Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...J...veuveD..., Mme B...D...épouseI..., M. G... D...et M. A...D..., ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 269 216 euros en indemnisation des préjudices personnels de M. F...D..., la somme de 25 000 euros à Mme J...veuveD..., la somme de 12 500 euros à chacun des enfants en indemnisation de leur préjudices propres, subis du fait de la contamination de M. F...D..., leur époux et père, par le virus de l'hépatite C (VHC).
Par un jugement n° 1400156 du 30 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a mis à la charge de l'ONIAM une somme de 90 981,50 euros au profit des consorts D...au titre des préjudices personnels de M. F...D..., une somme de 30 000 euros à Mme E... J...veuve D...et une somme de 11 000 euros chacun à Mme B... D... épouxI..., à M. G...D...et à M. A...D....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2017 et le 3 juin 2019, l'ONIAM, représenté Me K...H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de ramener l'indemnisation accordée aux consorts D...à la somme maximale de 27 590,84 euros ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise visant à déterminer les causes du décès de M. D...et évaluer les préjudices en lien avec le virus de l'hépatite C.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Courault, présidente de chambre,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. F...D..., né le 9 avril 1950, a été informé, par une sérologie positive en date du 7 septembre 1994, de sa contamination par le virus de l'hépatite C. A la suite de son décès le 30 mars 2012, son épouse Mme E...J...veuveD..., et leurs trois enfants, Mme B...D...épouseI..., M. G...D...et M. A...D..., ayants-droit de M. F...D...ont saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant de cette contamination. Refusant l'offre d'indemnisation proposée par l'Office, les consorts D...ont demandé au tribunal de mettre à la charge de l'ONIAM l'indemnisation de l'ensemble de leurs préjudices, subis à la suite de la contamination de M. F... D.... L'ONIAM interjette appel du jugement du 30 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a mis à sa charge au profit des consorts D...la somme de 90 981,50 euros en indemnisation des préjudices subis par M. F...D..., la somme de 30 000 euros en indemnisation des préjudices subis par Mme J...veuve D...et les sommes de 11 000 euros chacun en indemnisation des préjudices subis par Mme B... D... épouseI..., M. G...D...et M. A...D....
Sur le principe de l'indemnisation :
2. L'ONIAM qui n'a contesté ni en première instance, ni en appel l'imputabilité de la contamination au virus de l'hépatite C à des transfusions sanguines reçues par M. D...ne remet pas en cause son obligation d'indemnisation au titre de la solidarité nationale des préjudices subis par les consortsD....
Sur le lien de causalité entre le décès de M. F...D...et la contamination par le virus de l'hépatite C :
3. Il résulte de l'instruction que M. D...a présenté brutalement le 29 mars 2012 des troubles de la conscience pour lesquels il a été hospitalisé en service de réanimation. Un scanner cérébral a révélé un hématome sous-dural gauche aigu sur hématome sous-dural chronique avec engagement cérébral provoquant le décès de l'intéressé le 30 mars 2012. Les consorts D...font valoir que l'aggravation de l'état de santé de leur époux et père au début de l'année 2012 est la conséquence de la cirrhose score F4 résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C en se fondant sur les recommandations professionnelles de la Haute Autorité de Santé concernant la prise en charge des complications chez les malades atteints de cirrhose. Si parmi les complications de la cirrhose figurent les troubles de conscience provoqués par une encéphalopathie hépatique qui se traduisent par des troubles de l'état de conscience, des troubles de la personnalité, des anomalies neurologiques et des anomalies encéphalographiques, il ne ressort pas des comptes rendus médicaux des 6 février et 13 mars 2012 que de tels troubles et anomalies aient été détectés chez M.D.... Si ce dernier a présenté en janvier 2012 une leucémie aigüe lymphoblastique de type Burkitt avec localisation gastrique, il était considéré comme en rémission complète à la suite d'une chimiothérapie sans complication infectieuse, ni hépatique. En revanche, il résulte du rapport d'expertise judiciaire déposé en septembre 2009 que M. D...ne présentait pas de signe d'encéphalopathie, et du compte rendu médical du 6 février 2012 qu'il n'a jamais présenté de décompensation oedémato-ascitique. Enfin, il résulte du compte rendu médical du 6 février 2012 que M. D...était sous traitement anticoagulant en raison de la pose d'une prothèse valvulaire aortique consécutive à la dissection aortique sévère opérée de 1985 à 1996 ce qui peut conduire à un risque hémorragique élevé aux termes de la littérature scientifique produite par l'ONIAM. Par suite, en se fondant sur les recommandations professionnelles susévoquées qui au demeurant indiquent que les troubles de la conscience chez un patient atteint de cirrhose peuvent avoir d'autres causes que l'encéphalopathie comme un hématome sous-dural, les intimés, qui ne produisent aucun document médical laissant apparaître que M. D...souffrait d'encéphalopathie hépatique, n'établissent pas le lien de causalité entre le décès et la contamination par le virus de l'hépatite C. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a mis à sa charge l'indemnisation des préjudices consécutifs au décès de M.D....
Sur les préjudices subis par M. F...D...:
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'état de santé de M. D...n'était pas consolidé et qu'il présentait une hépatite toujours active malgré deux traitements antiviraux.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
5. Il résulte de l'instruction que l'asthénie subie par M. D...du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C et la dégradation de son état de santé ont eu des répercussions sur sa carrière professionnelle en faisant notamment obstacle à toute promotion et ont conduit à une pénibilité accrue de son emploi liée aux traitements antiviraux. C'est par une juste évaluation du préjudice subi que le tribunal a alloué aux intimés une somme de 5 000 euros en réparation de l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
6. Il résulte de l'instruction qu'il s'est écoulé vingt-sept années entre la contamination de M. D...par le virus de l'hépatite C en 1985 et son décès en 2012. Les consorts D...font valoir que M. F...D...a souffert, depuis sa contamination, d'une asthénie chronique et qu'il a dû subir les effets invalidants des traitements antiviraux du 13 juin 2005 au 5 juin 2006 et du 12 mars 2007 au 4 février 2008. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi par M. D...en ramenant la somme allouée par les premiers juges à 18 000 euros.
7. Les souffrances endurées ont été évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 par l'expert, à raison notamment de deux traitements antiviraux suivis et du syndrome dépressif présenté par M. D... après la mise en place du premier traitement en 2005. Dès lors, c'est par une juste appréciation de ce préjudice que les premiers juges ont alloué de ce chef une indemnité d'un montant de 6 000 euros.
8. De la date de la révélation de sa contamination en septembre 1994, jusqu'à la date de son décès en mars 2012, M.D..., atteint dès 2005 d'une fibrose de score Metavir A3-F4 et qui a subi deux traitements médicaux successifs sans résultat, a pu légitimement éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination et des conséquences graves qui pouvaient en résulter. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a ainsi subi en lui allouant une somme de 13 000 euros.
9. L'ONIAM a proposé l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de M. D..., évalué à 10 % par l'expert. Compte tenu de l'espérance de vie moyenne de M. D..., de son âge à la date de stabilisation de son état de santé en septembre 2009 et de la date de son décès, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant aux consorts D...la somme de 1 800 euros.
10. En l'absence de lien direct et certain entre la contamination par le virus de l'hépatite C et le décès de M.D..., les conclusions présentées par les consorts D...au titre du préjudice " de perte de survie " doivent être écartées.
Sur les préjudices des proches de M. F...D... :
11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 6 000 euros au titre du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence de son épouse, Mme J... veuve D...ainsi que de son fils Yohann, mineur à la date de révélation de la contamination de son père. Une somme de 2 000 euros sera allouée de ce chef de préjudice à Mme B...D...épouse I...et à M. G...D..., tous deux majeurs en 1994.
12. Comme il a été dit précédemment, en l'absence de lien direct et certain entre la contamination par le virus de l'hépatite C et le décès de M.D..., les conclusions présentées par les consorts D...au titre d'un préjudice d'affection en raison du décès de leur époux et père doivent être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que l'indemnité due par l'ONIAM aux consorts D..., en leur qualité d'ayants-droit de M. F...D..., doit être ramenée à la somme de 43 800 euros, que l'indemnité due à Mme J...veuve D...et à M. A... D... doit être ramenée à la somme de 6 000 euros chacun, que l'indemnité due à Mme B...D...épouse I...et M. G...D...doit être ramenée à la somme de 2 000 euros chacun.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 3 000 euros dont les consorts D...demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser aux consorts D...en leur qualité d'ayants-droit de M. F...D...est ramenée à 43 800 euros.
Article 2 : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme E...J...veuve D...est ramenée à 6 000 euros.
Article 3 : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à M. A...D...est ramenée à 6 000 euros.
Article 4 : La somme que l'ONIAM a été condamnée à verser à Mme B... D... épouse I...et à M. G...D...est ramenée à 2 000 euros chacun.
Article 5 : Le jugement n° 1400156 du 30 novembre 2016 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions des consorts D...est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme E... J... veuveD..., à Mme B...D...épouseI..., à M. G... D... et à M. A...D....
Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing.
N°17DA00206 2