Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Berlu a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 avril 2014 par lequel le maire de la commune de Vauchelles a délivré à M. B...un permis de construire une maison à usage d'habitation sur des parcelles cadastrées B nos 647-660-662-663, rue de la Vallée à Vauchelles.
Par un jugement n° 1404532 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2017, la commune de Vauchelles, représentée par la SELARLE..., Leprat avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande du GAEC Berlu ;
3°) de mettre à la charge du GAEC Berlu la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me D...E..., représentant la commune de Vauchelles, et de Me C...F..., représentant l'EARL Berlu.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 avril 2014, le maire de la commune de Vauchelles a délivré à M. A...B...un permis de construire une maison à usage d'habitation sur des parcelles cadastrées B nos 647-660-662-663, rue de la Vallée à Vauchelles. La commune de Vauchelles relève appel du jugement du 24 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande du GAEC Berlu, aux droits duquel vient désormais l'EARL Berlu, annulé cet arrêté.
Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :
En ce qui concerne la tardiveté :
2. En vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le délai de recours contre une décision administrative est de deux mois. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de cet article R. 424-15 : " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage ". Aux termes de l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Le panneau prévu à l'article A. 424-1 (1) indique (...) en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel (...) ". L'article A. 424-18 du même code précise que : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent... ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'affichage du permis de construire sur le terrain d'assiette de la construction autorisée doit être effectué de telle façon que les mentions qu'il comporte soient lisibles de la voie publique ou, lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie publique, d'une voie privée ouverte à la circulation du public. Lorsque le terrain d'assiette n'est pas desservi par une telle voie et que l'affichage sur le terrain ne pourrait, dès lors, satisfaire à cette exigence, seul un affichage sur un panneau placé en bordure de la voie publique ou de la voie privée ouverte à la circulation du public la plus proche du terrain fait courir le délai de recours contentieux à l'égard des tiers autres que les voisins qui empruntent la voie desservant le terrain pour leurs besoins propres.
4. Le GAEC Berlu a fait intervenir un huissier de justice qui, le 11 décembre 2014, s'est déplacé rue de la Vallée à Vauchelles pour opérer des constats relatifs à l'affichage sur le terrain d'assiette de mentions relatives au permis de construire litigieux. Le procès-verbal de constat dressé par cet huissier de justice indique : " Je constate la présence d'un panneau d'affichage de permis de construire fixé à même les barrières métalliques délimitant le terrain de M.B.lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier / En restant sur le trottoir, donc sur la voie publique, je constate que ce panneau n'est pas lisible contrairement aux prescriptions de l'article A. 424-18 du code de l'urbanisme ". Si la voie sur laquelle est posée cette barrière métallique présente le caractère d'une voie privée, il ressort des photographies insérées dans ce procès-verbal que la partie de cette voie sur laquelle est posée cette barrière est ouverte à la circulation du public. Les mentions que comporte le panneau d'affichage, fixé sur cette barrière, étaient donc lisibles d'une voie ouverte à la circulation du public.
5. Toutefois, en imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, les dispositions citées au point 2 ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet. La hauteur du bâtiment est au nombre des mentions substantielles que doit comporter cet affichage. L'affichage ne peut, en principe, être regardé comme complet et régulier si cette mention fait défaut ou si elle est affectée d'une erreur substantielle, alors qu'aucune autre indication ne permet aux tiers d'estimer cette hauteur. Le délai de recours contre le permis ne commence à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier.
6. Il résulte du même procès-verbal, et notamment des photographies qui y ont été insérées, que l'affichage sur le terrain ne comportait aucune mention relative à la hauteur du projet, non plus d'ailleurs qu'à la surface de plancher autorisée. Par suite, cet affichage n'a pas été de nature à faire courir le délai de recours contentieux contre le permis de construire en litige.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Vauchelles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande.
En ce qui concerne les notifications du recours :
8. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours. / (...). / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".
9. Aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme)." ".
10. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au deux points précédents que l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut être opposée, en première instance ou en appel, qu'à la condition que l'obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l'affichage du permis de construire.
11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies insérées dans le procès-verbal de constat cité précédemment, que l'affichage du permis de construire délivré à M. B... ne faisait pas mention de l'obligation de notification du recours contentieux contre cette autorisation d'urbanisme prévue par les dispositions de l'article R. 600-1 du même code. L'irrecevabilité mentionnée au point précédent ne pouvait ainsi être opposée à l'encontre des conclusions dirigées contre ce permis de construire. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier produites en première instance et en particulier des certificats de dépôt des lettres recommandées avec accusé de réception, que la demande présentée par le GAEC Berlu devant le tribunal administratif d'Amiens, enregistrée le 5 décembre 2014, a été notifiée par le conseil de ce dernier à la commune de Vauchelles et à M. A...B..., bénéficiaire du permis de construire, le 8 décembre 2014, soit dans le délai de quinze jours franc imparti par les dispositions citées au point 8.
12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Vauchelles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
13. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 123-1-9 de ce code, alors en vigueur : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ". Aux termes de l'article R. 123-9 du même code, abrogé mais demeurant... : " Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : (...) / 6° L'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques (...) ". Eu égard à l'objet de ces dernières dispositions, le règlement du plan local d'urbanisme, lorsqu'il régit l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques, doit fixer des règles précises à cet égard. Lorsque le règlement contient des dispositions permettant de faire exception aux règles générales d'implantation qu'il fixe, ces règles d'exception doivent être suffisamment encadrées, eu égard à leur portée, sans préjudice de la possibilité d'autoriser des adaptations mineures en vertu des dispositions alors en vigueur de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme, désormais reprises à son article L. 152-3.
14. Aux termes de l'article Ub6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Vauchelles, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " (...) La façade sur rue des constructions à usage d'habitat (hors annexe) doit être située entre 5 et 15 mètres de l'emprise publique ". Ce règlement ne contenant aucune disposition permettant de faire exception aux règles générales d'implantation qu'il fixe, une dérogation à cette règle d'implantation ne peut être accordée, conformément aux dispositions alors en vigueur de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme, qu'à la double condition, d'une part, de constituer une adaptation mineure et, d'autre part, d'avoir été rendue nécessaire par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes.
15. Il est constant que le permis en litige autorise la construction d'une maison à usage d'habitation en zone Ub à 50 mètres de l'emprise de la voie publique. Cette dérogation, correspondant à plus de trois fois la limite maximale fixée, ne constitue pas une adaptation mineure de la règle d'implantation fixée à l'article Ub6 et citée au point précédent.
16. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner si cette dérogation a été rendue nécessaire par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes, la commune de Vauchelles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article Ub6 du règlement du plan local d'urbanisme.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vauchelles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a accueilli la demande présentée par le GAEC Berlu.
Sur l'amende pour recours abusif :
18. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".
19. En l'espèce, la requête d'appel de la commune de Vauchelles présente un caractère abusif. Il y a lieu de la condamner à une amende d'un montant de 500 euros.
Sur les frais liés au procès :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EARL Berlu, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme réclamée sur leur fondement par la commune de Vauchelles.
21. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Vauchelles une somme de 1 500 euros à verser à l'EARL Berlu sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Vauchelles est rejetée.
Article 2 : La commune de Vauchelles est condamnée à payer une amende de 500 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Article 3 : La commune de Vauchelles versera à l'EARL Berlu une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vauchelles et à l'EARL Berlu.
N°17DA00536 2