Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de ... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'avis du 26 novembre 2019 par lequel le conseil de discipline de recours de la région Hauts-de-France a recommandé que la sanction de révocation infligée à Mme A... B... soit ramenée à une exclusion temporaire de fonctions de quinze jours.
Par un jugement n° 2000606 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet avis.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 février et 28 mars 2022, Mme A... B..., représentée par Me Cochereau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune de ... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
3°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir soulevé les moyens d'ordre public tirés de l'irrecevabilité de la requête de la commune en raison de sa tardiveté et du défaut de qualité pour agir du maire ;
- la requête de la commune introduite le 4 février 2020 contre l'avis du conseil de discipline de recours du 26 novembre 2019 était tardive ;
- aucune délibération du conseil municipal autorisant le maire à ester en justice n'a été produite en première instance ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'avis du conseil de discipline de recours n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- ils ne justifient pas une sanction ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, la commune de ..., représentée par Me Porcher, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les fins de non-recevoir opposées pour la première fois en appel sont irrecevables car relevant d'une cause juridique distincte des moyens soulevés en première instance ;
- elles sont en tout état de cause infondées ;
- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif est fondé ;
- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2022, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Massias, présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- et les observations de Me Porcher, représentant la commune de ....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., recrutée par la commune de ... en tant qu'agent contractuel en 2015, a ensuite été nommée adjointe technique territoriale stagiaire à compter du 1er octobre 2017 et affectée comme secrétaire de mairie à hauteur de trente heures par semaine. Par un arrêté du 14 janvier 2019, le maire de ... a suspendu l'intéressée de ses fonctions du 14 janvier au 14 mai 2019 pour avoir falsifié la signature du maire sur des documents remis au comptable public afin d'obtenir le versement d'heures complémentaires ou supplémentaires non réalisées pendant les mois de mars à septembre 2018 et le mois de décembre 2018. Après avis du conseil de discipline du 30 avril 2019, le maire de ... a, par un arrêté du 14 mai 2019, révoqué Mme B..., à raison des faits précités et de la soustraction d'espèces de la régie dont elle avait la responsabilité. Par un avis du 26 novembre 2019, le conseil de discipline de recours de la région Hauts-de-France, saisi par Mme B..., s'est prononcé en faveur d'une exclusion temporaire de ses fonctions d'une durée de quinze jours. Mme B... relève appel du jugement du 28 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, à la demande de la commune de ..., a annulé cet avis.
Sur la régularité du jugement :
2. Si Mme B... soutient que le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas relevé d'office l'irrecevabilité de la demande de première instance de la commune de ..., un tel moyen ne se rattache pas à la régularité du jugement mais relève de son bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. En principe, le défendeur en première instance est recevable à invoquer en appel tous moyens, même pour la première fois. Cette faculté doit cependant se combiner avec l'obligation faite à l'appelant d'énoncer, dans le délai d'appel, la ou les causes juridiques sur lesquelles il entend fonder son pourvoi. Il suit de là que, postérieurement à l'expiration de ce délai et hors le cas où il se prévaudrait d'un moyen d'ordre public, l'appelant n'est recevable à invoquer un moyen nouveau que pour autant que celui-ci repose sur la même cause juridique qu'un moyen ayant été présenté dans le délai d'introduction de l'appel.
4. Contrairement à ce que soutient la commune de ..., Mme B... est recevable pour la première fois en appel à soulever les moyens d'ordre public tirés de la tardiveté de la demande présentée par la commune devant le tribunal administratif ainsi que du défaut de qualité pour agir du maire de ....
5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du conseil de discipline de recours du 26 novembre 2019 a été adressé à la commune de ... par une lettre recommandée datée du 23 décembre 2019. Par suite, et quelle qu'ait été la date de réception de cette lettre, la requête de la commune tendant à l'annulation de cet avis, introduite devant le tribunal administratif de Lille le 4 février 2020 puis transmise au tribunal administratif d'Amiens territorialement compétent, a été présentée dans le délai de recours contentieux de deux mois. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait dû soulever d'office la tardiveté de la requête de la commune de ....
6. Il ressort également des pièces du dossier que, par une délibération du 20 mai 2020, le conseil municipal de ... a donné délégation au maire pour " intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, tant en demande qu'en défense, et devant toutes les juridictions ". Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif d'Amiens aurait dû soulever d'office le défaut de qualité pour agir du maire de ....
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
7. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / (...) Deuxième groupe : (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours (...) / Quatrième groupe : / (...) la révocation. (...) ".
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées.
9. Par son avis du 26 novembre 2019, le conseil de discipline de recours a écarté comme non établi le grief tiré de la soustraction d'espèces de la régie par l'intéressée et a estimé que la sanction devait être ramenée à une exclusion temporaire de quinze jours.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a établi des demandes de paiement d'heures supplémentaires et complémentaires pour les mois de mars à septembre 2018 et décembre 2018 en y apposant, sans autorisation, la signature électronique du maire ou de l'ancien maire et a adressé ses relevés d'heures à la trésorerie. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des déclarations du maire de la commune de ... devant le conseil de discipline réuni le 30 avril 2019, et il n'est pas établi par la production de deux attestations peu circonstanciées de la factrice officiant dans la commune et de la personne qui avait été chargée du recensement de la commune en 2018, que Mme B... ait effectivement travaillé pendant les heures supplémentaires déclarées au moyen des relevés litigieux, soit en moyenne plus d'une vingtaine d'heures. Si Mme B... fait état de son faible niveau de qualification et d'un manque d'encadrement et de formation, il ressort des pièces du dossier qu'elle avait été recrutée en tant qu'agent contractuel dès 2015, soit deux ans avant sa nomination en tant qu'adjointe territoriale stagiaire et en toute hypothèse un éventuel manque de formation et d'encadrement ne la dispensait pas de l'obligation de probité qui s'impose à tout agent public. Enfin, la circonstance invoquée, à la supposer même établie, que la pratique qui lui est reprochée était habituelle, voire encouragée et que l'intéressée n'aurait fait que poursuivre un " protocole mis en place par ses prédécesseurs " n'est pas de nature à lui retirer son caractère fautif. Dans ces conditions, les faits, qui sont établis, justifiaient une sanction. Ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, Mme B... ne pouvait raisonnablement ignorer le caractère frauduleux de ses déclarations d'heures supplémentaires, sans l'accord exprès du maire, son supérieur hiérarchique direct dont elle était la principale collaboratrice. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a annulé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions proposée par le conseil de discipline de recours comme n'étant pas proportionnée à la gravité de la faute commise.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'avis du 26 novembre 2019 par lequel le conseil de discipline de recours de la région Hauts-de-France a recommandé que la sanction de révocation infligée à Mme A... B... soit ramenée à une exclusion temporaire de fonctions de quinze jours. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme réclamée par la commune de ... sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de ... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de ....
Copie sera adressée pour information au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023.
Le président-assesseur,
Signé : M. C...La présidente de la cour,
présidente-rapporteure,
Signé : N. MassiasLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 22DA00496
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