Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Douaisienne de Transports a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, à concurrence de la somme de 927 803 euros, mise en recouvrement le 19 décembre 2012.
Par un jugement n° 1305757 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 mars 2017 et le 28 juin 2017, la SAS Douaisienne de Transports, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
-et les observations de Me D...A..., représentant la SAS Douaisienne de Transports.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Douaisienne de Transports, qui a pour activité la gestion de titres et la location ou la sous-location de matériels de transport, a fait l'objet, au cours de l'année 2009, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007. A l'issue de ce contrôle, l'administration a envisagé des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Elle a notamment remis en cause, en se plaçant sur le terrain de la répression des abus de droit, le bénéfice du régime des sociétés mères et filiales sous lequel la SAS Douaisienne de Transports avait placé l'acquisition des parts sociales de la SASC..., cette opération s'étant accompagnée d'une distribution de dividendes par cette dernière, dans le contexte d'une réduction du capital social de celle-ci. Les rehaussements ainsi envisagés ont été portés à la connaissance de la SAS Douaisienne de Transports par une proposition de rectification datée du 18 décembre 2009. Les impositions supplémentaires ont été maintenues malgré les observations de la société contribuable et mises en recouvrement le 19 décembre 2012. La SAS Douaisienne de Transports, dont la réclamation a été rejetée, a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, à concurrence de la somme de 927 803 euros, mise en recouvrement le 19 décembre 2012. Par un jugement du 19 janvier 2017, dont la SAS Douaisienne de Transports relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. D'une part, aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a. les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (...) ; c. les titres de participations doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans. (...). ". En outre, aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) ". Et aux termes du I de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation (...). Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même (...) des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, (...) si ces (...) titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
4. Pour justifier le recours à la procédure de répression des abus de droit en ce qui concerne le rehaussement notifié à la SAS Douaisienne de Transports au titre des années 2006 et 2007, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que cette société a acquis, suivant acte notarié dressé le 20 mars 2007, la totalité des parts sociales de la SAS C...pour un prix global de 1 580 000 euros, qu'elle a payé au comptant à concurrence de 1 280 000 euros, les 300 000 euros restants étant couverts par une garantie de passif. Le ministre de l'action et des comptes publics précise que la SAS Douaisienne de Transports s'est engagée à conserver ces titres pendant une durée de deux années et qu'elle les a inscrits dans sa comptabilité pour une valeur réelle de 1 120 000 euros, laquelle tient compte d'une réduction du prix de vente de 160 000 euros consécutive à la vente, par M.C..., de sa part du capital de la SASC.... Dans ce contexte, le ministre met tout particulièrement en cause les modalités de financement de cette opération, qui ont consisté en une avance de trésorerie de 1 000 000 euros versée par la société acquise, à savoir par la SASC..., au cours de l'exercice comptable clos en 2007 et accompagnée d'une réduction corrélative du capital de cette société, à concurrence d'une somme de 1 223 784 euros. Il ajoute qu'en définitive, les versements effectués par cette société à la SAS Douaisienne de Transports, qui venait de l'acquérir, ont ainsi atteint un montant total de 1 583 000 euros, dont 920 000 euros correspondent à la réduction du capital de la SASC.... Le surplus, soit 663 000 euros, a été soumis à l'impôt sur les sociétés en tant que distribution de dividendes, en bénéficiant du régime des sociétés mères et filiales, soit à hauteur de 5%. Le ministre de l'action et des comptes publics fait ainsi observer que cette distribution a ainsi échappé à l'impôt pour 629 850 euros et qu'en tenant compte de la réduction du capital de la SASC..., la SAS Douaisienne de Transports a, dans ces conditions, pu faire échapper à l'impôt sur les sociétés une somme totale de 881 784 euros. Le ministre relève enfin qu'aux termes d'un acte dressé le 2 août 2007, la SAS C...a cédé son fonds de commerce à l'EURL Transalinord, autre entité du groupe auquel appartient la SAS Douaisienne de Transports, moyennant un prix de 210 000 euros, de sorte qu'elle se trouvait désormais privée de l'ensemble de ses moyens d'exploitation et qu'elle n'a, de fait, réalisé aucun chiffre d'affaires depuis lors. Il déduit de ces constats que la SAS Douaisienne de Transports a, par cette opération, poursuivi un but exclusivement fiscal, à savoir se procurer, au détriment de la SAS C..., de la trésorerie nette d'impôt, moyennant une application abusive du régime des sociétés mères et filiales prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts.
5. Il résulte de l'ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères, en particulier des travaux préparatoires de l'article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l'exercice 1920, de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l'article 45 de la loi du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des articles 20 et 21 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l'article 9 de la loi de finances pour 2001, ainsi que de la circonstance que le bénéfice de ce régime fiscal a toujours été subordonné à une condition de détention des titres depuis l'origine ou de durée minimale de détention, et, depuis 1936, à une condition de seuil de participation minimale dans le capital des sociétés émettrices, que le législateur, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d'impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu'elles redistribuent à leurs propres actionnaires, a eu comme objectif de favoriser l'implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française. Le fait d'acquérir une société ayant cessé son activité initiale et liquidé ses actifs dans le but d'en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d'impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, avant de la revendre à son propriétaire sans prendre aucune mesure de nature à lui permettre de reprendre et développer son ancienne activité ou d'en trouver une nouvelle, va à l'encontre de cet objectif.
6. En faisant l'acquisition, en l'espèce, des parts sociales de la SAS C...et en finançant pour partie cette acquisition par le versement, par cette dernière, d'une avance de trésorerie et de dividendes, qu'elle a placés sous le régime fiscal favorable des sociétés mères et filiales, la SAS Douaisienne de Transports a manifestement poursuivi un objectif de réduction de la charge fiscale de cette opération. Elle soutient cependant que cet objectif n'était pas exclusif, alors que cette acquisition était subordonnée à la réalisation d'un audit de la situation de la SAS C..., qui n'avait alors pas cessé son activité ni liquidé ses actifs, et que l'EURL Transalinord, qui a repris le fonds de commerce ainsi que l'ensemble des moyens d'exploitation de la société acquise, a poursuivi et développé, au sein du groupe, l'activité de transport de celle-ci. Toutefois, ainsi que le fait valoir le ministre de l'action et des comptes publics, la SAS Douaisienne de Transports, qui n'a, par elle-même, pris ensuite aucune mesure dans le but d'aider la SASC..., sa filiale, à maintenir et à développer son activité de transport routier, mais qui, au contraire, sitôt après son acquisition, a récupéré ses liquidités et l'a privée de l'ensemble de ses moyens d'exploitation au bénéfice de l'activité développée par une autre entité du groupe, ne s'est pas comportée comme une société mère soucieuse de s'impliquer dans le développement économique de sa filiale, telle que l'envisageait le législateur lorsqu'il a adopté le régime fiscal des sociétés mères et filiales, mais, comme le confirme aussi le court laps de temps dans lequel l'ensemble de l'opération a été réalisée, en étant exclusivement mue par l'objectif de court terme de se procurer des liquidités en franchise d'impôt. Par ailleurs, si la SAS Douaisienne de Transports soutient que le versement d'une avance de trésorerie et de dividendes par la SAS C...aurait constitué une modalité de financement imposée par la banque Scalbert Dupont CIC, et par OSEO la télécopie qu'elle produit émanant de son banquier se borne à marquer son accord de principe sur le rachat par la société STD de la société Segard et pour OSEO à notifier la garantie de l'organisme pour le prêt du banquier par suite ces seuls documents n'établissent nullement les affirmations de la requérante . Enfin, le fait que la SAS Douaisienne de Transports n'a pas procédé à l'enregistrement d'une provision pour dépréciation des titres de la SAS C...s'avère dépourvu d'incidence à cet égard. Ainsi, le ministre de l'action et des comptes publics apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que l'opération capitalistique en cause a été inspirée par un but exclusivement fiscal et a méconnu les objectifs poursuivis par le législateur quand il a institué le régime des sociétés mères, et de ce qu'elle constitue ainsi un abus de droit.
Sur le bien-fondé de la majoration dont ces impositions ont été assorties :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; / (...) ".
8. L'administration fiscale a assorti de la majoration de 80% prévue en cas d'abus de droit par les dispositions précitées du b. de l'article 1729 du code général des impôts le rehaussement afférent à la remise en cause du bénéfice du régime des sociétés mères et filiales pour l'acquisition des titres de la SASC.... Eu égard à ce que, comme il a été dit au point 6, l'administration était fondée à retenir que la SAS Douaisienne de Transports avait commis un abus de droit en plaçant cette opération sous ce régime fiscal favorable, elle a pu à bon droit faire application de cette majoration, dont la société appelante ne critique pas spécifiquement le bien-fondé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Douaisienne de Transports n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Douaisienne de Transports est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Douaisienne de Transports et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°17DA00485
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