement, et a déchargé la société Saica Paper France de la somme correspondant à la différence entre les taux de majoration de 10 % et 40 % s'agissant de la redevance de l'année 2010. Par son appel incident, la société Saica Paper France fait valoir que le tribunal administratif d'Amiens a omis de prendre en compte le calcul de la pollution évitée pour la détermination de l'assiette de la contribution et demande l'annulation du jugement sur ce point.
Sur la régularité du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'irrégularité soulevé par l'agence de l'eau s'agissant de la pollution rejetée :
4. À l'appui de sa demande, la société Saica Paper France a contesté les modalités de calcul du niveau théorique de pollution en soutenant, dans sa requête introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 17 juillet 2014, que l'agence de l'eau Seine-Normandie ne pouvait à cet effet se fonder sur les résultats d'une campagne générale de mesures des rejets réalisée en 2004, qui serait devenue obsolète à la suite de changements intervenus depuis lors dans ses méthodes et outils de production, et que l'agence de l'eau aurait dû déterminer ce niveau théorique, soit en réalisant une nouvelle campagne générale de mesures des rejets, soit en appliquant des coefficients de pollution correspondant au plus près de la réalité de son activité. En se prévalant, à l'appui de sa contestation des modalités de calcul du niveau théorique de pollution, de cette argumentation, la société Saica Paper France n'a pas entendu soutenir que l'agence de l'eau Seine-Normandie aurait dû faire application, pour le calcul de ce niveau de pollution théorique, de l'une des deux modalités prévues par les dispositions de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement. Elle soutenait au contraire que l'agence aurait dû procéder à une nouvelle campagne pour l'année en cause. C'est seulement dans son mémoire en réplique, enregistré au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 17 février 2016 à 11h49, soit avant la clôture d'instruction fixée le même jour à 12h, que la société Saica Paper France a expressément invoqué ce moyen tiré de ce qu'il aurait dû être fait application des dispositions de l'article R. 213-48-8. Il ressort des pièces du dossier de première instance que ce mémoire n'a pas été communiqué à l'agence de l'eau Seine-Normandie. Or, pour annuler le titre de recettes attaqué et pour renvoyer devant l'agence de l'eau Seine-Normandie la société Saica Paper France afin que soit calculé le niveau de pollution théorique par application des dispositions de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement, le tribunal s'est fondé sur ce moyen. L'agence de l'eau Seine-Normandie est ainsi fondée à soutenir que, dans ces conditions, le tribunal administratif d'Amiens a méconnu le caractère contradictoire de la procédure. Par suite, l'agence de l'eau Seine-Normandie est fondée à soutenir que ce jugement est dans cette mesure irrégulier.
En ce qui concerne le moyen d'irrégularité soulevé par la société s'agissant de la pollution évitée :
5. Le jugement attaqué comporte, en ses points 2 à 5, les motifs pour lesquels les premiers juges ont estimé que le niveau théorique de pollution aurait dû être déterminé par application des dispositions de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement. Le point 6 de ce jugement en déduit, " sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, qu'il y a lieu d'annuler le titre de recette attaqué n° 94970 du 30 octobre 2013 et de renvoyer la société Saica Paper France devant l'Agence de l'Eau Seine-Normandie, afin qu'il soit procédé à la liquidation de la redevance due au titre de l'année 2010, en calculant le niveau de pollution théorique de ses installations, sur la base des dispositions de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement ". Cependant, la société Saica Paper France avait également présenté des moyens contestant les modalités de calcul du niveau de pollution évitée. Le tribunal a omis de répondre à ces moyens sur lesquels il devait prendre position afin de déterminer les modalités de l'assiette de la redevance et qui n'étaient pas tous inopérants. La société Saica Paper France est, par suite, fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier sur ce point.
6. Les moyens examinés aux points 4 et 5 ne peuvent qu'entraîner l'annulation dans son ensemble du jugement attaqué. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Saica Paper France devant le tribunal administratif d'Amiens.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte au principe d'impartialité :
7. La circonstance que M.F..., responsable de l'environnement au sein de la société Saica Paper France jusqu'au cours de l'année 2009, a ensuite exercé les fonctions de chef du service des performances environnementales au sein de l'agence de l'eau Seine-Normandie, et que c'est sous l'autorité de ce service qu'a été liquidée la redevance en litige, n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser une atteinte au principe d'impartialité, qui s'impose à toute autorité administrative.
En ce qui concerne l'existence d'un dispositif agréé de suivi régulier des rejets :
8. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, la société Saica Paper France n'a pas mis en place, en 2010, de dispositif agréé de suivi régulier des rejets de substances polluantes inhérents à son activité. L'agence de l'eau ne pouvait dès lors liquider l'assiette de la redevance due par cette société qu'en la déterminant indirectement, par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution correspondant à l'activité en cause et, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le redevable ou le gestionnaire du réseau collectif.
En ce qui concerne le niveau de pollution théorique :
9. L'article L. 213-10-2 précité du code de l'environnement dispose que : " (...) Le niveau théorique de pollution d'une activité est calculé sur la base de grandeurs et de coefficients caractéristiques de cette activité déterminés à partir de campagnes générales de mesures ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs. (...) ". Aux termes de l'article R. 213-48-7 du même code : " I. En l'absence de dispositif agréé de suivi régulier des rejets ou de communication des résultats d'un tel dispositif, l'agence de l'eau détermine un niveau théorique de pollution à partir des résultats d'une campagne générale de mesures des rejets de l'établissement considéré ou, à défaut, en application de l'article R. 213-48-8. / II.-La campagne générale de mesures porte sur les rejets de l'établissement avant mise en oeuvre d'un dispositif de dépollution. Elle comporte la mesure des quantités d'éléments constitutifs de la pollution rejetées pendant une durée représentative de l'activité et la détermination pendant la même durée, après identification de l'activité polluante et de la grandeur caractéristique permettant d'en apprécier le volume, du nombre d'unités de cette grandeur. / Pour chaque élément constitutif de la pollution, le coefficient spécifique de pollution est le rapport entre la quantité d'élément mesurée pendant la durée de la campagne et le nombre d'unités de la grandeur caractérisant l'activité polluante pendant cette même durée. / Le niveau de pollution de l'activité correspondant à chaque élément constitutif de la pollution s'obtient en multipliant le nombre total d'unités de la grandeur caractérisant l'activité par le coefficient spécifique de pollution établi pour cet élément. / III.- La campagne générale de mesures de la pollution produite est réalisée par un organisme agréé par l'agence de l'eau à l'initiative de celle-ci ou à la demande du redevable. (...) / IV.-Les résultats de la campagne générale de mesures sont pris en compte pour la détermination de la redevance due au titre de l'année de la demande de mesure si cette demande est faite avant le 30 septembre (...) ". Et aux termes de l'article R. 213-48-8 de ce code : " En l'absence de suivi régulier des rejets ou de résultats d'une campagne générale de mesures des rejets de l'établissement considéré, l'agence de l'eau fixe, pour chaque élément constitutif de la pollution, un niveau théorique de pollution en multipliant le nombre d'unités de la grandeur caractérisant l'activité par un niveau forfaitaire de pollution théorique produite par unité déterminé à partir de résultats de campagnes générales de mesures des rejets d'établissements réalisant la même activité. / En l'absence de tels résultats, un arrêté du ministre chargé de l'environnement définit, par activité et pour chaque élément constitutif de la pollution, un niveau forfaitaire de pollution théorique produite par unité de gradeur caractéristique sur la base d'études fondées sur des résultats de mesures des rejets d'un échantillon d'établissements représentatifs de l'activité considérée ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, même en l'absence d'évaluation directe de la pollution, les mesures des rejets qui reposent sur des évaluations indirectes doivent, quelle que soit la méthode utilisée, être le plus possible représentatives de la pollution rejetée. À cet égard, et à supposer qu'elle ait entendu se prévaloir de ce moyen, l'agence de l'eau Seine-Normandie ne saurait, pour soutenir qu'une autre interprétation de ces dispositions devrait être retenue, utilement invoquer l'autorité relative de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 1607843 du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a admis, pour la redevance mise à la charge de la même société au titre de l'année 2011, la validité de la méthode fondée sur les résultats de la campagne 2004, dès lors qu'en tout état de cause, ce jugement concerne une année d'imposition distincte de celle en litige.
10. L'Agence de l'eau Seine-Normandie a, en application des dispositions de l'article R. 213-48-7 cité au point précédent, déterminé le niveau théorique de pollution à partir des résultats d'une campagne générale de mesures des rejets, réalisée en janvier 2004.
11. Il résulte de l'instruction que la société Saica Paper France a, postérieurement à la réalisation de cette campagne, apporté des modifications significatives à ses procédés de fabrication, d'une part, en abandonnant, au cours de l'année 2008, la fabrication de pâte mi-chimique à partir de bois au profit de la fabrication de papier à partir du seul papier recyclé, et, d'autre part, en mettant définitivement à l'arrêt, à compter de juillet 2009, une des deux lignes de fabrication traditionnelle. Il résulte également de l'instruction que ces évolutions ont considérablement réduit, non seulement les quantités d'eau rejetées, mais également la qualité des rejets d'éléments polluants issus de l'activité de l'usine. Au demeurant, en atteste la circonstance que le montant de redevance mis à sa charge après que le niveau théorique de pollution eut été liquidé directement à partir des résultats de son dispositif agréé de suivi régulier de l'ensemble des rejets est significativement inférieur à celui en litige. La société Saica Paper France est ainsi fondée à soutenir qu'en l'espèce, les résultats de la campagne générale de mesures des rejets réalisée en 2004 n'étaient manifestement plus représentatifs de son niveau de pollution théorique au titre de l'année 2010. Il résulte, en outre, de l'instruction que l'agence de l'eau ne pouvait, à la date des impositions, ignorer les évolutions structurelles réalisées par la société dont celle-ci l'avait régulièrement tenue informée. Par ailleurs, les dispositions du III de l'article R. 213-48-7 du code de l'environnement ne réservent pas au redevable l'initiative d'une campagne générale de mesures de la pollution produite qui doit être réalisée par un organisme agréé par l'agence de l'eau au titre d'une année donnée. Il ne résulte pas, enfin, de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas soutenu qu'aucune des méthodes alternatives résultant de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement n'était applicable ou aurait donné des résultats moins représentatifs que ceux issus de la campagne générale de mesures de 2004.
12. Il résulte de ce qui précède que la société Saica Paper France est fondée à soutenir que l'agence de l'eau Seine-Normandie ne pouvait, pour le calcul du niveau théorique de pollution, se fonder sur les résultats de cette campagne générale de mesures des rejets réalisée en 2004. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la société Saica Paper France est également fondée à soutenir que, pour le calcul du niveau théorique de pollution, l'agence de l'eau Seine-Normandie devait faire application des dispositions de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement.
13. En revanche, l'état du dossier ne permet pas à la cour de déterminer si l'agence de l'eau Seine-Normandie pourra calculer ce niveau théorique de pollution par application de la méthode prévue au premier alinéa de l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement, ou si, en l'absence de résultats de campagnes générales de mesures des rejets d'établissements réalisant la même activité que celle de la société Saica Paper France, l'agence de l'eau devra recourir à la méthode prévue au second alinéa de cet article. L'état du dossier ne permet pas non plus à la cour de déterminer si l'application de l'une ou de l'autre de ces méthodes devrait conduire à une réduction du montant de la redevance due au titre de l'année 2010, et, dans l'affirmative, dans quelle mesure.
14. Il y a, dès lors, lieu d'ordonner, avant dire droit, un supplément d'instruction contradictoire aux fins de permettre à l'agence de l'eau Seine-Normandie, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de produire tous éléments permettant d'éclairer la cour sur le recours à l'une ou l'autre des deux méthodes de calcul du niveau théorique de pollution prévues à l'article R. 213-48-8 du code de l'environnement, et sur le montant de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique qui, compte tenu de l'application de l'une ou l'autre de ces deux méthodes, sera ainsi due par la société Saica Paper France au titre de l'année 2010.
En ce qui concerne le niveau de pollution évitée :
15. L'article L. 213-10-2 précité du code de l'environnement dispose que : " (...) La pollution évitée est déterminée à partir de mesures effectuées chaque année, le dispositif de suivi étant agréé par l'agence de l'eau ou, à défaut, à partir de coefficients évaluant l'efficacité du dispositif de dépollution mis en oeuvre. (...) ".
16. Aux termes de l'article R. 213-48-9 du même code : " I.-Si l'établissement du redevable dispose de dispositifs de dépollution, la pollution évitée est égale à la pollution éliminée multipliée par un coefficient d'élimination des boues issues du dispositif de dépollution défini par arrêté du ministre chargé de l'environnement en prenant en compte la situation des filières d'élimination des boues au regard de la réglementation en vigueur et, pour les épandages des boues, la qualité des méthodes de stockage et d'élimination. / Le ministre chargé de l'environnement définit par arrêté, en fonction du niveau théorique de pollution et des divers éléments constitutifs de la pollution, les mesures à réaliser pour déterminer la pollution éliminée. Cet arrêté fixe également, pour chacun des éléments constitutifs de la pollution, le coefficient forfaitaire à retenir, en l'absence de résultats de mesure ou de transmission de ces résultats, pour le calcul de la pollution évitée en fonction du procédé de dépollution mis en oeuvre, de ses conditions de fonctionnement et des modalités d'élimination des boues (...) ".
S'agissant du dispositif de suivi des rejets valant provisoirement agrément :
17. Aux termes de l'article 6 du décret du 5 septembre 2007 relatif aux modalités de calcul des redevances des agences de l'eau et modifiant le code de l'environnement : " Les établissements et les ouvrages d'épuration des eaux usées dont les dispositifs de suivi des rejets ont fait l'objet d'une validation technique par l'agence de l'eau ou par un organisme mandaté par elle à la date d'entrée en vigueur du présent décret en vue de la détermination de l'assiette de la redevance de pollution produisent dans un délai de trois années à compter de cette date un descriptif du suivi régulier des rejets aux fins d'agrément en application du deuxième alinéa du II de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, le dispositif de suivi en place étant considéré comme agréé jusqu'au terme de ce délai sauf retrait motivé par l'agence ".
18. La société Saica Paper France n'établit pas que son dispositif de suivi des rejets aurait fait l'objet d'une validation technique par l'agence de l'eau ou par un organisme mandaté par elle à la date d'entrée en vigueur de ce décret, le 1er janvier 2008, et qu'elle aurait produit dans un délai de trois années à compter de cette date un descriptif du suivi régulier des rejets aux fins d'agrément. Au demeurant, l'agence de l'eau soutient, sans être contredite, que la société Saica Paper France n'avait toujours pas, en 2010, sollicité l'agrément de son dispositif de suivi régulier des rejets. La société Saica Paper France n'est ainsi pas fondée à soutenir que son dispositif de suivi des rejets devait, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, être considéré comme provisoirement agréé et que, en présence d'un tel agrément provisoire, le niveau de pollution évitée devait être déterminé à partir des résultats de ce dispositif sur le fondement des dispositions citées au point précédent.
S'agissant des mesures transitoires :
19. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d'établissement des redevances pour pollution de l'eau et pour modernisation des réseaux de collecte : " Les modalités de calcul de la pollution évitée mentionnée à l'article R. 213-48-9 du code de l'environnement figurent à l'annexe VI du présent arrêté ". Selon cette annexe VI, dans sa rédaction alors applicable : " (...) 2. Autres dispositifs de dépollution mis en oeuvre par l'établissement. (...) / a) Détermination de la pollution éliminée. / Pour l'application du I de l'article R. 213-48-9 du code de l'environnement, la pollution éliminée par les dispositifs de dépollution autres que l'épandage direct des rejets sur des terres agricoles est déterminée comme suit : (...) / - en l'absence de résultats de mesures validés ou de transmission de ces résultats à l'Agence de l'eau, sans préjudice des dispositions transitoires définies au point b ci-après et sous réserve de la transmission d'éléments d'appréciation sur le fonctionnement de l'ouvrage de dépollution pendant l'année considérée tels que la consommation d'énergie, la consommation de réactifs et la production de boues, le tableau n° 6 ci-dessous indique la valeur forfaitaire du coefficient d'élimination de la pollution pour chaque élément constitutif de la pollution, selon le procédé de dépollution et en fonction des caractéristiques générales de fonctionnement du dispositif de dépollution. (...). / b) Mesures transitoires. / Pour les ouvrages de dépollution en service à la date de publication du présent arrêté, les dispositions en vigueur en 2007 pour le suivi des ouvrages peuvent être reconduites pour les années 2008 et 2009 au lieu et place des dispositions du tableau n° 5 ci-dessus. (...) ".
20. La société Saica Paper France ne peut utilement invoquer, pour contester les modalités de calcul de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique mise à sa charge au titre de l'année 2010, le bénéfice des mesures transitoires prévues au b) du 2 de l'annexe VI de l'arrêté du 21 décembre 2007, s'appliquant uniquement pour les années 2008 et 2009.
S'agissant de la convention d'aide financière :
21. La convention conclue le 30 janvier 2008 entre l'agence de l'eau Seine-Normandie et la société Saica Paper France a seulement pour objet l'attribution à cette dernière d'une aide financière en contrepartie de la réalisation, dans un délai déterminé, de travaux de mise à niveau de la station d'épuration de son usine. Dès lors, la société Saica Paper France n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que, par cette convention, l'agence de l'eau Seine-Normandie se serait engagée à tenir compte, pour le calcul du niveau de pollution évitée, du rendement réel de la station d'épuration une fois ces travaux réalisés.
S'agissant des mentions figurant sur le site internet de l'agence de l'eau :
22. Les mentions figurant sur le site internet de l'agence de l'eau Seine-Normandie, selon lesquelles le niveau de pollution évitée n'est déterminé à partir de coefficients forfaitaires qu'à défaut de suivi régulier des rejets, ne sauraient être regardées comme ayant autorisé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, le calcul de la pollution évitée à partir des mesures effectuées par un dispositif non agréé de suivi régulier des rejets. La société Saica Paper France n'est, dès lors et en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de ces mentions pour soutenir que le niveau de pollution évitée aurait dû être déterminé à partir des mesures ainsi effectuées par ce dispositif.
23. Il s'ensuit, en l'absence de dispositif agréé de suivi régulier des rejets, et peu important à cet égard le coût des investissements réalisés par la société Saica Paper France pour moderniser son système de dépollution, que l'agence de l'eau Seine-Normandie a fait une exacte application des dispositions applicables en calculant le niveau de pollution évitée par référence aux coefficients forfaitaires fixés par le tableau n° 6 de l'annexe VI à l'arrêté du 21 décembre 2007 cité au point 17.
En ce qui concerne la légalité de la délibération fixant le taux de redevance :
24. Aux termes de l'article L. 213-9-1 du code de l'environnement : " Pour l'exercice des missions définies à l'article L. 213-8-1, le programme pluriannuel d'intervention de chaque agence de l'eau détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en oeuvre. (...). / Les délibérations du conseil d'administration de l'agence de l'eau relatives au programme pluriannuel d'intervention et aux taux des redevances sont prises sur avis conforme du comité de bassin, dans le respect des dispositions encadrant le montant pluriannuel global de ses dépenses et leur répartition par grand domaine d'intervention, qui font l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et des finances, pris après avis du Comité national de l'eau. (...) ".
25. Par une délibération n° CB 07-04 du 25 octobre 2007, le comité de bassin Seine-Normandie a donné un avis conforme sur la révision du 9ème programme et sur plusieurs projets de délibération du conseil d'administration, au nombre desquels figure le projet de délibération n° 07-12. Par une délibération n° 07-12 du même jour, le conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie a approuvé le taux des redevances et des primes pour épuration pour le 9ème programme. Les termes mêmes de cette délibération du comité de bassin, visant les " projets de délibération du conseil d'administration ", révèlent, contrairement à ce que soutient la société Saica Paper France, que cet avis conforme a précédé la délibération du conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie, laquelle pouvait ne pas viser cet avis conforme. Le moyen tiré de ce que la délibération du conseil d'administration de l'agence de l'eau approuvant le taux des redevances n'a pas été prise sur avis conforme du comité de bassin manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
26. Il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 25, que la société Saica Paper France n'est pas fondée à soutenir que le niveau de sa contribution aurait dû être davantage réduit au titre de la pollution évitée.
En ce qui concerne la procédure d'établissement de la majoration de la redevance :
27. Aux termes de l'article L. 213-11-7 du code de l'environnement : " en cas de défaut de déclaration, de déclaration tardive des éléments nécessaires à la détermination des redevances, lorsque la déclaration fait apparaître des éléments insuffisants, inexacts ou incomplets, ou en cas de taxation d'office en application des 2° et 3° du I de l'article L. 213-11-6, les redevances mises à la charge du contribuable sont assorties d'intérêts de retard et, le cas échéant, de majorations selon les modalités prévues en matière d'impôt sur le revenu par le code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle les redevances sont dues ". L'article 1728 du code général des impôts dispose que : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".
28. Il est constant qu'aucune mise en demeure n'a été adressée à la société Saica Paper France avant l'application de la majoration de 40 % prévue par le b du 1 de l'article 1728 cité au point précédent. L'inutilité d'y procéder alléguée par l'agence de l'eau ne saurait être assimilée à une circonstance insurmontable de nature à la dispenser de mettre en demeure la société redevable de lui déclarer les éléments nécessaires à son imposition. Cette irrégularité, invoquée uniquement à l'appui des conclusions tendant à la décharge de la majoration assortissant le montant de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique, a privé la société Saica Paper France d'une garantie. Il s'ensuit qu'elle est fondée à soutenir que c'est au terme d'une procédure irrégulière que l'agence de l'eau lui a appliqué, sur le montant net de la redevance après écrêtement (soit 741 748,80 euros), une majoration de 40 % (soit 296 699,52 euros) au lieu d'une majoration de 10 % (soit 74 174,88 euros), et à demander, par suite, la décharge de la somme correspondante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 3 mai 2016 est annulé.
Article 2 : La société Saica Paper France est déchargée de la somme résultant de la réduction à 10 % du taux de majoration appliquée au montant de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique due au titre de l'année 2010.
Article 3 : Avant dire droit sur le surplus de la demande présentée par la société Saica Paper France devant le tribunal administratif d'Amiens, il est procédé à un supplément d'instruction dont l'objet et le contenu sont précisés aux points 13 et 14 du présent arrêt.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'agence de l'eau Seine-Normandie et à la société Saica Paper France.
N°16DA01180 2