Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2018 du préfet de l'Eure lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le Pakistan, pays dont il a la nationalité comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.
Par un jugement n° 1803878 du 19 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 octobre 2018 et le 28 décembre 2018, M. D..., représenté par Me C...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2018 du préfet de l'Eure ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, de lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., de nationalité pakistanaise, né le 29 septembre 1987, entré en France en 2013 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 28 avril 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par une décision du 22 décembre 2014 de la Cour nationale du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2018 du préfet de l'Eure lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le Pakistan comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. D...soutient que le premier juge a entaché le jugement attaqué de dénaturation des faits de l'espèce. Ce moyen, qui a trait au bien-fondé du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, est sans incidence sur sa régularité.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. M. D...réitère ses moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision en litige et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, de les écarter.
4. M. D...a été auditionné le 4 octobre 2018 et a été informé, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, de la possibilité qu'une telle mesure soit prise à son encontre, et invité à présenter ses observations sur ce point. Il a ainsi pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour et sur la perspective de son éloignement. Il n'est par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne énoncé notamment à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
5. M. D...soutient qu'il est entré en France en 2013 en raison des risques de persécution auxquels il était exposé du fait de sa conversion à la religion chrétienne et que pendant ses années d'incarcération, il a fait des efforts d'insertion en obtenant un diplôme de langue française, un certificat de formation générale et un certificat d'aptitude professionnelle en cuisine. Cependant, M.D..., qui est entré en France à l'âge de vingt-six ans, est célibataire, sans charge de famille et n'établit pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité sur le territoire français. Il n'établit pas davantage être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Il ressort également des pièces du dossier que M.D..., écroué à compter du 16 octobre 2014, a été condamné à six ans d'emprisonnement, par arrêt du 30 mars 2016 de la cour d'appel de Rennes. En outre, M. D...s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée le 10 mars 2015 par le préfet de la Loire Atlantique. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. M. D...réitère son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge, de l'écarter.
7. Si le requérant fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément nouveau au soutien de ses allégations qui n'aurait pas été examiné notamment par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et qui serait de nature à établir la caractère réel et actuel de ces menaces. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :
8. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, (...) alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
10. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
11. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour, d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision, une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
12. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle le préfet de l'Eure a fait interdiction à M. D...de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique également la durée et les conditions de son séjour, l'absence de document d'identité et de voyage, l'absence de domicile stable, l'absence de liens familiaux sur le territoire français, la circonstance qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et sa condamnation à six ans d'emprisonnement pour des faits constituant une menace grave à l'ordre public. Ces éléments justifient qu'il soit fait application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 de ce code, en prononçant une interdiction de retour de trois ans. Dès lors, la décision comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde quand bien même elle ne précise pas les circonstances l'ayant amené à demander l'asile. Elle est, ainsi, suffisamment motivée.
13. M. D...réitère son moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge, de l'écarter.
14. M. D...ne justifie pas de circonstances humanitaires, au sens des dispositions précitées, qui feraient obstacle au prononcé d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure se serait cru lié par l'interdiction judiciaire de retour sur le territoire français dont il a fait l'objet, celle-ci ayant au demeurant été annulée par la cour d'appel de Rennes.
15. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, la décision interdisant le retour de l'intéressé pendant trois ans n'est pas entachée d'une erreur dans l'appréciation de sa situation personnelle, ni d'erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
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N°18DA02183