Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge de l'obligation, qui lui a été notifiée par mise en demeure du 19 septembre 2013, de payer la somme de 19 923,22 euros correspondant au solde restant dû de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme D...ont été assujettis au titre de l'année 2001.
Par un jugement n° 1400236 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 mars et 11 juillet 2017, Mme D..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation, qui lui a été notifiée par mise en demeure du 19 septembre 2013, de payer la somme de 19 923,22 euros correspondant au solde restant dû de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme D...ont été assujettis au titre de l'année 2001 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
- le décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me B...représentant MmeD....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...relève appel du jugement du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prononce la décharge de l'obligation, qui lui a été notifiée par mise en demeure du 19 septembre 2013, de payer la somme de 19 923,22 euros correspondant au solde restant dû de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme D...ont été assujettis au titre de l'année 2001.
2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. ". Cependant, le tribunal de la procédure collective est, quelle que soit la nature des créances en cause, seul compétent pour connaître des contestations relatives à la mise en oeuvre des règles propres à la procédure collective.
3. En premier lieu, pour mettre en cause l'exigibilité de la créance correspondant au solde restant dû de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge et à celle de son époux au titre de l'année 2001 et dont le paiement lui est réclamé par la mise en demeure en date du 19 septembre 2013 tenant lieu de commandement de payer, Mme D...fait valoir que le comptable public doit être regardé comme déchu de ses droits, faute d'avoir produit sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de son mari. Dans le dernier état de ses écritures, elle fait également valoir que, si cette déclaration a bien eu lieu, elle a été faite de manière irrégulière et que, dès lors, elle est nulle et nul d'effet. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le tribunal de la procédure collective est seul compétent pour connaître des règles propres à la procédure collective et notamment l'existence et la régularité de la déclaration des créances fiscales, que la procédure collective soit encore en cours ou qu'elle ait été irrévocablement clôturée. Toutefois, il n'y a pas lieu de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle en l'absence de difficulté sérieuse sur la déclaration de la créance ou sur le caractère régulier de cette déclaration.
4. Il résulte de l'instruction que, dans les deux mois qui ont suivi la publication au BODACC du jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 22 avril 2003 ouvrant une procédure simplifiée de redressement judiciaire à l'encontre de M.D..., le comptable public a produit au passif de cette procédure collective un bordereau de déclaration des sommes dues à titre définitif, sur lequel figurait notamment la créance relative à l'impôt sur le revenu de l'année 2001 des époux D...pour un montant de 75 312 euros. Le représentant des créanciers a visé ce bordereau de déclaration le 5 mai 2003 et, le 31 mars 2004, le greffe du tribunal de commerce de Pontoise a avisé le comptable public de la trésorerie de Forges-les-Eaux qu'il était admis sur l'état des créances de la procédure collective ouverte au nom de M. D...pour une somme de 75 922 euros à titre privilégié, somme comprenant la créance relative à l'impôt sur le revenu 2001 des épouxD.... Ainsi, contrairement à ce que soutient MmeD..., la créance dont le paiement lui est réclamé a bien été déclarée au passif de la procédure collective dont son mari à fait l'objet.
5. Mme D...soutient également que cette déclaration serait irrégulière en ce que le comptable public a, d'une part, méconnu les dispositions de l'article L. 621-44 du code de commerce alors en vigueur, selon lesquelles la déclaration de créance porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indications des sommes à échoir et de la date de leurs échéances et, d'autre part, les dispositions de l'article 67 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 alors en vigueur selon lesquelles la déclaration de créance doit mentionner les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté. Toutefois, ces dispositions ne sont applicables qu'aux créances qui ne sont pas définitivement échues au jour du jugement d'ouverture et aux créances qui sont encore productives d'intérêts à cette date et dont le cours des intérêts n'a pas été arrêté par le jugement d'ouverturel en application des dispositions de l'article L. 621-48 du code de commerce alors applicable. Or, il résulte de l'instruction que la créance correspondant à la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme D...ont été assujettis au titre de l'année 2001 s'élevait de manière définitive à la somme de 75 312 euros à la date de sa déclaration au passif de la procédure collective et que le comptable public n'a poursuivi le paiement d'aucune autre somme au titre de cette créance. En effet, aucune somme à échoir au titre de cette créance n'existait au jour de sa déclaration et aucun intérêt ne pouvait plus légalement être réclamé et déclaré par le comptable sur cette créance. En outre, la méconnaissance des dispositions invoquées par Mme D...n'a pour effet que d'empêcher le créancier de réclamer le paiement des sommes à échoir et des intérêts dont le cours n'est pas arrêté mais demeure sans influence sur la régularité de la déclaration des créances échues. Dès lors, Mme D...ne peut utilement soutenir que la déclaration du comptable public de Forges les Eaux serait irrégulière pour ne pas avoir mentionné les sommes à échoir et le montant des intérêts de retard.
6. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de difficulté sérieuse sur l'existence et la régularité de la déclaration de la créance du Trésor public par le comptable public, le moyen présenté par Mme D... ne peut qu'être écarté, sans qu'il soit nécessaire de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle. Au surplus, la circonstance que le comptable public n'aurait pas déclaré dans les délais impartis sa créance fiscale au passif de la procédure collective ou l'aurait déclarée de façon irrégulière, ne faisait pas légalement obstacle à ce que le comptable public mette en jeu la responsabilité solidaire de Mme D...dans le paiement de l'impôt sur le revenu dû par le foyer fiscal, conformément aux dispositions de l'article 1691 bis, I du code général des impôts, tant que l'action en recouvrement n'était pas prescrite à son égard.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts : " I. les époux (...) sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ... ". Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. ". Aux termes de l'article 1206 du code civil : " Les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous. ". Enfin, aux termes de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, repris à l'article L. 621-40, puis à l'article L. 622-21 du code de commerce : " Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : - à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; / - à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. / Il arrête et interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. / Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus ".
8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créances fiscales au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des époux s'étend à l'autre époux, quel que soit le régime matrimonial et même s'ils sont séparés de biens, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus. Ainsi, en l'espèce, l'effet interruptif de la prescription attaché à la déclaration de sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de M. D...s'étend à MmeD....
9. Il résulte de l'instruction que la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme D... ont été assujettis au titre de l'année 2001 a été mise en recouvrement le 31 août 2002. La procédure de redressement judiciaire dont M. D...a fait l'objet à raison de son activité professionnelle a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 22 avril 2003 et le comptable public a, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 5, régulièrement déclaré sa créance au passif de cette procédure collective qui a été admise par le tribunal de commerce le 31 mars 2004. Puis, le 19 avril 2011, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la procédure collective. Or, selon l'article L. 626-27 du code de commerce, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de produire leurs créances et sûretés, les créances inscrites au plan étant admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues. En conséquence, l'effet interruptif de la prescription attaché à la déclaration de créance au passif de la procédure collective s'est poursuivi au-delà de la date du 19 avril 2011.
10. Il résulte des trois points précédents que le délai de prescription de l'action en recouvrement à l'égard de MmeD..., qui a été interrompu dans le délai de quatre ans suivant la mise en recouvrement de l'impôt par la déclaration de créance au passif de la procédure collective dont son époux a fait l'objet, n'avait pas recommencé à courir, en l'absence de jugement de clôture de la procédure collective. Ainsi, lorsque le comptable public a émis, le 19 septembre 2013, la mise en demeure adressée à la requérante de payer la somme de 19 923,22 euros correspondant au solde restant dû de cette cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle les époux D...ont été assujettis au titre de l'année 2001, l'action en recouvrement n'était pas prescrite. Par suite, alors même que le droit de poursuite individuel du comptable public était suspendu à l'égard de M. D...à compter du jugement de redressement judiciaire, cette circonstance ne faisait pas légalement obstacle à ce que le comptable mette en jeu la responsabilité solidaire de son épouse pour avoir paiement du solde restant dû de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle les époux avaient été assujettis au titre de l'année 2001, conformément aux dispositions précitées de l'article 1691 bis du code général des impôts, dès lors que ces impositions n'étaient pas prescrites.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 643-11 du code de commerce dans sa version alors en vigueur : " I. Le jugement de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ... ". D'une part, lorsque plusieurs codébiteurs sont engagés solidairement, l'un deux ne peut invoquer, au titre d'exceptions communes au paiement de la dette, que celles affectant l'ensemble des liens obligatoires unissant les débiteurs au créancier. En conséquence, alors que l'article 1691 bis, I du code général des impôts, autorise le comptable du Trésor à poursuivre indifféremment auprès de l'un ou l'autre des époux le recouvrement de la totalité de l'impôt sur le revenu et des pénalités mis à la charge du foyer fiscal pour la période d'imposition commune, Mme D...ne peut utilement faire valoir que le jugement de clôture de la liquidation judiciaire ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice de leurs actions contre le débiteur, cette exception étant purement personnelle au débiteur qu'est son époux. D'autre part, Mme D...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 643-11 du code de commerce alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que, le 19 septembre 2013, date à laquelle la mise en demeure a été adressée à la requérante, le jugement de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif était intervenu. Par suite, le moyen doit être écarté.
12. Enfin, en se bornant à exposer qu'elle nourrit des doutes quant au montant du solde restant dû de la créance et que son montant de 19 923,22 euros apparaît " peu justifié " au regard des paiements qu'elle a déjà effectués dans le cadre du plan de redressement qui avait été homologué, la requérante, qui n'assortit son moyen d'aucun élément chiffré ni d'aucune pièce justificative, ne saurait être regardée comme contestant sérieusement ce montant. Par suite, à supposer même qu'elle ait entendu invoquer un moyen relatif au montant de la dette dont le paiement lui est réclamé, ce moyen ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise au directeur régional des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord.
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N°17DA00520