Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures devant ce tribunal, de condamner le centre hospitalier d'Arras à lui verser la somme de 9 500 euros en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'aggravation de son état de santé résultant selon elle des conditions de sa prise en charge au centre hospitalier d'Arras en octobre 1998 et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2014, date de réception par le centre hospitalier de sa demande préalable, ainsi que de leur capitalisation.
Par un jugement n° 1404733 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 avril 2017, Mme B..., représentée par Me C...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Arras à lui verser une somme de 25 500 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation préalable et de leur capitalisation.
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arras une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 3 juin 1970, a été admise le 9 octobre 1998 au centre hospitalier d'Arras, où elle a mis au monde le 13 octobre 1998 un enfant prénommé Nicolas, décédé des suites d'une rupture d'anévrisme le 18 novembre 1998. Dans les suites de cet accouchement, Mme B... a présenté une sacro-iléite infectieuse du côté droit, ainsi qu'une phlébo-thrombose de la jambe gauche, apparue le 18 novembre 1998. Par un jugement du 19 juillet 2007, le tribunal administratif de Lille, se fondant sur une expertise médicale déposée le 13 août 2004, a condamné le centre hospitalier d'Arras à verser à Mme B... une somme totale de 12 500 euros, en indemnisation des troubles éprouvés par l'intéressée dans ses conditions d'existence en lien avec une incapacité temporaire et permanente, des souffrances et son préjudice esthétique. Invoquant une aggravation de sa pathologie veineuse gauche, Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de prescrire une nouvelle expertise. Celle-ci, confiée au médecin ayant conduit la première expertise, a donné lieu à un rapport déposé le 6 novembre 2013. Mme B... fait appel du jugement du 1er mars 2017 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande en indemnisation des préjudices résultant selon elle de l'agravation de son état. Bien qu'appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, qui avait présenté en première instance des conclusions en remboursement de ses débours rejetées par le tribunal, n'est pas intervenue en appel.
Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Arras :
2. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise déposé le 13 août 2004, qu'au cours de l'hospitalisation de Mme B... au centre hospitalier d'Arras, du 13 au 28 octobre 1998, aucun traitement préventif des accidents veineux n'a été mis en oeuvre ni prescrit, malgré les importants facteurs de risques que constituaient ses antécédents de phlébite et la durée de son alitement. Cette omission est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le tribunal administratif de Lille dans son jugement du 19 juillet 2007. En l'absence d'élément médical figurant dans les rapports d'expertises déposés le 13 août 2004 et le 6 novembre 2013 ou fourni par le centre hospitalier d'Arras sur les risques d'échec d'un traitement préventif conforme aux données alors acquises de la science, cette faute doit être regardée comme à l'origine de la phlébo-thrombose survenue en octobre 1998 et est de nature à engager la responsabilité de l'établissement.
Sur l'aggravation du dommage :
3. D'une part, il résulte du rapport déposé le 13 août 2004, ainsi que du rapport du médecin interniste et rhumatologue alors désigné comme sapiteur, qu'en 1998, une thérapie par héparine de bas poids moléculaire (HPBM) instaurée au service de soins intensifs de cardiologie du centre hospitalier régional universitaire de Lille a permis la stabilisation du processus de la thrombose, qui s'était étendue à tout l'axe veineux profond du membre inférieur droit jusqu'à la veine iliaque primitive. Un échodoppler réalisé début mars 1999 a montré la cicatrisation de la thrombose et une nouvelle grossesse débutée par Mme B... au début de la même année s'est déroulée et a pu être menée à son terme sans aggravation de la pathologie veineuse, grâce à un traitement anticoagulant. Un échodoppler du 17 mars 2004 a, par la suite, révélé une " petite thrombose veineuse profonde soléaire gauche ossifiée à une thrombose veineuse superficielle ". Cette nouvelle " phlébite " du mollet gauche a justifié l'instauration d'un traitement par Préviscan. Lors de son examen, le 22 juin 2004, par le sapiteur désigné pour déterminer l'imputabilité des préjudices, Mme B... présentait un mollet gauche de volume et de chaleur normaux, un peu douloureux à la pression, la douleur ayant son siège au niveau de la thrombose profonde. Toutefois, l'incapacité permanente partielle relevée par le sapiteur et évaluée à 6 % était la conséquence, non des troubles veineux, mais des douleurs rhumatologiques consécutives à la sacro-iléite infectieuse, pathologie distincte dont Mme B... avait été victime dans les suites de l'accouchement de 1998.
4. D'autre part, il résulte du rapport déposé par le même expert le 6 novembre 2013 que, depuis lors, Mme B... reçoit un traitement et est régulièrement suivie au centre hospitalier d'Arras pour une insuffisance veineuse du membre inférieur gauche. Un échodoppler du 13 juin 2012 a montré qu'elle ne présentait pas de récidive thrombo-embolique mais un syndrome post-phlébique du tiers supérieur de la veine saphène interne gauche, avec une importante veine collatérale donnant naissance à une varice qui drainait une zone trophique d'apparition récente au niveau du tiers moyen de la jambe gauche. Malgré le port d'une contention et une phlébectomie de l'importante veine collatérale, réalisée en ambulatoire le 12 juillet 2012 et suivie d'un traitement de trois semaines associant antibiotique et anti-inflammatoire, la patiente a continué à souffrir d'une hyperesthésie cutanée au niveau d'une zone d'induration de la loge externe jambière gauche. L'expert a par ailleurs constaté au cours de l'examen du 16 octobre 2013, outre les douleurs spontanées et à la palpation, une asymétrie des deux membres inférieurs, le mollet gauche étant nettement plus volumineux que le droit, et des difficultés à la marche accrues par la pathologie veineuse.
5. Dans ces circonstances, Mme B... présente une aggravation de son état résultant du syndrome post-phlébique, dont il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas allégué, qu'elle aurait en toute hypothèse demandé l'indemnisation antérieurement au jugement du 19 juillet 2007. Il résulte, en outre, des conclusions du rapport d'expertise déposé le 6 novembre 2013 qu'alors même que Mme B... avait présenté avant l'accouchement de 1998 des antécédents de " problèmes veineux ", constitués par " deux petites phlébites ", les troubles veineux dont elle continue à souffrir constituent " sans ambiguïté une insuffisance veineuse compliquant une maladie thrombo-embolique survenue en 1998 ". Ainsi, l'aggravation de la pathologie veineuse postérieure au jugement du 19 juillet 2007 présente avec la faute imputable au centre hospitalier d'Arras un lien direct et certain et est, par suite, de nature à ouvrir droit à Mme B... à nouvelle indemnisation. Le centre hospitalier d'Arras ne saurait lui opposer sur ce point la circonstance que ce jugement, d'ailleurs non revêtu de l'autorité de la chose jugée en l'absence d'identité d'objet entre les deux instances, n'a pas relevé le caractère évolutif de cette pathologie.
Sur les préjudices :
6. Si le centre hospitalier d'Arras n'est pas fondé à opposer à la demande de Mme B... tendant à l'indemnisation de l'aggravation de son état l'autorité de la chose jugée du 1er mars 2017 faute, ainsi qu'il a été dit au point 5, d'identité d'objet entre les deux instances, les préjudices indemnisables sont limités aux préjudices exclusivement imputables à cette aggravation.
En ce qui concerne le préjudice patrimonial :
7. Si Mme B... fait valoir que l'aggravation de son état nécessite, comme l'a relevé l'expert, une adaptation des conditions d'exercice de sa profession d'aide soignante, elle n'assortit cette affirmation d'aucune précision permettant d'établir l'existence sur ce point d'une aggravation de ce préjudice patrimonial.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
8. En premier lieu, l'expert a constaté en 2013 des douleurs spontanées et à la palpation au niveau d'une zone d'induration de la loge externe jambière gauche, évaluées à 2,5 sur 7, en précisant que celle-ci n'avait pas été notée précédemment. Il a également relevé un retentissement fonctionnel de la seule pathologie veineuse responsable, à l'exclusion de la part imputable à l'obésité dont souffre Mme B..., d'une incapacité physique permanente, évaluée indépendamment des douleurs, à 5 %.
9. En deuxième lieu, l'expert note que l'intervention de juillet 2012 n'a laissé subsister qu'une cicatrice qui, s'intégrant dans la paroi abdominale, n'est pas visible en raison de l'obésité de la patiente. Il relève, cependant, qu'une asymétrie très disgracieuse des mollets résultant de la pathologie veineuse peut être évaluée à 2 sur 7.
10. En troisième lieu, il résulte du rapport d'expertise que le préjudice d'agrément dont Mme B... demande l'indemnisation est le même que celui qui avait été relevé en 2004. Il n'est ainsi justifié d'aucun préjudice d'agrément résultant de l'aggravation de l'état de la requérante et ouvrant droit à une indemnisation distincte de celle du déficit fonctionnel permanent.
11. Compte tenu de ce qui a été dit aux trois points précédents, et de l'âge de quarante-deux ans atteint par Mme B... à la date de la consolidation, fixée par l'expert au 1er janvier 2013, il sera fait une juste évaluation de ses préjudices à caractère extrapatrimonial en lui allouant la somme globale de 9 500 euros.
Sur l'indemnité due par le centre hospitalier d'Arras :
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête en tant que les conclusions indemnitaires de Mme B... excèdent la somme de 9 500 euros demandée en première instance, que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'indemnisation et à demander la condamnation du centre hospitalier d'Arras à lui verser cette même somme.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
13. Mme B... a droit à ce que la somme de 9 500 euros mentionnée au point précédent soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2014, date de réception de sa réclamation préalable par le centre hospitalier d'Arras. En outre, Mme B... a demandé la capitalisation des intérêts le 9 janvier 2016. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette dernière date, à laquelle une année d'intérêts était due ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci.
Sur les autres frais liés à l'instance :
14. Mme B... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 %. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre, en outre, à la charge du centre hospitalier d'Arras, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1404733 du 1er mars 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de Mme B....
Article 2 : Le centre hospitalier d'Arras est condamné à verser à Mme B... une somme de 9 500 euros.
Article 3 : Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2014. Les intérêts échus à la date du 9 janvier 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le centre hospitalier d'Arras versera à Mme B... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au centre hospitalier d'Arras.
Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.
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N°17DA00807