Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a désigné le pays dont elle a la nationalité comme pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 1803679 du 5 juin 2018 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 27 décembre 2018, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme D... représentée par Me Chafi-Shalak, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2018 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer, sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement, à Me Chafi-Shalak, d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation, par son conseil, de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...D..., ressortissante algérienne née le 5 avril 1977 à Oran, après être entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa d'une durée de trente jours valable du 8 février au 10 mars 2011 s'est maintenue sur le territoire national au-delà de cette durée. Par arrêté du 27 avril 2018 le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme D... relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du dossier de première instance que les éléments de la procédure judiciaire et ceux relatifs aux diligences accomplies par l'administration préalablement aux décisions en litige, ont été versés à l'instance par le préfet du Nord le 2 mai 2018 et ont été communiqués au conseil de la requérante le 7 mai suivant. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué, qui a été rendu le 5 juin 2018 après une audience tenue le 11 mai précédent, aurait été pris selon une procédure irrégulière faute de respect du principe du contradictoire, à défaut de communication des pièces en question ne saurait être accueilli.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté :
3. Par arrêté du 7 février 2018, publié le même jour au recueil spécial n° 29 des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à M. B...A..., attaché d'administration de l'Etat, chargé de mission auprès de la cheffe de la section de l'éloignement, pour signer notamment les décisions contestées, en cas d'absence ou d'empêchement de celle-ci. Ainsi, et alors que l'arrêté mentionne qu'il a été signé en raison de l'empêchement de la cheffe de section, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions en litige ne saurait être accueilli.
En ce qui concerne la décision d'éloignement :
4. L'arrêté contesté mentionne que Mme D...est entrée en France après avoir transité par l'Espagne, seulement munie de son passeport revêtu d'un visa valide du 8 février 2011 au 10 mars 2011 et délivré par les autorités consulaires espagnoles à Oran et qu'elle s'est maintenue en France au-delà de la durée de validité de son visa sans demander de titre de séjour et entre dans le champ d'application des dispositions du L. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision d'obligation de quitter le territoire français, qui, loin d'être rédigée de manière stéréotypée, comporte ainsi les éléments de droit et les éléments de fait propres à l'espèce sur lesquels elle est fondée, est, par suite, suffisamment motivée.
5. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel qu'inspiré d'un principe général du droit de l'Union ne peut qu'être écarté, faute d'avoir été assorti des précisions nécessaires à l'examen de son bien-fondé, en l'absence de production du mémoire de première instance à la motivation duquel la présente requête d'appel se borne à renvoyer sans autre précision.
6. La décision d'éloignement en litige ne se prononçant pas sur le droit au séjour de la requérante, régi par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé, il n'incombait pas au préfet du Nord d'examiner d'office les cas ouvrant droit au séjour sur le fondement des stipulations de cet accord, les mesures d'éloignement à l'encontre des ressortissants algériens étant exclusivement régies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors que le préfet a pris soin de préciser dans son arrêté que l'intéressée ne justifiait pas se trouver dans l'un des cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme D...est entrée sur le territoire français entre le 8 février et le 10 mars 2011, durée de validité de son visa de type C Etats Schengen. Elle est célibataire, sans enfant à charge, et a exposé au services de police qu'elle dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et son frère et où elle a vécu jusqu'à l'âge d'au moins trente-trois ans, mis à part un séjour de six mois en France en 1994. Elle vit chez une tante qui l'héberge et effectue du travail clandestin. Ainsi, elle ne justifie pas d'une intégration particulière en France, ne produisant notamment aucune pièce étayant ses dires relatifs à l'existence d'une relation amoureuse sur le territoire français. Dès lors, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision de ne pas assortir l'obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire :
9. En vertu du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français s'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Selon cette même disposition : " Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
10. L'arrêté attaqué relève notamment que Mme D... s'est maintenue sur le territoire national au-delà de la durée de trente jours de son visa, valable du 8 février au 10 mars 2011, qu'elle ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité son passeport étant périmé depuis le 13 juin 2011 et qu'ainsi elle entre dans le champ d'application des dispositions du b) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de ne pas assortir l'obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire, qui comporte ainsi les éléments de droit et de fait sur lesquels elle est fondée, est, par suite, suffisamment motivée.
11. Il ressort de ses propres déclarations devant les services de police que la requérante est hébergée chez sa tante et travaille exclusivement de manière clandestine. Elle ne présente, dès lors, pas de garanties de représentation suffisantes. Par suite, c'est à bon droit que le préfet du Nord a estimé qu'elle présentait un risque de fuite au sens des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 9 ci-dessus.
12. Compte tenu de ce que les moyens contestant l'obligation de quitter le territoire français ont été écartés, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions en annulation de la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. L'arrêté vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise la nationalité de l'intéressée. Or, aux termes de cet article, l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné soit à destination du pays dont il a la nationalité, soit, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit enfin et avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Dans ces conditions, l'arrêté dont le dispositif reprend, en son article 3, les trois hypothèses ainsi prévues par l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde. Le moyen tiré du défaut de motivation doit, dès lors, être écarté.
14. Compte tenu de ce que les moyens contestant l'obligation de quitter le territoire français ont été écartés, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions en annulation de la décision fixant le pays de destination.
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...). L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
16. L'arrêté attaqué mentionne que l'examen d'ensemble de la situation de Mme D...a été effectué au regard notamment du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 et précise, en outre, que compte tenu d'une part, des conditions de son entrée et de son séjour en France, et d'autre part, de ce qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représente pas une menace pour l'ordre public, il y a lieu de lui interdire tout retour sur le territoire français pendant une durée limitée à un an. La décision d'interdiction de retour, qui atteste ainsi de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressée, de l'ensemble des critères prévus par la loi, est, par suite, suffisamment motivée. En outre, les motifs ainsi exposés ne sont pas entachés d'erreur d'appréciation, dès lors qu'ils reposent sur un équilibre entre les éléments plaidant pour le prononcé d'une interdiction de retour, à savoir la volonté de l'intéressée d'entrer et de se maintenir pendant plus de sept ans irrégulièrement en France sans véritable intégration, ainsi que les éléments plaidant pour une durée modérée de cette interdiction qui peut atteindre une durée de trois ans, à savoir l'absence de précédente mesure d'éloignement et l'absence de menace à l'ordre public.
17. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard notamment aux conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée en France ainsi qu'à son absence d'intégration sur le territoire français, alors qu'elle a conservé des attaches familiales et privées dans son pays d'origine, cette décision n'a pas porté, au droit de la requérante au respect de sa vie familiale et privée, une atteinte excessive au regard des buts poursuivis par cette mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli.
18. Compte tenu de ce que les moyens contestant l'obligation de quitter le territoire français ont été écartés, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions en annulation de la décision portant interdiction de retour.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeC... D..., au ministre de l'intérieur et à Me Chafi-Shalak.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
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N°18DA01375