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23/04/2019 | FRANCE | N°17DA01220

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 23 avril 2019, 17DA01220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AB Assistance et Conseil a demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403504 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017, la société AB Assistan

ce et Conseil, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AB Assistance et Conseil a demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403504 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017, la société AB Assistance et Conseil, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 28 mai 1973 entre la France et la Tunisie tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'étendue du litige :

1. Par une décision du 28 août 2017, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement d'un montant total de 28 431 euros, portant d'une part, sur les droits afférents à l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2009 pour un montant de 2 688 euros et, d'autre part, sur la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts, la ramenant à 10 % sur le fondement du a. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts pour un montant total de 25 743 euros. Il n'y a par suite plus lieu, dans la mesure précédemment énoncée, de statuer sur les conclusions de la requête d'appel de la société AB Assistance et Conseil.

Sur le surplus des conclusions de la requête d'appel :

En ce qui concerne l'année 2008 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui de la demande de décharge portant sur l'année 2008 ;

2. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée dans ses locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire de justifier que l'administration aurait refusé un tel débat.

3. La société requérante soutient, sans être contestée, que la proposition de rectification du 21 décembre 2011 qui lui a été adressée par l'administration fiscale portant sur l'année 2008 n'a été précédée que d'une seule entrevue d'une durée d'une heure se limitant à une présentation de la procédure de contrôle mise en place d'une part et des conditions d'exploitation de la société AB Assistance et conseil d'autre part. Ainsi, compte tenu de la brièveté des échanges de vue, l'administration fiscale n'a pas mis la société AB Assistance et Conseil en mesure d'engager avec elle un débat oral et contradictoire sur une question aussi complexe que celle de l'existence ou non d'un établissement stable en France, sans que l'administration ne puisse utilement faire valoir à cet égard que cette proposition de rectification avait eu pour objet d'interrompre la prescription, et que, si l'entrevue du 15 décembre 2011 devait initialement avoir lieu le 5 décembre 2011, c'est à la demande du gérant qu'elle avait été décalée. L'administration ne saurait davantage faire valoir que cette irrégularité de procédure n'aurait pas privé la société de la garantie tenant à l'organisation d'un débat oral et contradictoire avec l'administration fiscale, au motif que plusieurs autres entrevues ont eu lieu postérieurement sans que la société n'y ait apporté d'autres documents concernant son fonctionnement, dès lors que du seul fait de la réception de la proposition de rectification, la contribuable a pu raisonnablement estimer que la procédure orale et contradictoire était achevée et par suite s'abstenir d'apporter des éléments aux réunions suivantes tenues par l'administration. Par conséquent, la société AB Assistance et Conseil est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que pénalités et intérêts de retard afférents au titre de l'année 2008 restant en litige.

En ce qui concerne l'année 2009 :

S'agissant du moyen relatif à l'inexistence d'un établissement stable en France :

A propos de l'impôt sur les sociétés :

4. D'une part, aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) ". Aux termes de l'article 209 du même code : " I. (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 1er - " Personnes visées " - de la convention entre la France et la Tunisie tendant à éliminer les doubles impositions d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale signée à Tunis le 28 mai 1973 : " 1. La présente Convention s'applique aux personnes qui sont résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats. / (...) 2. Le terme " personne " désigne : / (...) b) personne morale ; (...) ". L'article 3 - Domicile fiscal - de cette convention stipule par ailleurs que : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 - " Etablissement stable " - de cette même convention : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) Un siège de direction ; / b) Une succursale ; / c) un bureau ; / (...) ".

6. Lorsqu'une imposition à l'impôt sur les sociétés est contestée au regard des stipulations d'une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions, le juge de l'impôt examine d'abord la contestation au regard du champ d'application territorial de cet impôt, tel qu'il est défini, au premier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, par référence aux bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France. Ce n'est que dans un second temps que le juge regarde si les stipulations de la convention bilatérale s'opposent à l'imposition en France.

7. La société AB Assistance et Conseil, société unipersonnelle à responsabilité limitée immatriculée le 26 juillet 2007 en Tunisie, a pour objet la commercialisation et la représentation d'entreprises dans les domaines de la maintenance, construction, réparation, fabrication de cheminées industrielles, tours réfrigérantes, silos, usines et cimenterie. A cet effet, elle réalise du démarchage commercial pour la recherche d'affaires, propositions de devis, appels d'offres et marchés d'expertise et/ou travaux moyennant un pourcentage sur le chiffre d'affaires amené. La société AB Assistance et Conseil se compose d'une seule personne, à savoir son gérant M. C...A..., domicilié.à Pont-Audemer, dans le département de la Seine-Maritime

8. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que, d'une part, sur la période vérifiée, la société AB Assistance et conseil a réservé l'exclusivité de son action commerciale à la société française MCC2I France et, d'autre part, que la quasi-totalité du chiffre d'affaires apporté par la société AB Assistance et Conseil concerne le démarchage de sociétés françaises établies en France. Enfin, il résulte des notes de frais que M. A...a passé la plus grande partie de ses jours d'activité en France. Ainsi, comme l'a d'ailleurs relevé l'administration fiscale, la quasi-totalité du chiffre d'affaires de la société AB Assistance et Conseil, au titre des années vérifiées, était réalisée en France, avec des entreprises françaises, par le seul M. A...qui réside en France et y effectue l'essentiel de ses prospections. Si la société se prévaut de ce que son siège social se trouve à Tunis, il résulte uniquement de l'instruction que la société disposait d'un bureau de 12 m² pris en location et d'un compte bancaire ouvert auprès de la " Amen Bank, place d'Afrique " à Tunis sur lequel étaient virés les règlements provenant de la société MCC2I France. Aucun élément matériel ne vient attester de la réalité d'une activité exercée par la société à partir de la Tunisie alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, la seule personne travaillant pour la société appelante, à savoir son gérant, M. C...A..., est domicilié.à Pont-Audemer, dans le département de la Seine-Maritime Dans ces conditions, c'est à juste titre que le service a estimé, sur le fondement de la loi fiscale, que la société AB Assistance et Conseil avait exercé son activité en France au travers d'un établissement stable.

9. Si la société se prévaut également de la convention fiscale bilatérale entre la France et la Tunisie, il est constant que ces stipulations ne s'opposent pas à l'imposition en France des activités réalisées par la société appelante qui a réalisé ses activités au travers d'un établissement stable en France, au sens des stipulations de l'article 4 de la convention franco-tunisienne citées au point 5. Au demeurant, il n'est pas contesté que, lors des opérations de contrôle, M.A..., gérant de la société, a indiqué qu'il n'avait réglé aucune somme de quelque nature que ce soit en Tunisie en termes d'impôts ou de taxes.

A propos de la taxe sur la valeur ajoutée :

10. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ".

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que la société AB Assistance et Conseil disposait, au cours de la période en cause, d'un établissement stable en France au sens également de l'article 259 précité du code général des impôts. C'est par suite également à bon droit que l'administration a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations réalisées par cette société.

S'agissant des autres moyens :

12. La société appelante soutient que dès lors que l'administration fiscale a considéré, dans le cadre de la vérification de la comptabilité de sa cliente, la société MCC2I, que les sommes que cette société lui avait versées devaient se voir appliquées la retenue à la source sur le fondement de l'article 182 B du code général des impôts, elle ne peut par ailleurs soutenir que la société disposait d'un établissement en France. Toutefois, cette circonstance, qui concerne une autre entreprise, à la supposer établie, est en tout état de cause sans incidence tant sur la régularité de la procédure suivie à l'encontre de la société appelante que du bien-fondé des impositions supplémentaires mises à sa charge.

13. Ainsi qu'il a été dit au point 8, les activités réalisées par la société AB Assistance et Conseil l'ont été non depuis la Tunisie mais depuis la France, où cette société disposait d'un établissement stable. Par ailleurs, si la société appelante fait valoir, à titre subsidiaire, qu'elle disposait d'un bureau mis à sa disposition par la société MCC2I, il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que dans ses observations faites le 10 septembre 2012 en réponse à la proposition de rectification du 13 juillet 2012, M.A..., gérant de la société, a précisé qu'il n'utilisait pas ce bureau même occasionnellement. Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, il résulte suffisamment de l'instruction que le siège de direction effective de l'activité de l'établissement stable en France de la société AB Assistance et Conseil ne se trouvait ni en Tunisie, ni à l'adresse du bureau mis à disposition de la société ABAC par la société MCC21 mais au domicile même du gérant, M.A.à Pont-Audemer, dans le département de la Seine-Maritime Par voie de conséquence, le moyen tiré de ce que c'est à tort que la proposition de rectification du 13 juillet 2012 concernant l'année 2009 a été adressée à l'adresse personnelle du gérant ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 13 que la société AB Assistance et Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions à fin de décharge, restant en litige, au titre de l'année 2009.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante pour l'essentiel dans la présente affaire, la somme de 1 500 euros à verser à la société AB Assistance et Conseil au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de la somme de 28 431 euros.

Article 2 : La société AB Assistance et Conseil est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts de retard et pénalités afférentes restant à sa charge au titre de l'année 2008.

Article 3 : L'Etat versera à la société AB Assistance et Conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du 20 avril 2017 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société AB Assistance et Conseil et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°17DA01220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01220
Date de la décision : 23/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL HORRIE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-04-23;17da01220 ?
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