Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Colas Nord Picardie a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser les sommes de 150 434,41 euros, 55 589,97 euros, et 68 866,24 euros toutes taxes comprises, en paiement des situations de travaux nos 3, 4 et 5 émises dans le cadre de l'exécution du lot n° 6 du marché de restructuration et d'extension du centre hospitalier Laennec de Creil, sommes majorées des intérêts moratoires à compter du 12 mars 2011, avec capitalisation de ces intérêts et de mettre à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500019 du 17 avril 2018 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande, a condamné la société Colas Nord Picardie à verser au groupe hospitalier public du sud de l'Oise une somme de 7 155,72 euros et mis à sa charge, au profit du même groupe hospitalier, une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er et 15 juin 2018, 19 septembre 2019, 25 octobre 2019, 11 février 2020, 13 février 2020 et 14 février 2020, la société par actions simplifiée Colas Nord Picardie, venant aux droits de la société Screg Nord Picardie SA, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme principale de 10 420,53 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires à compter du 12 mars 2011, avec capitalisation des intérêts en question par année entière ;
3°) à titre subsidiaire, si la cour entend établir le décompte général du marché, d'intégrer dans le décompte les sommes non contestées inscrites dans l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable des différends ;
4°) de mettre à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise une somme de 7 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a admis à tort la recevabilité des conclusions incidentes du groupe hospitalier public du sud de l'Oise ;
- elle a droit au paiement des situations de travaux no 3, 4 et 5 révisées ;
- une doctrine résultant d'un guide de la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie précise que seul le prix ferme peut être actualisable, ce qui le rend invariable pendant toute la durée du marché ;
- il ne pouvait être fait application du mécanisme d'actualisation suivi d'une révision, car il n'y a pas eu d'émission d'un ordre de service général ;
- le marché devait prévoir une formule de révision de prix conforme au V de l'article 18 du code des marchés publics, alors applicable ; or, il y a eu des actualisations négatives ;
- le montant des intérêts moratoires doit être majoré de deux points, conformément à l'article 5 du décret du 21 février 2002 modifié ;
- le décompte général des sommes inscrites dans l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable des différents n'englobe pas les travaux supplémentaires des remblais de la rotonde.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 août et 22 octobre 2019 ainsi que les 11, 13 et 14 février 2020, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, représenté par Me A..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la mise à la charge de la société Colas Nord Picardie d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses conclusions reconventionnelles de première instance, tendant à la condamnation de la société Colas Nord Picardie au paiement de la somme de 7 155,72 euros toutes taxes comprises et correspondant au solde du lot n° 6 du marché de restructuration et d'extension du centre hospitalier Laennec de Creil, étaient recevables comme en a jugé le tribunal administratif d'Amiens ;
- le solde du marché, en application de l'article 18 du code des marchés publics, de l'article 3.4.1 du cahier des clauses administratives particulières et de l'article 2.2 de l'acte d'engagement, peut être sujet à variations par le mécanisme de la révision et de l'actualisation ; la société Colas Nord Picardie ne s'est jamais opposée à ces clauses, qu'elle a acceptées lors de la signature de son contrat ;
- il y a eu émission d'un ordre de service général, en l'espèce l'ordre n° 1 du 10 mars 2010, dont, au demeurant, tous les cocontractants de tous les lots ont été destinataires ;
- s'il y a eu, compte tenu de 1'évolution des prix, actualisation se traduisant par une baisse du prix initial, la société appelante n'a pas pu en pâtir car la fixation du prix correspondait au prix du jour à l'époque où les travaux ont démarré ;
- la somme demandée n'étant pas due, la société appelante n'a droit à aucun intérêt moratoire ;
- aucune partie au contrat ne peut renoncer à une clause du contrat et en particulier celle relative à la révision du prix ;
- les conclusions tendant à ce que soient intégrées, dans le décompte, les sommes non contestées inscrites dans l'avis du comité consultatif interrégional sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.
Par lettre du 4 février 2020, les parties ont été informées d'un moyen susceptible d'être retenu d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions, à titre subsidiaire, de la société appelante, à propos du paiement des travaux de remblais réalisés entre les bâtiments C et C'(rotonde), qui ont fait l'objet d'une autre instance sur laquelle la cour s'est prononcée par un arrêt du 8 juillet 2019.
Par lettre du 13 février 2020, les parties ont été informées d'un moyen susceptible d'être retenu d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Colas Nord Picardie tendant à ce que soient intégrées dans le décompte les sommes " non contestées inscrites dans l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable des différends ", comme étant des conclusions nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant la société Colas Nord Picardie et de Me C..., représentant le groupe hospitalier public du sud de l'Oise.
Une note en délibéré présentée par Me B..., pour la SAS Colas Nord Picardie, a été enregistrée le 2 mars 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier Laennec de Creil (Oise), devenu le groupe hospitalier public du sud de l'Oise après son regroupement avec celui de Senlis, a décidé d'engager des travaux portant sur sa restructuration et son extension. Il a confié la maîtrise d'oeuvre au groupement composé de la SAS agence Michel Beauvais et associés, mandataire du groupement, de la SAS Jacobs France et de la société Economie 80, par un marché conclu le 10 juillet 2003. Par un acte d'engagement signé le 11 mars 2010, l'entreprise Screg Nord Picardie SA s'est vu confier par le centre hospitalier Laennec de Creil la réalisation du lot n° 6 " voirie et réseaux divers -espaces verts " du marché, pour un prix global et forfaitaire de 3 099 441,58 euros hors taxes, porté à 3 349 225,12 euros par trois avenants. L'ordre de service de démarrage des travaux a été notifié le 11 mars 2010. Par un mémoire en réclamation adressé au maître d'ouvrage le 17 janvier 2011, la société Screg Nord Picardie a contesté l'application cumulative des mécanismes d'actualisation et de révision des prix prévus dans ce marché et a demandé le paiement de ses situations de travaux nos 3, 4 et 5 pour leur montant révisé, soit respectivement 150 434,41 euros toutes taxes comprises, 53 589,97 euros toutes taxes comprises et 68 866,24 euros toutes taxes comprises. La société par actions simplifiée Colas Nord Picardie, venant l'aux droits de la société Screg Nord Picardie SA, relève appel du jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande, et l'a condamnée à verser au groupe hospitalier public du sud de l'Oise une somme de 7 155,72 euros. Elle doit être entendue, en appel, comme limitant sa demande de condamnation du groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 10 420,53 euros.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la condamnation du groupement hospitalier du sud de l'Oise à verser la somme de 10 420,53 euros toutes taxes comprises au titre du solde marché :
2. La société Colas Nord Picardie critique l'appréciation faite par les premiers juges de sa demande initiale relative au montant des situations de travaux n° 3, 4 et 5 et demande à la cour, en se plaçant le cadre du décompte du marché, la condamnation du groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 10 420,53 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires, à compter du 12 mars 2011 et de la capitalisation de ces intérêts, correspondant selon elle au montant lui restant dû en paiement de ces situations de travaux. Dans un mémoire enregistré le 25 octobre 2019, elle conclut également, à titre subsidiaire, à ce que soient intégrées dans le décompte, les sommes " non contestées inscrites dans l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics " de Nancy du 29 mai 2017.
3. En principe, un requérant n'est pas recevable, en appel, à solliciter en réparation l'allocation d'une indemnité d'un montant supérieur à celui demandé en première instance et, dans cette mesure, ses conclusions d'appel sont nouvelles et, par suite, irrecevables. Cette solution rigoureuse fait toutefois l'objet d'aménagements permettant de tenir compte, en appel d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement et affectant, soit l'étendue du préjudice réparable, soit la connaissance de ce préjudice. Il appartenait ainsi à la société Colas Nord Picardie de demander aux premiers juges d'intégrer au décompte les sommes qu'elle estimait lui être dures, en plus de celles dont elle demandait déjà la prise en compte, correspondant aux situations de travaux n° 3, 4 et 5, sur la base de l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics " de Nancy rendu le 29 mai 2027, plusieurs mois avant la clôture de l'instruction devant les premiers juges. Elle n'est pas recevable à le faire pour la première fois devant la cour, en cause d'appel.
4. En outre, si la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, cette invocation de nouveaux chefs de préjudice n'est recevable en appel que si ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que si ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement. De même, un requérant est recevable à demander en appel la réparation d'un chef de préjudice survenu en cours d'instance, dès lors qu'il se rattache au même fait générateur et repose sur la même cause juridique que le chef de préjudice invoqué tant dans la réclamation préalable qu'en première instance. Les conclusions de la société Colas Nord Picardie sont nouvelles en appel car, si elle se rattachent au même fait générateur, elles ne respectent pas le montant demandé en première instance et ne correspondent pas plus à des éléments nouveaux apparus après le jugement de première instance.
5. Il appartenait à la société Colas Nord Picardie, dans ces conditions, de demander au premier juge d'intégrer au décompte les sommes qu'elle estimait lui être dues, en plus de celles dont elle réclamait déjà la pris en compte au titre des situations de travaux n° 3,4 et 5. Faute de l'avoir fait, il n'est pas recevable à le faire, pour la première, fois en cause d'appel. Les conclusions susvisées ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables, car nouvelles en cause d'appel.
6. Dans un mémoire du 25 octobre 2019, la société Colas Nord Picardie demande aussi, à titre subsidiaire et sans autre précision, que soient intégrées dans le décompte, les sommes " non contestées inscrites dans l'avis du consultatif interrégional ". Toutefois, comme l'oppose le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, elle était tout à fait en mesure de présenter cette demande devant les premiers juges, dès lors que l'avis du comité consultatif interrégional de règlement des litiges relatifs aux marchés publics de Nancy a été rendu le 29 mai 2017 et que le jugement du tribunal administratif n'est intervenu que le 17 avril 2018, après une clôture prononcée le 16 février 2018. Elle ne le fait pour la première fois, devant la cour, qu'après l'expiration du délai d'appel. De telles conclusions, également nouvelles en appel, doivent, par suite, être aussi rejetées comme irrecevables.
Sur le rejet par les premiers juges de la fin de non-recevoir opposée par la société Colas Nord Picardie aux conclusions reconventionnelles du Groupe hospitalier public du sud de l'Oise :
7. En matière contractuelle, la recevabilité de conclusions reconventionnelles ou incidentes est largement admise, lorsque ces conclusions ne portent pas sur un contrat différent de celui mis en cause par les conclusions principales ou l'appel principal. Ainsi, dans les litiges fondés sur la responsabilité contractuelle, les conclusions reconventionnelles ne soulèvent pas un litige distinct si elles portent sur l'exécution du même contrat. Cette règle s'applique également pour apprécier la recevabilité de conclusions reconventionnelles formées à l'encontre d'un défendeur par une personne qui a été appelée en garantie par ce défendeur, l'entreprise appelée en garantie par l'administration au titre de sa responsabilité contractuelle, au sein d'une instance introduite par une autre entreprise, pouvant profiter de cet appel en garantie pour demander à l'administration le paiement de sommes dues en application de son marché, et ce alors même que ces demandes sont sans lien avec le litige principal.
8. La société Colas Nord Picardie soutient que les conclusions reconventionnelles du groupe hospitalier soulevaient un litige distinct et qu'elles étaient, par suite, irrecevables. Elle cite décision du Conseil d'Etat du 31 juillet 2009, sous le n° 300729, qui précise certes, qu'un litige relatif au décompte général porte sur un objet distinct de celui engagé par une réclamation formée en cours d'exécution du marché ", mais il s'agissait, dans cette affaire, d'apprécier l'autorité de chose jugée d'une précédente décision juridictionnelle, l'expression " objet distinct " devant alors être comprise comme faisant référence à l'une des trois identités, celle de l'objet du litige en l'occurrence, pour que soit reconnue l'autorité de chose jugée d'une décision juridictionnelle. Elle n'était, dès lors, pas employée pour apprécier la recevabilité de conclusions reconventionnelles ou d'appel incident. Dans ces conditions, le tribunal administratif a exactement jugé que les conclusions reconventionnelles présentées par le groupe hospitalier public du sud de l'Oise ne soulevaient pas un litige distinct du litige initial et c'est, par suite, à bon droit qu'il a traité l'ensemble des demandes des parties dans le cadre de l'établissement du décompte du solde du marché.
9. En outre, le titulaire qui a présenté des réclamations en cours d'exécution du marché et qui n'a pas obtenu satisfaction peut, avant même l'établissement du décompte et sans avoir mis en demeure le maître d'ouvrage d'établir celui-ci, saisir le juge du fond d'une demande indemnitaire, ce qui a été fait par la société Colas Nord Picardie par sa demande initiale. Par suite, c'est encore à bon droit que ses conclusions initiales ont été regardées par les premiers juges comme devant être appréhendées dans le cadre de l'établissement du décompte du marché. A cet égard, s'il n'a pas été statué sur sa réclamation formulée en cours d'exécution du marché à la date de la notification du décompte général, l'entreprise titulaire du marché doit la reprendre dans un mémoire en réclamation sinon le décompte devient définitif sur ce point, nonobstant l'existence d'un litige pendant devant le juge administratif. C'est bien ce qu'a fait également la société Colas Nord Picardie, de sorte que ses propres conclusions initiales ont été, à bon droit, regardées par les premiers juges comme devant être appréhendées dans le cadre de l'établissement du décompte du marché.
Sur l'actualisation et la révision des sommes dues au titre des acomptes correspondant au situation de travaux nos 3, 4 et 5 :
10. Aux termes de l'article 18 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur applicable aux faits de l'espèce : " /.../ II.-Un prix définitif peut être ferme ou révisable. / III.-Un prix ferme est un prix invariable pendant la durée du marché. Toutefois, il est actualisable dans les conditions définies ci-dessous. /.../Lorsqu'un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services autres que courants ou pour des travaux, il prévoit les modalités d'actualisation de son prix. Il précise notamment : / 1° Que ce prix sera actualisé si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre et la date de début d'exécution des prestations ; / 2° Que l'actualisation se fera aux conditions économiques correspondant à une date antérieure de trois mois à la date de début d'exécution des prestations. /.../ Le prix ainsi actualisé reste ferme pendant toute la période d'exécution des prestations et constitue le prix de règlement. /.../ IV.-Un prix révisable est un prix qui peut être modifié pour tenir compte des variations économiques dans les conditions fixées ci-dessous. / Lorsque le prix est révisable, le marché fixe la date d'établissement du prix initial, les modalités de calcul de la révision ainsi que la périodicité de sa mise en oeuvre. Les modalités de calcul de la révision du prix sont fixées : / 1° Soit en fonction d'une référence à partir de laquelle on procède à l'ajustement du prix de la prestation ; / 2° Soit par application d'une formule représentative de l'évolution du coût de la prestation. Dans ce cas, la formule de révision ne prend en compte que les différents éléments du coût de la prestation et peut inclure un terme fixe ; / 3° Soit en combinant les modalités mentionnées aux 1° et 2°./ V.-Les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, conformément au 1° du IV du présent article. "
11. Ainsi, en vertu du II. de l'article 18 du code des marchés publics, un prix définitif peut être ferme ou révisable. Il ressort en outre du 1° du III de l'article 18 du même code, qu'un prix ferme est un prix invariable pendant la durée du marché, qui est toutefois actualisé si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre et la date de début d'exécution des prestations. Les deux procédures ont des objets différents, l'actualisation, qui n'a lieu qu'une fois dans la vie du marché, permet de tenir compte de l'évolution des conditions économiques s'il s'est écoulé plus de trois mois entre la remise de l'offre et le début d'exécution des prestations. La révision peut, quant à elle, être opérée plusieurs fois dans la vie du marché et permet de tenir compte de l'évolution des conditions économiques, selon la périodicité fixée par le contrat.
12. En outre, aux termes des stipulations de l'article 2.2 de l'acte d'engagement : " Les travaux du lot no 6 désignation : VRD - Espaces Verts seront rémunérés par application d'un " prix initial définitif, global et forfaitaire ", révisable et actualisable s'il y a lieu... ". Aux termes des stipulations de l'article 3.3.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " - Les ouvrages ou prestations faisant l'objet du marché seront réglés par le prix initial global forfaitaire, révisable et éventuellement actualisable stipulé à l'article 2.2 de l'acte d'engagement... ". Aux termes de l'article 3.4.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Le prix du marché est réputé établi sur la base des conditions économiques du mois figurant à l'acte d'engagement (M0 dit mois zéro). / Les prix sont révisables. / Le coefficient de révision Cm applicable pour le calcul de l'acompte du mois m est donné par la formule suivante : / Cm = 0,15 + 0,85 [Im/I(0+3)] / Dans laquelle Im et I0 sont les valeurs prises par l'index de référence du lot concerné, respectivement au mois m d'exécution des travaux et au mois zéro qui prendra en compte une neutralisation de 3 mois, correspondant à la période de préparation, en dérogation à l'article 11.6 du CCAG. / Ce mois est appelé " mois zéro ". /.../ ". Aux termes de l'article 3.4.5 du même cahier des clauses administratives particulières : " Le prix du marché n'est pas actualisable, sauf dans l'hypothèse de la production d'un ordre de service général prescrivant de démarrer les travaux au-delà de 120 jours, après la date limite de remise des offres. / Dans ce cas, le prix global du marché sera actualisé à la date d'effet de l'ordre de service - 4 mois. / La formule d'actualisation sera identique à la formule de révision, sans la partie fixe de 15 %. ".
13. Il résulte des stipulations précitées que le marché en cause, qui a été conclu à prix révisable, comporte aussi une clause prévoyant que le prix ferait l'objet d'une actualisation, dans l'hypothèse où l'ordre de service général prescrivant de démarrer les travaux serait émis plus de cent vingt jours après la date limite de remise des offres, le nouveau prix issu de cette actualisation devenant, alors, le prix du marché, révisable, ce qui a été fait, en l'espèce, par le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, maître d'ouvrage et a eu des conséquences défavorables pour l'entreprise titualre du marché.
14. Tout d'abord, l'ordre de service du 11 mars 2010 doit être regardé comme un " ordre de service général prescrivant de démarrer les travaux " au sens des stipulations de l'article 3.4.5 du cahier des clauses administratives particulières citées au point 12. Il établit aussi que le démarrage des travaux a été ordonné pour le 1er avril 2010, faisant ainsi débuter, à cette date, le délai contractuel de cinquante-deux mois incluant le temps de préparation du chantier de quatre mois, qui fait aussi partie des prestations prévues par le marché. La clause d'actualisation a ainsi été exactement appliquée, alors qu'il s'est bien écoulé un délai très largement supérieur à 120 jours entre la date limite de remise des offres, qui était fixée au 13 juin 2008 et l'ordre de service général précité, prescrivant de démarrer les travaux au 1er avril 2010. Les stipulations du contrat pour l'actualisation des prix ont, par suite, été respectées.
15. La société Colas Nord Picardie soutient, certes, à titre principal, qu'il faudrait écarter l'application de la clause d'actualisation du marché car elle serait contraire aux dispositions de l'article 18 du code des marchés publics alors en vigueur qui excluraient, selon elle, toute possibilité d'actualisation des prix lorsque le prix n'est pas ferme mais révisable comme en l'espèce.
16. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
17. Les dispositions précitées de l'article 18 du code des marchés publics, interdisent, en tant que tel, le cumul d'un mécanisme d'actualisation et de révision des prix du marché, contrairement à ce qu'a précisé le premier juge. Toutefois, si les stipulations citées au point 12 prévoient que le prix du marché fait successivement l'objet d'une actualisation puis de révisions et conditionnent cette actualisation des prix à l'émission d'un ordre de service général de démarrage des travaux plus de 120 jours après la date limite de remise des offres, méconnaissent les dispositions de l'article 18 du code des marchés publics, cette irrégularité ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, alors que le cumul de l'actualisation et de la révision avait pour objet de tenir compte au mieux des variations économiques, que la formule d'actualisation est identique à la formule de révision, sans être affectée d'un terme fixe et que l'actualisation n'était pas imposée par les dispositions du code des marchés publics, comme d'une gravité telle que le juge doive écarter l'application de la clause d'actualisation dont l'application lui est défavorable, comme le demande la société Colas Nord Picardie. Un vice du consentement ne peut pas plus être retenu alors que la société requérante ne soutient pas qu'à la date de signature du contrat, elle n'était pas informée des stipulations en question, qu'elle a elle-même acceptées, sans aucune remarque. Le moyen tiré de ce qu'il conviendrait écarter l'application de la clause du marché prévoyant le cumul de l'actualisation et de la révision du fait de sa méconnaissance de l'article 18 du code de marchés publics, alors que le contenu du contrat n'a pas un caractère illicite et ne révèle pas plus un vice d'une particulière gravité, doit, dès lors, être écarté.
18. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du décompte général du marché, que le maître d'ouvrage a payé les acomptes correspondant aux situations de travaux no 3, 4 et 5, pour des montants respectivement de 141 228,44 euros toutes taxes comprises, 53 137,28 euros toutes taxes comprises et 68 104,37 euros toutes taxes comprises, en faisant application des clauses d'actualisation et de révision du prix prévues au marché. Par suite, la société Colas Nord Est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le prix du marché a fait l'objet d'actualisation puis révision et, ainsi, à demander la condamnation du groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser une somme de 10 420,53 euros, toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires à compter du 12 mars 2011.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Colas Nord Est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande et a fixé le solde du marché. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société anonyme Colas Nord Est une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le groupe hospitalier public du sud de l'Oise et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société anonyme Colas Nord Est est rejetée.
Article 2 : La société anonyme Colas Nord Est versera au groupe hospitalier public du sud de l'Oise une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Colas Nord Est et au groupe hospitalier public du sud de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction, le 27 avril 2020.
Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière en chef,
Bénédicte Gozé
3
N°18DA01128