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15/11/2022 | FRANCE | N°21DA01876

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 15 novembre 2022, 21DA01876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite par laquelle la directrice du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin a rejeté sa demande tendant au versement de l'indemnité de précarité, d'enjoindre au centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin de lui verser une somme de 1 535 euros correspondant à l'indemnité de précarité due au titre de la fin de son contrat en qualité de praticien attaché et de mettre à sa charge la somme de 2 000 e

uros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite par laquelle la directrice du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin a rejeté sa demande tendant au versement de l'indemnité de précarité, d'enjoindre au centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin de lui verser une somme de 1 535 euros correspondant à l'indemnité de précarité due au titre de la fin de son contrat en qualité de praticien attaché et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901475 du 10 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision implicite par laquelle la directrice du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin a rejeté la demande de M. B... tendant au versement de l'indemnité de précarité, a enjoint au centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin de verser à M. B... l'indemnité de précarité au titre de la période du 18 avril au 31 décembre 2016, dans les conditions fixées au point 6 du jugement, a renvoyé M. B... devant le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin pour la liquidation et le versement de l'indemnité et a mis à la charge du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 août 2021 et 23 juin 2022, le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin, représenté par Me Audrey Uzel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le docteur B... ne pouvait prétendre au bénéfice de l'indemnité de précarité dès lors que, d'une part, il était à l'initiative du non-renouvellement de son contrat, d'autre part, le dispositif de cumul emploi-retraite ne lui permettait pas de prétendre au renouvellement de son contrat pour une durée indéterminée et, enfin, il ne se trouvait pas en situation de précarité au terme de son contrat à durée déterminée puisqu'il avait décidé de poursuivre son activité professionnelle au-delà de l'âge légal de la retraite.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mai et 14 septembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Bertrand Joliff, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin ;

2°) de confirmer le jugement ;

3°) par la voie de l'appel incident, d'assortir la somme que le tribunal administratif d'Amiens a enjoint au centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin de lui verser au titre de l'indemnité de précarité, des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable ;

4) de mettre à la charge du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 24 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 21 octobre 2003 relatif à l'indemnité de précarité prévue à l'article 12 et à l'indemnité différentielle mentionnée à l'article 13 du décret n° 2003-769 du 1er août 2003 relatif aux praticiens attachés et praticiens attachés associés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Loïc Lanciaux, substituant Me Bertrand Joliff, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., qui a fait valoir ses droits à la retraite en 2016 à l'âge de soixante-six ans et a été autorisé à prolonger son activité professionnelle au-delà de la limite d'âge, a été recruté, par un contrat en date du 18 avril 2016, par le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin en qualité de praticien attaché à raison d'un jour tous les quinze jours, aux fins d'exercer les fonctions de responsable de l'information médicale, pour la période du 18 avril au 31 décembre 2016 et affecté au service d'information médicale de l'établissement. A l'issue de ce contrat, l'intéressé a informé le centre hospitalier qu'il ne souhaitait pas le renouveler. Par un courrier en date du 24 janvier 2019, il a demandé à la directrice du centre hospitalier Bertinot Juel de lui verser la somme de 1 535 euros au titre de l'indemnité de précarité qui lui était due à la fin de son contrat. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin relève appel du jugement du 10 juin 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision implicite, lui a enjoint de verser à M. B... l'indemnité de précarité au titre de la période du 18 avril au 31 décembre 2016, dans les conditions qu'il a fixées au point 6 du jugement, a renvoyé M. B... devant lui pour la liquidation et le versement de l'indemnité et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande que la somme qu'il a été enjoint au centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin de lui verser au titre de l'indemnité de précarité soit assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif d'Amiens :

2. Aux termes de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique : " Les praticiens attachés sont recrutés pour un contrat d'une durée maximale d'un an, renouvelable dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois. Lorsque, au terme de chaque contrat, la relation de travail n'est pas poursuivie, le praticien attaché a droit, à titre de complément de rémunération, à une indemnité destinée à compenser la précarité de sa situation. Le montant et les conditions de versement de l'indemnité sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé / (...) / A l'issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s'effectue par un contrat de trois ans, renouvelable de droit, par décision expresse. A l'issue du contrat triennal, le renouvellement s'effectue par un contrat à durée indéterminée. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 21 octobre 2003 relatif à l'indemnité de précarité : " Les praticiens attachés et praticiens attachés associés exerçant dans le cadre d'un contrat d'une durée maximale d'un an ont droit à une indemnité destinée à compenser la précarité de leur situation lorsque la relation de travail n'est pas poursuivie au terme du contrat ". En vertu de l'article 2 de cet arrêté, " Le montant brut de cette indemnité est égal à 10 % du total des émoluments bruts visés au 1° de l'article 14 du décret du 1er août 2003 susvisé [relatif aux praticiens attachés et praticiens attachés associés des établissements publics de santé], dus au titre du contrat en cours (...) ". Il résulte des dispositions précitées que lorsqu'au terme de chaque contrat, la relation de travail n'est pas poursuivie, le praticien attaché a droit, à titre de complément de rémunération, à une indemnité destinée à compenser la précarité de sa situation égale à 10 % du total des émoluments bruts dus au titre du contrat en cours, quelle que soit la partie à l'initiative du non-renouvellement du contrat. En revanche, une telle indemnité étant destinée à compenser la précarité de la situation de l'agent dont les relations contractuelles avec son employeur ne se poursuivent pas à l'issue d'un contrat à durée déterminée d'un an renouvelable une fois, par un contrat triennal puis par un contrat à durée indéterminée, elle ne saurait s'appliquer aux contrats passés avec les personnels médicaux hospitaliers autorisés à prolonger leur activité au-delà de la limite d'âge, dès lors que de tels contrats sont, dès leur signature, en vertu des dispositions citées ci-dessus, insusceptibles de se poursuivre par un contrat à durée indéterminée à bref ou moyen terme.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite en 2016 et a été autorisé, au titre du cumul emploi-retraite, à exercer en qualité de praticien attaché au sein du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin pour la période du 18 avril au 31 décembre 2016 à raison d'un jour tous les quinze jours. N'étant pas susceptible de bénéficier à terme d'un contrat à durée indéterminée dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 2 de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique, l'intéressé ne pouvait prétendre au versement de l'indemnité de précarité prévue à cet article au titre du contrat à durée déterminée qui l'a lié à l'établissement hospitalier dans le cadre de sa prolongation d'activité. Par suite, le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que M. B... était éligible au versement de l'indemnité de précarité prévue par les dispositions de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique et a annulé, pour ce motif, sa décision implicite refusant de verser à l'intéressé cette indemnité.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance et en appel.

Sur les autres moyens invoqués par M. B... :

5. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que sa situation n'entre pas dans les cas d'exclusion du bénéfice de l'indemnité de fin de contrat prévue par les dispositions de l'article L. 1243-10 du code du travail, dès lors que celles-ci ne s'appliquent pas aux praticiens attachés et, qu'en tout état de cause, les contrats passés avec les personnels médicaux hospitaliers autorisés à prolonger leur activité au-delà de la limite d'âge sont exclus du champs d'application de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail.

6. En deuxième lieu, si M. B... fait valoir qu'il s'est trouvé dans une situation de précarité à la suite de l'expiration de son contrat à durée déterminée conclu avec le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin dès lors qu'il ne perçoit qu'une pension de retraite d'un montant mensuel de 1 714 euros, une telle circonstance n'a toutefois aucune incidence sur le versement de l'indemnité de précarité qui a pour seul objet de compenser la précarité lié aux conditions d'emploi de l'agent.

7. En troisième et dernier lieu, si M. B... soutient que l'absence de versement de la prime de précarité est susceptible de constituer une rupture d'égalité avec les travailleurs du secteur privé, il n'apporte cependant aucun élément probant à l'appui de ses allégations.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé sa décision implicite rejetant la demande de M. B... tendant au versement de l'indemnité de précarité et lui a enjoint de lui verser cette indemnité au titre de la période du 18 avril au 31 décembre 2016. Il convient donc de prononcer l'annulation de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens ainsi que ses conclusions d'appel incident.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901475 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin et à M. A... B....

Délibéré après l'audience publique du 2 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA001876


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01876
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Sylvie Stefanczyk
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : CABINET BJMR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-15;21da01876 ?
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