Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limité Exellia Automobiles, représentée par M.A..., agissant en qualité de mandataire ad hoc, a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2006 au 31 août 2007.
Par un jugement n° 1403312 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens, a prononcé la décharge demandée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 février 2017, le 16 février 2017, le 12 juin 2017 et le 27 juin 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de l'EURL Exellia Automobiles les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déchargée par ce jugement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Exellia Automobiles exerçait l'activité de mandataire automobile. Elle a été déclarée en cessation d'activités le 30 octobre 2006 puis a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 6 décembre 2006. Toutefois, l'administration ayant été amenée à penser que cette entreprise avait poursuivi ses activités commerciales après cette date, elle a mis en oeuvre une vérification de comptabilité portant sur les années 2005 à 2012. Par une ordonnance du 17 juillet 2013, le tribunal de commerce de Compiègne a nommé M.A..., l'ancien gérant de l'entreprise, en tant que mandataire ad hoc, avec pour mission de représenter l'entreprise lors des opérations de contrôle. Celles-ci ont permis de conforter l'opinion du service en ce qui concerne la poursuite de l'activité de l'entreprise après l'accomplissement des formalités de radiation du registre du commerce et des sociétés et sans que celle-ci se soit acquittée de ses obligations déclaratives. Une proposition de rectification a été adressée, le 23 janvier 2014, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'EURL Exellia Automobiles, selon la procédure de taxation d'office. Cette entreprise, représentée par M.A..., a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2006 au 31 août 2007. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge demandée et conclut à ce que la cour remette les impositions en litige à la charge de l'EURL Exellia Automobiles.
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'EURL Exellia Automobiles :
2. En vertu de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, le directeur général des finances publiques ou son délégué dispose d'un délai de deux mois courant de la date à laquelle le jugement lui a été notifié pour transmettre, s'il y a lieu, ce jugement au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire ce délai de transmission.
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la cour que le directeur départemental des finances publiques de la Somme a reçu le 21 novembre 2016, au moyen de l'application Télérecours, la notification du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 3 novembre 2016. En vertu des dispositions rappelées au point précédent, le délai de transmission de ce jugement au ministre chargé du budget expirait le 22 janvier 2017 et, par voie de conséquence, le délai imparti à ce dernier pour saisir la cour expirait le 23 mars 2017. Par suite, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 février 2017, qui a été introduite avant l'expiration de ce dernier délai, n'est pas tardive. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par l'EURL Exellia Automobiles doit être écartée comme manquant en fait.
Sur l'appel du ministre :
4. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a été amené à constater que la comptabilité de l'EURL Exellia Automobiles était entachée de graves irrégularités et insuffisances, aucun grand-livre, ni aucun journal d'achats, de ventes et autres opérations courantes n'ayant, en particulier, pu être présenté au vérificateur au titre de l'exercice clos en 2007. Ayant, par voie de conséquence, écarté celle-ci comme dépourvue de force probante, celui-ci a procédé à une reconstitution des recettes perçues par l'entreprise au cours de la période vérifiée, à partir des encaissements figurant sur le compte bancaire détenu par celle-ci, lesquels y ont exclusivement été enregistrés au cours de la période du 1er novembre 2006 au 31 août 2007. Au terme de cette reconstitution, le montant des ventes de véhicules réalisées durant cette période a pu être évalué à une somme de 1 430 057 euros toutes taxes comprises. Par ailleurs, un examen des virements européens effectués au cours de la même période a permis au vérificateur de mettre en évidence la réalisation d'acquisitions intracommunautaires taxables représentant une somme totale de 1 329 228 euros, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces opérations s'élevant à 260 529 euros. Cependant, par mesure de tolérance, l'administration a, dans le cadre du dispositif d'auto-liquidation, imputé la taxe déductible sur ce montant.
5. Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / (...) ".
6. Pour prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL Exellia Automobiles à la suite de cette procédure de contrôle, le tribunal administratif d'Amiens a estimé qu'alors que seuls étaient en cause des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, dont le fait générateur se produit en principe, en matière de livraison de biens, à la date du transfert du pouvoir de disposer de ce bien, l'administration fiscale n'établissait pas, en se limitant à se prévaloir des dates d'encaissements et de décaissements figurant sur les relevés de compte bancaire de l'EURL Exellia Automobiles, que le fait générateur attaché aux opérations d'achats et de ventes en cause était intervenu postérieurement à la radiation, le 6 décembre 2006, de l'entreprise requérante du registre du commerce et des sociétés. Les premiers juges ont déduit de cette appréciation que l'administration fiscale n'établissait pas, en l'état du dossier, que l'EURL Exellia Automobiles exerçait une activité occulte et qu'elle ne pouvait, dans ces conditions, se prévaloir du délai de reprise de dix ans prévu en pareille situation par les dispositions précitées de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, de sorte que l'entreprise requérante était fondée à soutenir qu'à la date à laquelle elle a reçu la proposition de rectification, soit le 25 janvier 2014, la période allant du 1er novembre 2006 au 31 août 2007 était prescrite.
7. Toutefois, si, en vertu du a du 1 et du a du 2 de l'article 269 du code général des impôts, l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée intervient au moment de la livraison ou de l'acquisition intracommunautaire du bien faisant l'objet de la transaction considérée, il en va autrement lorsque le contribuable n'a pu présenter une comptabilité probante, ni aucune pièce justificative attestant de la date de livraison ou d'acquisition intracommunautaire de ce bien. Dans ce cas, la taxe doit être réputée exigible à la date de l'encaissement du paiement ou de l'enregistrement du virement bancaire correspondant à ces opérations.
8. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent qu'après avoir écarté la comptabilité de l'EURL Exellia Automobiles comme dépourvue de force probante et avoir constaté que cette entreprise n'était détentrice, en ce qui concerne la période postérieure au 30 octobre 2006, date à laquelle elle a déclaré cesser ses activités, d'aucune pièce justificative de nature à établir les dates d'acquisition de ses véhicules auprès de ses fournisseurs espagnols, belge et allemand, ou à établir les dates de leur livraison auprès de ses clients, le vérificateur était fondé à procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise à partir des encaissements et décaissements enregistrés sur le compte bancaire détenu par celle-ci. Il est, en outre, constant que la réalité des opérations d'achat et revente de véhicules correspondant à ces mouvements bancaires, mis en évidence durant la période du 1er novembre 2006 au 31 août 2007, n'a fait l'objet d'aucune contestation de la part de M.A..., mandataire ad hoc de l'EURL Exellia Automobiles. Enfin, il résulte de l'instruction et notamment des relevés bancaires auxquels l'administration fiscale a eu accès, que ces mouvements ne se limitent pas à quelques opérations isolées, mais que le vérificateur a identifié, durant la période en cause, quarante-huit encaissements correspondant à des ventes de véhicules à des clients et quarante virements se rapportant à des acquisitions intracommunautaires de véhicules. Ainsi, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant apporté des éléments suffisants à établir que l'EURL Exellia Automobiles, qui avait poursuivi ses activités d'achat et revente après le 30 octobre 2006, date déclarée de sa cessation d'activités, et même après le 6 décembre 2006, date de sa radiation du registre du commerce et des sociétés et ne s'était, en outre, pas acquittée de ses obligations déclaratives, avait exercé une activité occulte. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a retenu qu'une telle preuve n'était pas rapportée et que, l'administration ne pouvant se prévaloir du délai de reprise de dix années prévu par les dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales citées au point 5, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige étaient prescrits à la date du 25 janvier 2014, à laquelle l'entreprise a reçu la proposition de rectification correspondante.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par l'EURL Exellia Automobiles devant le tribunal administratif d'Amiens.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
10. Le fait que la décision rejetant la réclamation formée par l'EURL Exellia Automobiles ne désigne pas précisément le tribunal administratif devant lequel elle pourra faire l'objet d'une contestation dans les deux mois suivant sa notification demeure sans incidence tant sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de cette entreprise que sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
11. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 25 mars 2014 faisant suite à la réponse de l'administration aux observations qu'elle avait formulées, l'EURL Exellia Automobiles a demandé à bénéficier " des voies de recours hiérarchiques prévues par la charte du contribuable vérifié ". L'inspectrice principale, en sa qualité de supérieur hiérarchique du vérificateur, a reçu le représentant de l'entreprise le 15 avril suivant. Cet entretien a fait l'objet d'un compte-rendu qui a été adressé à l'EURL Exellia Automobiles le 16 avril 2014 et qui précisait que, si elle entendait saisir l'interlocuteur départemental, il lui appartenait de le faire savoir par écrit. Il n'est pas contesté que l'EURL Exellia Automobiles, qui a reçu ce document le 17 avril 2014, n'a donné aucune suite à cette proposition. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été privée de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental doit être écarté.
Sur le bien fondé de l'imposition :
12. Ainsi qu'il a été dit au point 1, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été notifiés à l'EURL Exellia Automobiles selon la procédure de taxation d'office en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Celle-ci supporte, dès lors, la charge de la preuve du caractère exagéré de ces rehaussements. En outre, comme il a été dit aux points 4 et 8, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été déterminés sur la base des encaissements et virements intervenus, durant la période du 1er novembre 2006 au 31 août 2007, sur le compte bancaire détenu par l'EURL Exellia Automobiles pour les besoins de l'activité d'achat et de revente d'automobiles qu'elle a continué à exercer d'une manière occulte après la date déclarée de sa cessation d'activités et après celle de sa radiation du registre du commerce et des sociétés. Par mesure de tolérance, le service a, dans le cadre du dispositif d'auto-liquidation, imputé la taxe déductible sur le montant ainsi déterminé. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir que les rappels en litige seraient " hors de proportion avec son activité réelle ", l'EURL Exellia Automobiles n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération de ces impositions.
Sur les pénalités ;
13. Compte-tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 8, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ne peuvent être regardés, contrairement à ce qu'allègue l'EURL Exellia Automobiles, comme trouvant leur cause dans des opérations réalisées avant sa radiation du registre du commerce et des sociétés, mais doivent être considérés comme résultant de l'activité de négoce qu'elle a continué à exercer après cette radiation et dont l'administration a établi le caractère occulte. Par suite, ces rappels ont pu à bon droit être assortis de la majoration prévue, en cas de découverte d'une activité occulte, au c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 novembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels l'EURL Exellia Automobiles a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2006 au 31 août 2007, d'autre part, à demander que ces impositions soient remises à la charge de l'EURL Exellia Automobiles.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels l'EURL Exellia Automobiles a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2006 au 31 août 2007 est annulé.
Article 2 : Les impositions mentionnées à l'article 1er ci-dessus sont remises à la charge de l'EURL Exellia Automobiles.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A..., en qualité de mandataire ad hoc de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Exellia Automobiles.
Copie sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°17DA00284
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