Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Voyages Dumont a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les lots n° 30, 31, 33, 34, 70, 71 et 82 du marché de services de transport scolaire conclu par le département du Pas-de-Calais en 2013 et de condamner la collectivité à lui verser la somme de 163 906 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de ces lots.
Par un jugement n° 1305074 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 octobre 2018, la société Voyages Dumont, représentée par Me D...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'annuler les marchés conclus pour les lots en cause, et à titre subsidiaire, d'en prononcer la résiliation ;
3°) de condamner le département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice lié à son éviction irrégulière des marchés contestés, ainsi que la somme de 748 293 euros au titre de la perte d'une chance sérieuse d'emporter ces marchés ;
4°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me D...B..., représentant la société Voyages Dumont, et de Me A...C..., représentant le département du Pas-de-Calais.
Considérant ce qui suit :
1. Le département du Pas-de-Calais a lancé en 2012 une consultation sous la forme d'un appel d'offres ouvert en vue du renouvellement du marché de prestations de services de transport scolaire, divisé en 103 lots géographiques. La société Voyages Dumont, qui était candidate, seule ou en qualité de mandataire d'un groupement d'entreprises, à l'attribution de certains lots, a été informée par lettres du 8 avril 2013 du rejet de ses candidatures. Elle conteste la validité des contrats conclus pour l'attribution des lots 30, 31, 33 et 34 à la société Caron et des lots 70, 71 et 82 à un groupement d'entreprises composé des sociétés Dourlens, Westeel, Mullié et Descamps. Elle relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de ces contrats et d'autre part, à la condamnation du département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 163 906 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société Voyages Dumont a soulevé, en première instance, un moyen tiré de l'irrecevabilité des écritures produites en défense par le département du Pas-de-Calais, en raison du défaut d'habilitation du président du conseil départemental. Le tribunal administratif de Lille a écarté ce moyen au point 2 du jugement attaqué en se fondant sur la délibération du 15 avril 2011 par laquelle le conseil général du Pas-de-Calais a autorisé son président à " défendre à toute action intentée contre le département devant toutes les juridictions " pour la durée de son mandat. Ce faisant, le tribunal, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments développés à l'appui de ce moyen, notamment celui tiré du défaut d'avis conforme de la commission permanente du conseil général, qui était inopérant, a suffisamment motivé son jugement. La société Voyages Dumont n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité à ce titre.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité des écritures produites par le département du Pas-de-Calais en première instance :
3. Aux termes de l'article L. 3221-10-1 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil départemental intente les actions au nom du département en vertu de la décision du conseil départemental et il peut, sur l'avis conforme de la commission permanente, défendre à toute action intentée contre le département. / Il peut, par délégation du conseil départemental, être chargé pour la durée de son mandat d'intenter au nom du département les actions en justice ou de défendre le département dans les actions intentées contre lui, dans les cas définis par le conseil départemental. Il rend compte à la plus proche réunion du conseil départemental de l'exercice de cette compétence ".
4. Ainsi qu'il a été dit au point 2, par une délibération du 15 avril 2011, le conseil général du département du Pas-de-Calais a autorisé son président à " défendre à toute action intentée contre le département devant toutes les juridictions " pour la durée de son mandat. Cette autorisation a été renouvelée par une délibération du conseil départemental du 23 avril 2015. L'une et l'autre de ces délibérations ont fait l'objet d'une publicité qui les a rendues exécutoires. Dès lors que, dans le cadre fixé par le second alinéa de l'article L. 3221-10-1 du code général des collectivités territoriales cité ci-dessus, le président du conseil départemental avait été chargé par délégation du conseil de défendre le département dans les actions en justice intentées contre lui pendant la durée de son mandat, l'avis conforme de la commission permanente prévu par le premier alinéa du même article n'était pas requis. Par suite, et en tout état de cause, la société Voyages Dumont n'est pas fondée à soutenir que les écritures produites en première instance par le département du Pas-de-Calais étaient irrecevables.
En ce qui concerne la validité des contrats conclus pour l'attribution des lots en litige :
S'agissant de la recevabilité des candidatures des sociétés attributaires :
5. Aux termes du I de l'article 45 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. (...) / La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie. / Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l'objet du marché. Les documents, renseignements et les niveaux minimaux de capacité demandés sont précisés dans l'avis d'appel public à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation (...) ". Aux termes du I de l'article 52 du même code : Les candidatures (...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. / (...) / L'appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières d'un groupement est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des compétences techniques requises pour l'exécution du marché (...) ". Aux termes du II de l'article 58 de ce code : " Au vu des seuls renseignements relatifs aux candidatures, les candidatures qui ne peuvent être admises en application des dispositions de l'article 52 sont éliminées. Cette élimination est effectuée par la commission d'appel d'offres pour les collectivités territoriales. Les candidats non retenus en sont informés conformément au I de l'article 80 ".
6. Les documents et pièces attendus des entreprises candidates à l'attribution des lots en litige étaient prévus par l'article 5 du règlement de la consultation, qui mentionnait notamment une " déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les services, objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles ". Selon l'article 6 du règlement de la consultation, " les garanties professionnelles, techniques et financières du candidat seront appréciées sur la globalité des lots soumissionnés, notamment au regard du programme d'investissement. Ce programme d'investissement sera analysé par rapport aux chiffres d'affaire des trois derniers exercices disponibles. / Les candidatures qui ne sont pas recevables en application des articles 43, 44 du Code des Marchés Publics ou qui ne sont pas accompagnées des pièces mentionnées à l'article 5-1 du présent règlement (" justificatifs candidatures ") ou qui ne présentent pas des garanties techniques professionnelles et financières suffisantes ne sont pas admises (...) ".
7. En premier lieu, si ces dispositions font obligation au pouvoir adjudicateur de contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public au vu des documents ou renseignements demandés à cet effet dans les avis d'appel public à concurrence ou dans le règlement de consultation dans les cas de procédures dispensées de l'envoi de tels avis, le pouvoir adjudicateur n'est en revanche pas tenu de préciser dans les avis d'appel public à la concurrence les niveaux minimaux de capacités professionnelles, techniques et financières exigés des candidats. La société Voyages Dumont n'est dès lors pas fondée à soutenir que le règlement de la consultation était irrégulier au motif qu'il prévoyait que la capacité financière des entreprises candidates serait appréciée au regard de leur seul chiffre d'affaires, sans fixation d'un seuil minimal de capacité.
8. En deuxième lieu, si l'appelante soutient que les sociétés attributaires des lots en litige ne justifiaient pas d'une capacité financière suffisante pour que leurs candidatures puissent être admises, elle ne démontre pas que leurs chiffres d'affaires, tels qu'ils résultaient des documents remis à l'appui de ces candidatures, dont les montants sont constants, apparaissaient insuffisants pour démontrer leur capacité financière à assumer les lots pour lesquels elles s'étaient portées candidates. Elle ne saurait utilement soutenir, à cet égard, que ce défaut de capacité financière résulte des bilans de ces entreprises, ou de l'insuffisance de leurs fonds propres, dès lors que ces données, qui n'étaient pas évoquées par le règlement de la consultation, n'avaient pas à être portées à la connaissance du département du Pas-de-Calais à l'occasion des candidatures.
9. En troisième lieu, s'il est vrai que le règlement de la consultation prévoyait que la capacité technique des entreprises devait être appréciée au regard de l'ensemble des lots pour lesquels elles s'étaient portées candidates, il résulte de l'instruction que les lots 30, 31, 33 et 34 nécessitent une trentaine de véhicules, et non pas 44 véhicules et 4 véhicules de réserve comme le soutient l'appelante, qui en avait elle-même proposé 29 dans le cadre de son offre. Il n'est pas non plus démontré que la société Caron, attributaire de ces lots, ne disposait pas, au moment de sa candidature, du nombre de véhicules requis, ni que, dans cette hypothèse, elle n'était pas en capacité d'en faire l'acquisition. La société Voyages Dumont n'est dès lors pas fondée à soutenir que la candidature de la société Caron à l'attribution de ces lots aurait dû être écartée en raison de l'insuffisance de ses capacités techniques.
S'agissant de la présentation d'offres anormalement basses :
10. Aux termes de l'article 55 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies. Pour les marchés passés selon une procédure formalisée par les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, à l'exception des établissements publics sociaux ou médico-sociaux, c'est la commission d'appel d'offres qui rejette par décision motivée les offres dont le caractère anormalement bas est établi. / Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : / 1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, les procédés de construction ; / 2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de services ; / 3° L'originalité de l'offre ; / 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ; / 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le candidat (...) ".
11. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.
12. D'une part, il résulte de l'instruction que les offres présentées par la société Caron, attributaire des lots 30, 31, 33 et 34 présentaient un écart de prix de 15,3 % à 23,9 % par rapport aux offres de la société Voyages Dumont. Toutefois, cet écart ne suffit pas à caractériser l'existence d'une offre anormalement basse. Il en va de même, a fortiori, de l'écart de 4,8 % à 6,5 % séparant les offres du groupement Dourlens - Westeel - Mullié - Descamps de celles de l'appelante s'agissant des lots 70, 71 et 82. L'écart de prix allégué en ce qui concerne le lot 48 est inopérant, dès lors que ce lot n'est pas au nombre de ceux qui sont visés par la requête de la société Voyages Dumont.
13. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les prix proposés par les sociétés attributaires des marchés en cause étaient insuffisants pour couvrir les charges effectivement exposées pour la desserte des lignes de transport des lots concernés. La société Voyages Dumont n'établit pas que les offres de ses concurrentes n'intégraient pas le coût d'acquisition de véhicules supplémentaires qui auraient été rendus nécessaires par l'attribution des lots ou les coûts de maintenance de leurs véhicules. Il résulte par ailleurs de l'instruction que ces prix intégraient, contrairement à ce qu'elle soutient, le coût des trajets réalisés à vide ou " kilomètres haut-le-pied " qui devaient figurer sur le tableau " récapitulatif unités d'oeuvre " à produire à l'appui de leurs candidatures.
14. Enfin, la circonstance que les entreprises attributaires des lots en litige, ou certaines d'entre elles, se montreraient défaillantes dans l'exécution du marché, n'est pas de nature, par elle-même, à démontrer que leurs offres présentées pour l'attribution de ces lots étaient anormalement basses.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 14 qu'en estimant qu'il n'y avait pas lieu de demander aux entreprises attributaires des lots en litige de justifier leurs offres, dans le cadre prévu par l'article 55 du code des marchés publics, et en ne les rejetant pas comme anormalement basses, le département du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'irrégularité de la méthode de notation des offres :
16. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation.
17. Le règlement de la consultation prévoyait que les offres des candidats seraient évaluées selon deux critères relatifs, d'une part, aux prix des prestations, pondéré à 80 %, et d'autre part, à la valeur technique de l'offre, pondérée à 20 %. Il résulte de l'instruction que la méthode de notation employée pour le critère du prix, si elle n'était pas strictement proportionnelle, n'accentuait que très légèrement les écarts entre les prix proposés par les candidats. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société Voyages Dumont, cette méthode de notation ne pouvait pas conduire à neutraliser la pondération des critères prévus par le règlement de la consultation. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que cette méthode était irrégulière.
S'agissant de la définition et de l'appréciation du critère de la valeur technique :
18. Aux termes du I de l'article 53 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique (...). D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix ".
19. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères. Il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné.
20. Le règlement de la consultation prévoyait que le critère de la valeur technique de l'offre était décomposé en trois sous-critères relatifs, d'une part, à la fonction de géolocalisation de tous les autocars, valorisée à 5 points, d'autre part, à la capacité minimale du plus petit des véhicules, valorisée à 10 points, et enfin, à la formation des conducteurs, valorisée à 5 points.
21. Quant au sous-critère de la fonction de géolocalisation des véhicules, le cahier des clauses techniques particulières précisait à l'article 9.4 que " dans le cas où le transporteur s'est engagé sur une fonction de géolocalisation des autocars ... elle devra être accessible par internet pour les services du département dès le début du marché et comportera une fonction historique des prestations réalisées sur le mois précédent ". Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, ce sous-critère était défini de façon suffisamment précise. La société Voyages Dumont n'établit pas qu'il existerait d'autres choix techniques possibles que la géolocalisation par Internet, ni, en tout état de cause, qu'un autre choix aurait été plus pertinent en l'espèce ou que ce choix serait de nature à favoriser les grands groupes de transport au détriment des petites entreprises.
22. Quant au sous-critère de la capacité des véhicules, l'article 9.4 du cahier des clauses techniques particulières énonce que " la capacité des véhicules ne devra pas être inférieure à 53 places assises. Le département pourra exiger sur certains services, dans les mêmes conditions financières, la mise à disposition d'autocars de 59 places. Les véhicules ne peuvent disposer d'une rangée de 5 sièges face à la route à l'exception de la banquette arrière. Le transporteur pourra proposer une utilisation d'autocars différents, dans les mêmes conditions financières, à condition d'assurer une capacité suffisante pour aborder la demande ". Ce sous-critère vise à apprécier la capacité du candidat à mettre à disposition du département, sur certains services, des véhicules de plus de 53 places et à s'adapter à une éventuelle augmentation des effectifs des élèves au cours de l'exécution du marché. Il est donc bien en rapport avec l'objet de celui-ci, contrairement à ce que soutient l'appelante. Si la méthode de notation de ce sous-critère, consistant à attribuer au candidat un point par place supplémentaire au-delà de 53, dans la limite de ses 10 points de valorisation, n'était pas connue des candidats, aucune disposition ni aucun principe n'imposait au pouvoir adjudicateur de les en informer.
23. Enfin, quant au sous-critère de la formation des conducteurs, il résulte de l'instruction que les documents de la consultation indiquaient quelle était la nature des formations attendues de la part des entreprises candidates. Dès lors, et malgré la méthode de notation consistant à attribuer aux candidats un point par demi-journée de formation des conducteurs, dans la limite de 5 points, la société Voyages Dumont n'est pas fondée à soutenir que ce sous-critère était envisagé de façon exclusivement quantitative plutôt que qualitative. La circonstance que la notation de ce sous-critère n'ait pas tenu compte de la qualité des formations proposées, à supposer même qu'une telle appréciation soit possible au stade de l'examen des offres, n'est pas de nature à caractériser, en tout état de cause, une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la méconnaissance de l'obligation de mise en accessibilité aux personnes à mobilité réduite :
24. Comme l'a jugé le tribunal administratif de Lille, dont le jugement n'est pas contesté sur ce point en appel, les stipulations de l'article 9.3 du cahier des clauses techniques particulières, selon lesquelles " le département n'exige aucune mise en accessibilité PMR puisqu'il assure un service spécifique pour les élèves et étudiants handicapés ", étaient contraires aux dispositions des articles L. 1112-1 et suivants du code des transports, qui prévoyaient, dans leur rédaction applicable à la date de conclusion des contrats en litige, que la mise à disposition des personnes handicapées de moyens de transport adaptés à leurs besoins n'était possible qu'en cas d'impossibilité technique de mettre en accessibilité les réseaux existants des services de transport collectifs.
25. Toutefois, saisi par un tiers de conclusions contestant la validité d'un contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
26. D'une part, si la mention du cahier des clauses techniques particulières citée au point 24 a conduit les entreprises attributaires des lots en litige à ne pas intégrer dans leurs prix le coût de la mise en accessibilité de leurs véhicules, comme le confirment les avenants conclus par le département du Pas-de-Calais avec ces entreprises le 28 mai 2014, qui prévoient une augmentation du prix kilométrique en conséquence de l'obligation faite aux transporteurs d'affecter un véhicule adapté par ligne, les candidats étaient, de ce point de vue, placés sur un pied d'égalité. La société Voyages Dumont n'établit pas, ni même n'allègue qu'elle avait, quant à elle, intégré dans ses prix le coût de la mise en accessibilité de ses véhicules. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le vice relevé au point 24 aurait exercé une influence sur le choix des attributaires des lots en litige.
27. D'autre part, il n'est pas soutenu qu'à la date du présent arrêt, compte tenu, d'une part, de la conclusion des avenants mentionnés au point précédent, en vue de régulariser le vice relevé au point 24 qui avait déjà été constaté par le juge du référé précontractuel, et d'autre part, de l'évolution des dispositions législatives régissant l'accessibilité des services de transport scolaire aux personnes handicapées, les contrats en cours d'exécution demeureraient irréguliers à ce titre.
28. Dès lors, l'irrégularité relevée au point 24 ne justifie ni l'annulation des contrats en litige, ni leur résiliation.
En ce qui concerne la demande indemnitaire de l'appelante :
29. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 28 que la société Voyages Dumont n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été irrégulièrement évincée de la conclusion des lots en litige du marché de services de transport scolaire du département du Pas-de-Calais. Par voie de conséquence, elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation d'un préjudice qui résulterait de cette éviction. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que ces conclusions indemnitaires auraient été précédées d'une demande préalable au département du Pas-de-Calais. Celui-ci est par suite fondé à soutenir que cette partie des conclusions de l'appelante est irrecevable, faute de liaison préalable du contentieux.
30. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la société Voyages Dumont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Pas-de-Calais, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Voyages Dumont de la somme qu'elle demande sur ce fondement.
32. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Voyages Dumont le versement au département du Pas-de-Calais de la somme de 1 500 euros sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Voyages Dumont est rejetée.
Article 2 : La société Voyages Dumont versera la somme de 1 500 euros au département du Pas-de-Calais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Voyages Dumont, au département du Pas-de-Calais, à la société Caron Voyages, à la société Westeel et à la société Dourlens.
N°17DA00090 7