Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la région Hauts-de-France, venant aux droits de la région Picardie, a rejeté sa demande du 3 décembre 2015 tendant au versement des crédits nécessaires pour le maintien du régime de retraite des élus de la région Picardie ayant siégé entre 1986 à 1998, et d'enjoindre à la région Hauts-de-France de verser les sommes nécessaires au fonds de retraite géré par l'association de gestion des oeuvres sociales (AGOS) et la caisse nationale de prévoyance (CNP).
Par un jugement n° 1603227 du 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 décembre 2018, 20 février 2019, 23 juillet 2019 et 10 septembre 2019, M. E..., représenté par Me B... C..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
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1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du président de la région Hauts-de-France ;
3°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de verser au comité des oeuvres sociales Hauts-de-France et à la CNP les crédits nécessaires au versement de la rente à laquelle il a droit ;
4°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 92-108 du 3 février 1992 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... F..., première conseillère,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la région Hauts-de-France.
Une note en délibéré présentée pour la région Hauts-de-France a été enregistrée le 11 mars 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que l'association " Amicale régionale des conseillers régionaux de Picardie " a conclu le 26 janvier 1990 avec la Caisse nationale de prévoyance (CNP) un contrat ayant pour objet de permettre à l'amicale d'attribuer à ses membres conseillers régionaux de Picardie un complément de retraite sous forme d'une rente viagère annuelle. Selon l'article 4 de ce contrat, l'amicale a la charge exclusive d'alimenter par une cotisation annuelle le fonds collectif d'épargne servant au prélèvement des capitaux constitutifs des rentes viagères à servir. En vertu des articles 9 et 10 de ce même contrat, le membre de l'amicale susceptible de bénéficier du régime convenu doit, pour y avoir droit, être âgé de soixante-deux ans révolus et ne plus exercer de mandat de conseiller régional. Toutefois en 2010, la CNP a informé l'association de gestion des oeuvres sociales (AGOS), qui venait aux droits de l'amicale depuis 1999, de ce que le solde du fonds collectif de réserve ne permettait plus la liquidation de pensions nouvelles et a rejeté l'intégralité des demandes tendant à cette fin, de sorte que seuls les conseillers régionaux qui avaient été admis à ce régime avant 2010 ont continué de percevoir la rente viagère convenue entre l'AGOS et la CNP. Par courrier en date du 3 décembre 2015, reçu le 7 décembre suivant, M. E..., ayant exercé le mandat de conseiller régional de Picardie de 1986 à 1998 et de 2002 à 2004, a demandé à la région de Picardie, aux droits de laquelle est venue la région des Hauts-de-France, de verser les crédits nécessaires, soit à la CNP, soit à l'AGOS devenue gestionnaire du fonds, afin de permettre à cette dernière d'honorer la rente viagère à laquelle il prétend avoir droit. Il relève appel du jugement rendu le 26 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation du rejet implicite par le président du conseil régional des Hauts-de-France de cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, en affirmant que " le principe de fraternité consacré par le Conseil Constitutionnel interdit que soient privilégiés les bénéficiaires d'avantages injustifiés ", et que " la rente est actuellement versée à tel ancien élu qui a siégé de 1996 à 2002 mais ne l'est pas à tel autre qui a siégé plus longtemps ", l'appelant n'assortit pas son moyen des précisions qui mettraient la cour à même d'en apprécier la portée et le bien-fondé.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 4135-25 du code général des collectivités territoriales : " Les pensions de retraite déjà liquidées et les droits acquis avant le 30 mars 1992 des élus régionaux continuent d'être honorés par les institutions et organismes auprès desquels ils ont été constitués ou auprès desquels ils ont été transférés. Les charges correspondantes sont notamment couvertes, le cas échéant, par une subvention d'équilibre versée par les collectivités concernées. / Les élus mentionnés à l'alinéa précédent, en fonction ou ayant acquis des droits à une pension de retraite avant le 30 mars 1992, peuvent continuer à cotiser à ces institutions et organismes. / La collectivité au sein de laquelle l'élu exerce son mandat contribue dans la limite prévue à l'article L. 4135-22 ". Comme l'ont indiqué les premiers juges, ces dispositions ont pour objet de maintenir les droits à retraite des conseillers régionaux acquis auprès d'organismes locaux à caractère associatif mis en place avant l'entrée en vigueur de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux qui a créé, au titre des activités électives exercées, un régime légal de retraite. Elles distinguent cependant deux régimes différents dans le maintien des droits à retraite mis en place avant le régime légal de retraite. Pour la période précédant le 30 mars 1992, les dispositions du premier alinéa de l'article précité assurent à chaque élu régional le versement de la retraite acquise à cette date auprès de l'organisme gestionnaire de cet avantage, en en faisant couvrir la charge, si nécessaire, par une subvention d'équilibre versée par la collectivité dont l'intéressé était un élu, sans qu'il soit besoin de vérifier si cet élu a personnellement cotisé pour bénéficier de l'avantage acquis et sans que la subvention éventuellement versée par la collectivité concernée pour équilibrer l'avantage retraite mis en place avant le 30 mars 1992 soit plafonnée. En revanche, pour la période ouverte à compter du 30 mars 1992, les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article précité font dépendre la possibilité pour l'élu de continuer à bénéficier du système mis en place avant cette date de sa cotisation effective auprès de l'organisme gestionnaire de l'avantage retraite, la collectivité dont il est l'élu contribuant alors dans la limite prévue par l'article L. 4135-22 du code général des collectivités territoriales.
4. En application de ces dispositions, M. E..., qui n'établit pas avoir cotisé auprès de l'amicale régionale des conseillers régionaux de Picardie après le 30 mars 1992 et jusqu'à la fin de son mandat, ne peut utilement prétendre détenir, au titre de cette période, des droits acquis au versement de la rente viagère prévue par le contrat conclu entre cette amicale et la CNP. En revanche, pour la période antérieure au 30 mars 1992, il a acquis le droit de se voir verser la rente viagère constituée à cette date à son bénéfice par l'amicale en vertu de ce même contrat. Par suite, toujours en application des dispositions précitées de l'article L. 4135-25 du code général des collectivités territoriales, M. E... est fondé à soutenir que la région Hauts-de-France, qui ne peut utilement faire valoir que la subvention qu'elle est tenue de verser en application du premier alinéa de l'article L. 4135-25 précité ne figure pas dans l'énumération des dépenses obligatoires faite par l'article L. 4321-1 du code général des collectivités territoriales, a commis une erreur de droit en refusant de verser à l'AGOS les fonds nécessaires pour que la CNP puisse lui verser la rente viagère constituée à son profit à la date du 30 mars 1992. Dès lors, le refus implicite opposé par le président de la région Hauts-de-France à la demande de M. E... tendant à ce que cette région verse une subvention d'équilibre à l'AGOS doit être annulé seulement en tant que la subvention d'équilibre couvre la charge nécessaire au versement de la rente viagère constituée à son profit jusqu'au 30 mars 1992.
5. Il résulte de ce qui précède que si c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté l'intégralité des conclusions à fin d'annulation présentées par M. E..., ce jugement doit être annulé seulement en tant que le tribunal n'a pas fait droit aux conclusions tendant l'annulation du refus du président de la région Hauts-de-France de verser à l'AGOS une subvention d'équilibre couvrant la charge nécessaire au versement de la rente viagère constituée au profit de M. E... jusqu'au 30 mars 1992.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
7. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à la région Hauts-de-France de verser à l'AGOS, ou à la structure qui, depuis la demande de M. E..., serait venue aux droits de cette association, la subvention telle que définie au point 4 du présent arrêt, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la région Hauts-de-France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la région Hauts-de-France la somme demandée par M. E... au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision implicite de rejet du président de la région Hauts-de-France est annulée en tant qu'elle refuse le versement à l'AGOS de la subvention d'équilibre couvrant la charge nécessaire au financement de la rente viagère acquise par M. E... à la date du 30 mars 1992.
Article 2 : Il est enjoint à la région Hauts-de-France de verser à l'AGOS, ou à la structure qui serait venue aux droits de cette association depuis la demande de M. E..., la subvention couvrant la charge nécessaire au versement de la rente viagère acquise par M. E... à la date du 30 mars 1992, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement n° 1603227 du 26 octobre 2018 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. E... et les conclusions de la région Hauts-de-France présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et à la région Hauts-de-France.
N°18DA02542 3