Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière lui a infligé la sanction disciplinaire de la révocation et de mettre à la charge du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2005717 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Steven Calot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 de la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ;
3°) de mettre à la charge du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du conseil de discipline ne mentionne pas la liste des personnes ayant participé au délibéré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 6152-316 du code de la santé publique ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe d'impartialité ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- la sanction infligée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière conclut au rejet de la requête de M. B....
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
La requête a été communiquée au centre hospitalier de Douai, qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2022 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- et les observations de Me Francine Thomas, substituant Me Steven Calot, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a été recruté par le centre hospitalier de Douai, le 24 décembre 2016, en qualité de praticien contractuel puis a été installé dans un poste de praticien hospitalier à temps partiel à compter du 1er juillet 2017 au pôle urgences de cet établissement hospitalier. Par une décision en date du 27 mai 2018, le directeur du centre hospitalier de Douai l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire et dans l'intérêt du service à la suite d'incidents qui ont été signalés concernant un comportement inadapté envers les patients et collègues de travail ainsi que des retards et des difficultés dans ses prises en charge. La directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a, par un arrêté en date du 19 février 2020, infligé à l'intéressé la sanction disciplinaire de la révocation. M. B... relève appel du jugement du 15 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 6152-316 du code de la santé publique : " L'avis du conseil de discipline doit être motivé et mentionner le nom des membres ayant participé à la délibération. Il est signé et daté par le président ".
3. L'avis du conseil de discipline des praticiens hospitaliers temps plein-section médecin du 24 janvier 2020 indique le nom des six membres représentant l'administration et des quatre membres syndicaux, praticiens hospitaliers qui y ont participé et précise qu'après en avoir délibéré à huis clos, le conseil de discipline a proposé, par dix voix " pour " de prononcer à l'encontre de M. B... la sanction de la révocation. Ces indications sont par ailleurs confirmées par le procès-verbal de ce conseil de discipline, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire. Si l'appelant fait valoir que l'avis du conseil de discipline n'indique pas expressément l'identité des personnes ayant assisté au délibéré, les mentions précises figurant dans cet avis sont suffisantes pour établir que seuls les membres du conseil de discipline ont participé à cette délibération. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 6152-316 du code de la santé publique doit être écarté.
4. En deuxième lieu, selon les dispositions de l'article R. 6152-74 du code de la santé publique, les décisions infligeant des sanctions disciplinaires aux praticiens hospitaliers sont motivées. L'autorité qui prononce une sanction disciplinaire a ainsi l'obligation de préciser, dans sa décision elle-même ou dans un document joint ou précédemment adressé à la personne sanctionnée, les considérations de fait sur lesquelles elle se fonde et les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.
5. L'arrêté en litige vise le code de la santé publique, le signalement du 26 mars 2018 effectué par le directeur général du centre hospitalier de Douai à la directrice générale du centre national de gestion, les trois avis des 2 et 19 avril et 24 septembre 2019 émis respectivement par la commission médicale d'établissement du centre hospitalier de Douai, le directeur de l'établissement et la directrice générale de l'Agence régionale de santé des Hauts-de-France. L'arrêté relève ensuite les griefs reprochés à M. B... et indique qu'ils sont établis et constituent des manquements persistants aux règles déontologiques et statutaires des praticiens hospitaliers d'une particulière gravité, en ce qu'ils peuvent notamment mettre en danger la santé des personnes accueillies au centre hospitalier et sont incompatibles avec le maintien de l'intéressé dans le statut de praticien hospitalier. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé en fait et en droit au regard des dispositions précitées et expose suffisamment les raisons qui ont conduit la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière à infliger la sanction de la révocation à M. B..., celle-ci n'étant pas tenue de mentionner les observations écrites qu'il avait produites devant le conseil de discipline, ni le fait qu'un des témoins de l'administration l'avait invectivé devant les membres du conseil de discipline. Enfin, la circonstance que la directrice générale du centre national de gestion se soit appropriée les motifs retenus par le conseil de discipline n'est pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière entretient des liens amicaux avec le directeur du centre hospitalier de Douai et que l'un des témoins de l'administration qui l'a invectivé lors du conseil de discipline n'a pas fait l'objet de poursuites disciplinaires, ces circonstances ne sont pas de nature à établir un non-respect du principe d'impartialité alors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que la directrice générale du centre de gestion ou le directeur du centre hospitalier de Douai aurait manifesté une animosité particulière à l'égard de M. B....
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 6152-74 du code de la santé publique : " Les sanctions disciplinaires applicables aux praticiens relevant de la présente section sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° La réduction d'ancienneté de services entraînant une réduction des émoluments ; 4° La suspension pour une durée ne pouvant excéder six mois avec suppression totale ou partielle des émoluments ; 5° La mutation d'office ; 6° La révocation. / L'avertissement et le blâme sont prononcés par le directeur général du Centre national de gestion, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, du directeur de l'établissement, de la commission médicale d'établissement siégeant en formation restreinte aux praticiens titulaires, et après communication de son dossier à l'intéressé. (...) / Les autres sanctions sont prononcées par décision motivée du directeur général du Centre national de gestion après avis du conseil de discipline (...) ". En vertu de l'article R. 4127-32 de ce code, le médecin doit s'engager à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. Selon l'article R. 4127-33 de ce code, le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés. Aux termes de l'article R. 4127-37-4 de ce code, le médecin veille également à ce que l'entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire. Enfin, selon l'article R. 4127-68 du même code, les médecins doivent, dans l'intérêt des malades, entretenir de bons rapports avec les membres des professions de santé.
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. Pour prononcer la sanction de la révocation à l'encontre de M. B..., la directrice générale du centre national de gestions des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière s'est fondée sur le fait que l'intéressé avait refusé, en dépit de plusieurs rappels à l'ordre, d'appliquer certains protocoles et procédures, qu'il n'avait pas remis en cause ses pratiques professionnelles qui l'avaient conduit à des gestes techniques inappropriés et susceptibles de mettre en danger la santé des patients, qu'il avait refusé de s'inscrire dans une relation de travail collégiale, qu'il avait eu des retards, que ses relations étaient conflictuelles avec ses collègues et le personnel infirmier, obligeant à des réorganisations dans les services et qu'il avait fait preuve d'un manque de compassion et de retenue à l'égard des patients et de leurs familles.
10. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des rapports, des comptes rendus d'entretien, des déclarations d'événements indésirables et des signalements détaillés dans le rapport établi le 29 novembre 2019 par un inspecteur général honoraire, désigné par la directrice générale du centre national de gestion, en vue de la réunion du conseil de discipline que lors d'une garde effectuée le 29 avril 2017, M. B..., d'une part, a mis en danger la vie d'un patient en effectuant un drainage pleural non justifié à l'origine d'un pneumothorax et, d'autre part, a eu un comportement agressif et injurieux à l'égard d'un interne venu l'aider. Le 5 septembre 2017, il a méconnu les procédures de traçabilité en matière de prescription de stupéfiants en ne mentionnant pas dans le dossier d'une patiente la prescription et les modalités d'administration des ampoules de toxiques alors que celles-ci avaient été tracées au nom de cette patiente sur le relevé nominatif de délivrance des stupéfiants. Les 25 et 29 octobre 2017, un praticien du service des urgences s'est plaint des retards de M. B... dans ses prises de fonctions. Par ailleurs, en dépit des demandes répétées du chef de pôle concernant la correction d'une mention erronée dans un dossier quant à l'origine éthylique de la pathologie d'un patient, pris en charge le 23 septembre 2017, l'intéressé n'a corrigé cette erreur que le 24 novembre 2017, après le décès du patient. Le 17 février 2018, l'un des praticiens du service des urgences a signalé la prescription par M. B... d'anticoagulants sans diagnostic de certitude, malgré l'avis du cardiologue, la prescription d'antalgiques hors recommandation et sans surveillance, ainsi que la transmission avec six heures de retard d'un patient attendant dans le couloir. Le 7 mars 2018, un autre praticien des urgences a signalé la réalisation par M. B..., hors recommandation, de gestes techniques et d'injections d'analgésiques et d'hypnotiques susceptibles d'entraîner des complications iatrogènes. Le 15 avril 2018, un cadre de nuit a fait état d'un incident lors de la prise en charge la nuit précédente d'un patient, auquel M. B... avait administré de l'éphédrine ne provenant pas du stock du centre hospitalier mais de son stock personnel. Il ressort également des pièces du dossier que le centre hospitalier de Douai a été destinataire de plusieurs courriers de patients ou de leurs proches faisant état de la part de M. B... d'un manque d'empathie, de dédain et d'agressivité. De même, une infirmière s'est plainte, le 15 janvier 2018, des propos insultants que ce dernier lui avait tenus et une autre a indiqué le lendemain qu'il avait eu des propos déplacés à son égard le 7 octobre 2017. Si M. B... reconnaît qu'il a des efforts à fournir sur sa communication, il conteste, en revanche, le comportement agressif qui lui est imputé ainsi que les griefs relatifs aux conditions de prise en charge médicale des patients et se prévaut à l'appui de ses allégations du rapport d'expertise réalisé à la demande du conseil régional Grand Est de l'ordre des médecins mentionnant que si sa pratique professionnelle peut apparaître différente, elle est cependant en rapport avec des compétences que d'autres n'ont pas. Toutefois, ce rapport précise également que compte tenu de certains doutes persistants, il apparaît nécessaire que M. B... suive une formation pratique voire théorique de six mois de réanimation et qu'il doit apprendre à modifier son comportement, dans l'hypothèse fréquente où il est amené à travailler en équipe. Par ailleurs, si l'intéressé soutient qu'il existait au centre hospitalier de Douai un climat hostile à son égard et que l'infirmière qui a signalé son comportement déplacé s'est méprise sur ses intentions, il ne produit cependant aucun élément probant de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés, lesquels constituent des manquements aux devoirs déontologiques et sont, dès lors, de nature à justifier une sanction disciplinaire.
11. Eu égard à la nature et à la gravité de ces faits qui ne sont pas isolés dans le parcours professionnel de M. B..., celui-ci ayant fait l'objet d'une condamnation à une interdiction temporaire d'exercice de trois mois, par une décision de la chambre disciplinaire de 1ère instance de Champagne-Ardenne de l'ordre des médecins du 9 juillet 2018 à la suite de la mauvaise prise en charge d'un patient à l'hôpital de Sedan où il avait précédemment exercé, et alors même que l'intéressé a produit à l'instance plusieurs attestations de confrères faisant état de son professionnalisme, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'en lui infligeant la sanction de la révocation, la directrice générale du centre national de gestions des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et au centre hospitalier de Douai.
Délibéré après l'audience publique du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.
La rapporteure,
Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°21DA02226