Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 avril 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer une carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.
Par un jugement n° 1805246 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, enjoint au préfet du Nord de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M.A..., mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A...d'une somme au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2018, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant algérien né en 1981, est entré en France en 2016 et a présenté une demande d'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 août 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 mars 2017. Par un arrêté du 23 avril 2018, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. M. A...a formé un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et rejeté le surplus de la demande de M.A.... Le préfet du Nord doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il annule partiellement son arrêté du 23 avril 2018.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :
2. Par un arrêté du 19 mars 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes du département du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à Mme B...C..., attachée principale d'administration de l'Etat, directrice adjointe de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M.D..., directeur de l'immigration et de l'intégration, les décisions reprises aux articles 1, 2, 3, 5 et 11 de cet arrêté. L'article 1 énumère un certain nombre de décisions parmi lesquelles figurent notamment les décisions refusant un titre de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. D...n'aurait pas été absent ou empêché. Mme C...était ainsi compétente pour signer toutes les décisions contestées, en dépit des incohérences qui entachent d'autres articles de cette délégation. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour annuler cette décision et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination de l'éloignement de M.A....
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...à l'encontre de ces décisions.
Sur les autres moyens soulevés par M.A... :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. M. A...a sollicité son admission au séjour le 3 mai 2016. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de cette mesure. Au demeurant, en se bornant à évoquer l'évolution de sa situation familiale, le requérant ne précise pas quels sont les éléments propres à sa situation personnelle qu'il aurait pu faire valoir et qui auraient été de nature à conduire le préfet du Nord à ne pas lui faire obligation de quitter le territoire français. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à l'intervention d'une mesure d'éloignement, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union et a été rappelé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a pas été méconnue.
5. Le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté en litige, en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour. M.A..., qui ne conteste pas cette partie du jugement, n'est dès lors pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
6. Si M. A...fait valoir qu'il " réside en France avec sa famille et sa concubine de nationalité française ", il n'apporte aucune précision ni aucun élément de preuve à l'appui de ce moyen. Il ressort des pièces du dossier que M. A...et sa compagne ont signé un contrat de bail portant sur leur logement au mois d'avril 2018, soit quelques jours seulement avant l'intervention de l'arrêté en litige. Il n'est pas établi, ni même d'ailleurs allégué que l'intimé serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine, où il a lui-même vécu pendant au moins 34 ans avant d'entrer en France. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'obligation faite à M. A...de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Le moyen tiré de la violation du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. A...n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté en litige, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français. M. A...n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination de l'éloignement de M. A.... Par voie de conséquence, le jugement attaqué doit également être annulé en tant qu'il prononce une injonction à l'encontre du préfet du Nord et met une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 5 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : La demande de M.A..., en tant qu'elle est dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination de son éloignement, est rejetée, de même que ses conclusions à fin d'injonction et la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
N°18DA01675