Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Q...E..., Mme S...K..., M. B...K..., M. P...K..., M. H... A..., Mme T...O..., M. N...I...et Mme G...I...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 22 août 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Grand-Camp a décidé d'aménager une nouvelle station d'épuration sur le site de l'ancienne station.
Par un jugement n° 1403603 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération du 22 août 2014 et rejeté la demande en tant qu'elle était présentée par MM. B... et P...K....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2017, et des mémoires, enregistrés les 13 juillet, 20 septembre et 1er octobre 2018, la commune de Grand-Camp, représentée par la SELARL F..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. Q...E..., Mme S...K..., M. H... A..., Mme T...O..., M. N...I...et Mme C...I...le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées des agglomérations d'assainissement ainsi qu'à la surveillance de leur fonctionnement et de leur efficacité, et aux dispositifs d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j de DBO5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me L...F..., représentant la commune de Grand-Camp, et de Me J...M..., représentant M. Q...E..., Mme S...K..., M. H...A..., Mme T...O...et M. et MmeI....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 22 août 2014, le conseil municipal de la commune de Grand-Camp a approuvé le principe et les modalités de réalisation de l'aménagement d'une nouvelle station d'épuration sur un ensemble de parcelles situé au sud du bourg principal de la commune et accueillant déjà la station d'épuration actuellement exploitée. M.E..., Mme K..., MM. B... et P...K..., M.A..., Mme O...et M. et Mme I...ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération. Par un jugement du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande en tant qu'elle était présentée par MM. B... et P...K..., au motif qu'ils ne justifient pas d'un intérêt à agir à son encontre, et fait droit à la demande présentée par les autres requérants de première instance en annulant la délibération du 22 août 2014. La commune de Grand-Camp relève appel de ce jugement et doit être regardée comme concluant à l'annulation de son article 2, qui annule la délibération de son conseil municipal du 22 août 2014, et de son article 3, qui met à sa charge le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 2224-1 du code général des collectivités territoriales : " Les eaux entrant dans un système de collecte des eaux usées doivent, sauf dans le cas de situations inhabituelles, notamment de celles dues à de fortes pluies, être soumises à un traitement avant d'être rejetées dans le milieu naturel, dans les conditions fixées aux articles R. 2224-12 à R. 2224-17 ci-après. / Un arrêté des ministres chargés de la santé et de l'environnement fixe les prescriptions techniques minimales qui permettent de garantir l'efficacité de l'épuration des eaux usées, en ce qui concerne notamment la "demande biochimique en oxygène" (DBO), la "demande chimique en oxygène" (DCO), les matières en suspension (MES), le phosphore et l'azote. / Lorsque l'installation est soumise à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-2 à L. 214-6 du code de l'environnement, les prescriptions techniques minimales prévues à l'alinéa précédent peuvent être complétées ou renforcées par les arrêtés préfectoraux pris en application des articles 13 et 15 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993 ou les mesures édictées en application des articles 31 et 32 du même décret ".
3. D'autre part, aux termes de l'article premier de l'arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées des agglomérations d'assainissement ainsi qu'à la surveillance de leur fonctionnement et de leur efficacité, et aux dispositifs d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j de DBO5, alors en vigueur : " Le présent arrêté fixe les prescriptions techniques minimales applicables à la collecte, au transport, au traitement des eaux usées des agglomérations d'assainissement, ainsi qu'à leur surveillance en application des articles R. 2224-10 à 15 du code général des collectivités territoriales. Il fixe également les prescriptions techniques applicables aux dispositifs d'assainissement non collectif recevant des eaux usées de type domestique représentant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j de demande biochimique en oxygène mesurée à 5 jours (DBO5) en application de l'article R. 2224-17 du même code. / Les ouvrages de collecte et d'épuration inscrits à la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement et les conditions de leur exploitation respectent les dispositions du présent arrêté ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 13 du même arrêté : " Les stations d'épuration ne doivent pas être implantées dans des zones inondables, sauf en cas d'impossibilité technique. Cette impossibilité doit être établie par la commune ainsi que la compatibilité du projet avec le maintien de la qualité des eaux et sa conformité à la réglementation relative aux zones inondables, notamment en veillant à maintenir la station d'épuration hors d'eau et à en permettre son fonctionnement normal ".
4. La délibération en litige a pour objet d'approuver la proposition formulée par la société d'études et d'environnement de Normandie (SEEN), en sa qualité de maître d'oeuvre du projet, consistant à aménager une nouvelle station d'épuration par aires de filtration plantées de roseaux, ou station à lits de macrophytes, sur un terrain situé au sud du bourg principal de la commune de Grand-Camp, qui accueille déjà les installations de la station d'épuration existante, lesquelles sont en mauvais état et non sécurisées. Le projet prévoit d'aménager cette nouvelle station d'épuration, qui comporte, outre un local technique, deux bassins successifs de filtration permettant le traitement des eaux usées, puis une aire d'infiltration permettant le rejet de l'eau traitée dans le milieu naturel, au sud du terrain, soit du côté opposé à la route départementale 22, le long de laquelle sont implantées plusieurs habitations.
5. Il est constant que le terrain d'assiette du projet n'est pas soumis à un risque d'inondation résultant du débordement d'un cours d'eau.
6. Il ressort également de l'ensemble des pièces du dossier, en particulier de l'étude IDDEA réalisée en 2018, produite en appel par la commune de Grand-Camp et confirmée sur ce point, notamment, par l'avis hydrogéologique de M.D..., qu'aucun risque d'inondation par remontée de nappe n'existe sur le terrain d'assiette du projet. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, rien ne s'oppose à ce que la cour prenne en considération ces nouvelles études, bien qu'elles soient postérieures à la délibération en litige et au jugement de première instance, dès lors qu'elles permettent d'apprécier la situation de fait existante à la date de cette délibération.
7. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, si le terrain d'assiette du projet est traversé par un talweg, et s'il peut en résulter, en cas de très fortes pluies, le passage d'eaux de ruissellement, la ligne d'écoulement des eaux se situe dans la partie basse de ce terrain, soit à l'écart et en contrebas des installations projetées. Il ressort de l'étude IDDEA, évoquée au point précédent, que la recommandation émise dès 2014 par la SEEN, consistant à respecter une bande d'éloignement de 20 mètres entre la ligne d'écoulement des eaux et les installations de la nouvelle station d'épuration, constitue un " élément conservatoire et sécuritaire " de nature à supprimer tout risque d'inondation de ces installations. Cette appréciation est partagée par l'avis technique de M. R... et l'avis hydrogéologique de M.D..., également produits par la commune en appel et dont la teneur n'est pas sérieusement contestée par les intimés. Si ce dernier avis indique que la partie basse de l'emprise de l'aire d'infiltration, devant recevoir les eaux après leur épuration, empiète sur l'axe du vallon sec, et n'exclut pas qu'elle soit atteinte par " un éventuel fil d'eau en cas de ruissellement au creux de celui-ci ", cette seule éventualité, qui au demeurant n'est évoquée que par cet avis, n'est pas de nature à faire regarder la station d'épuration projetée comme étant située en zone inondable, au sens et pour l'application des dispositions citées au point 3, dès lors notamment qu'il est établi qu'il n'existe pas de risque d'inondation des bassins de filtration des eaux usées.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que la commune de Grand-Camp est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a retenu le motif tiré de ce que la station d'épuration projetée se trouverait en zone inondable en méconnaissance des dispositions de l'article 13 de l'arrêté du 22 juin 2017 citées au point 3 pour annuler la délibération en litige. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les intimés devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens :
9. Aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 22 juin 2007 : " (...) Dans le cas où le rejet des effluents traités dans les eaux superficielles n'est pas possible, les effluents traités peuvent être soit éliminés par infiltration dans le sol, si le sol est apte à ce mode d'élimination, soit réutilisés pour l'arrosage des espaces verts ou l'irrigation des cultures, conformément aux dispositions définies par arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'environnement. / Si les effluents traités sont infiltrés, l'aptitude des sols à l'infiltration est établie par une étude hydrogéologique jointe au dossier de déclaration ou de demande d'autorisation et qui détermine : / - l'impact de l'infiltration sur les eaux souterraines (notamment par réalisation d'essais de traçage des écoulements) ; / - le dimensionnement et les caractéristiques du dispositif de traitement avant infiltration et du dispositif d'infiltration à mettre en place ; / - les mesures visant à limiter les risques pour la population et les dispositions à prévoir pour contrôler la qualité des effluents traités. / Cette étude est soumise à l'avis de l'hydrogéologue agréé. (...) ".
10. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les obligations qu'elles instituent de réaliser une étude hydrogéologique portant sur l'aptitude des sols à l'infiltration des effluents traités et de soumettre cette étude à l'avis de l'hydrogéologue agréé ne sont applicables qu'aux stations d'épuration soumises à autorisation ou à déclaration au titre de la police de l'eau. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que le projet de station d'épuration approuvé par la délibération en litige n'est soumis ni à autorisation, ni à déclaration au titre de la police de l'eau, dès lors que sa capacité est inférieure aux seuils prévus par le point 2.1.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Dès lors, le moyen de M. E... et autres tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 9 est inopérant.
11. Aux termes du premier alinéa de l'article 13 de l'arrêté du 22 juin 2007 : " Les stations d'épuration sont conçues et implantées de manière à préserver les habitants et les établissements recevant du public des nuisances de voisinage et des risques sanitaires. Cette implantation doit tenir compte des extensions prévisibles des ouvrages d'épuration, ainsi que des nouvelles zones d'habitations ou d'activités prévues dans les documents d'urbanisme en vigueur au moment de la construction ou de l'extension de chaque station d'épuration ".
12. Il ne résulte ni de cet article, ni d'aucune autre disposition applicable au litige que la commune de Grand-Camp serait tenue d'implanter sa station d'épuration à une distance de 100 mètres des habitations les plus proches. Dès lors, la circonstance que certaines habitations riveraines se situent à moins de 100 mètres du projet approuvé par la délibération en litige est, par elle-même, sans influence sur sa légalité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la station d'épuration envisagée, compte tenu de sa situation, de sa capacité limitée et de ses caractéristiques, soit de nature à générer des nuisances pour le voisinage ou des risques sanitaires, dès lors notamment que l'utilisation d'un système d'épuration des eaux usées par percolation à travers un massif filtrant de roseaux est, selon les indications données par la commune et non sérieusement contredites, de nature à limiter efficacement les nuisances. Au demeurant, M. E...et autres n'indiquent pas que la station d'épuration actuelle serait à l'origine de nuisances pour le voisinage, alors même qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle se situe à une distance nettement inférieure des habitations voisines. Enfin, il ne ressort pas de la carte communale que de nouvelles zones d'habitations ou d'activités soient prévues dans le secteur du terrain d'implantation du projet. M. E...et autres ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la délibération en litige méconnaît les dispositions du premier alinéa de l'article 13 de l'arrêté du 22 juin 2007 cité au point précédent.
13. Si M. E...et autres font valoir qu'il existe un risque d'effondrement lié à la présence d'une cavité souterraine sur le terrain d'assiette du projet, il ressort de la seconde étude " Abrotec ", réalisée en 2018 et produite par la commune de Grand-Camp devant la cour, que le risque évoqué par la précédente étude, lié à la présence dans le sol de remblais divers au niveau du point de sondage PM9, a été écarté à la suite de sondages réalisés sur le terrain. Il ne ressort donc pas des pièces du dossier qu'il existerait un risque quelconque à cet égard.
14. Aucune disposition ni aucun principe n'imposaient à la commune de Grand-Camp de procéder à une étude approfondie d'autres sites susceptibles d'accueillir sa nouvelle station d'épuration. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que d'autres sites ont bien été étudiés avant d'être écartés au motif qu'ils représentaient un coût financier excessif. Le conseil municipal a également comparé plusieurs modes de traitement des eaux usées, notamment en visitant deux stations d'épuration exploitées par d'autres collectivités, avant de porter son choix sur une station par aires de filtration plantées de roseaux. M. E...et autres ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la délibération en litige serait entachée d'illégalité faute pour la commune d'avoir sérieusement étudié des solutions alternatives, ni qu'en décidant de recourir au procédé technique évoqué au point 12, le conseil municipal a entaché sa délibération d'une erreur manifeste d'appréciation.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 14 que M. E...et autres ne sont pas fondés à soutenir que la délibération en litige est entachée d'illégalité.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Grand-Camp est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération de son conseil municipal du 22 août 2014.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Grand-Camp, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme I...de la somme qu'ils demandent sur ce fondement.
18. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... et autres le versement à la commune de Grand-Camp de la somme de 1 500 euros sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 29 novembre 2016 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M.E..., MmeK..., M.A..., Mme O...et M. et Mme I...et les conclusions présentées devant la cour par M. et Mme I...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M.E..., MmeK..., M.A..., Mme O...et M. et Mme I...verseront ensemble la somme totale de 1 500 euros à la commune de Grand-Camp au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grand-Camp, à Mme S... K...qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure et à MM. B...et P...K....
N°17DA00165 2