Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Les maisons de Guislain a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 15 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal d'Aniche a approuvé son plan local d'urbanisme.
Par un jugement n°2008944 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, la SCI Les maisons de Guislain, représentée par Me David Lacroix, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2022 ;
2°) d'annuler à titre principal la délibération du 15 octobre 2020 du conseil municipal d'Aniche ou, à titre subsidiaire, cette délibération en tant qu'elle classe en zone UE les parcelles cadastrées AN nos 313, 314, 315 et 325 et AM nos 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 326, 651 et 652 ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aniche la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que le rapport du commissaire enquêteur est erroné ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2022, la commune d'Aniche, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Les maisons de Guislain de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 juin 2023, l'instruction a été close à effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Héloïse Hicter, représentant la commune d'Aniche.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 15 octobre 2020, le conseil municipal d'Aniche a approuvé son plan local d'urbanisme. La société civile immobilière (SCI) Les maisons de Guislain, qui possède à Aniche les parcelles cadastrées AN nos 313, 314, 315 et 325 et AM nos 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 326, 651 et 652, a demandé l'annulation de cette délibération au tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 29 juin 2022, dont elle interjette appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la délibération du 15 octobre 2020 :
En ce qui concerne le rapport du commissaire enquêteur :
2. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " (...) Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable sur le classement en " zone urbaine à forte densité " (UA) des parcelles appartenant à la société Delval et à la SCI Les maisons de Guislain, situées rue Verrier à Aniche, en proposant de reclasser les premières en zone agricole et en prenant acte de la proposition de la commune de reclasser les secondes en " zone urbaine mixte périphérique affectée aux activités économiques " (UE). Pour justifier son avis, le commissaire enquêteur a relevé d'une manière suffisamment précise que la société Delval exploitait une installation agricole, que les parcelles appartenant à la SCI Les maisons de Guislain se situaient à proximité de cette installation et " à l'extrémité de la zone urbanisée du territoire " et qu'elles avaient accueilli des activités économiques. En procédant à ces constats, le commissaire enquêteur ne s'est pas fondé sur des informations erronées.
4. Il est vrai que, dans son rapport du 7 janvier 2020, le commissaire enquêteur a estimé, en réponse à une observation émise au cours de l'enquête publique par la SCI Les maisons de Guislain sur le contenu du rapport de présentation, que l'exploitation agricole de la société Delval était soumise à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, en se référant à une déclaration effectuée en 2005 au titre de cette législation. Or il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 28 décembre 2020 du préfet du Nord, que le projet ayant justifié cette déclaration a été abandonné en février 2007 et que, par suite, l'exploitation agricole de la société Delval est restée régie par le règlement sanitaire départemental, sans relever de la législation applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement.
5. Toutefois, cette erreur matérielle n'a pas été susceptible de nuire à la parfaite information du public, ni d'exercer une influence sur la délibération attaquée, dès lors que les modifications de zonage mentionnées au point 3 n'ont pas été décidées en application de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ou du règlement sanitaire départemental, mais en tenant compte, d'une part, du seul caractère agricole des activités de la société Delval, quel que soit le régime juridique auquel celles-ci étaient soumises, et, d'autre part, du caractère économique des activités qui ont été exercées sur les terrains appartenant à la SCI Les maisons de Guislain. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
En ce qui concerne le classement de parcelles en zone UE :
6. Les parcelles appartenant à la SCI Les maisons de Guislain ont été classées en " zone urbaine mixte périphérique affectée aux activités économiques " (UE), au sein de laquelle les constructions à usage d'habitation, leurs extensions et leurs annexes ne sont admises par le règlement qu'à la condition d'être " destinées aux logements des personnes dont la présence permanente est nécessaire pour assurer la surveillance ou le gardiennage des établissements et services implantés dans la zone ".
7. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles appartenant à la SCI Les maisons de Guislain supportent, d'une part, une maison d'habitation implantée à l'alignement de la rue Verrier et qui n'est plus habitée depuis 2015 et, d'autre part, en retrait de cette voie, plusieurs vastes bâtiments entourés de cours, ayant accueilli, de 1873 à 1918, une activité de brasserie et de négoce de vins et de bières puis, de 2007 à 2015, une activité de dépôt de bois et de matériaux. Compte tenu de la superficie de ces bâtiments, les parcelles litigieuses doivent être regardées comme ayant été principalement affectées à une activité économique.
8. Si les terrains en cause sont bordés par des habitations au nord et si d'autres habitations sont implantées sur l'alignement opposé dans la rue Verrier, ces terrains sont toutefois localisés en dehors du centre urbain d'Aniche, dans une zone urbaine périphérique, à proximité immédiate des bâtiments accueillant l'exploitation agricole de la société Delval. Par ailleurs, le classement des parcelles litigieuses en zone UE contribue à l'objectif, énoncé dans le projet d'aménagement et de développement durables, de maintenir des zones d'activités dynamiques au sud d'Aniche. Dans ces conditions, compte tenu des partis d'aménagement retenus, de la localisation et de la consistance des parcelles litigieuses, et alors même que les activités économiques mentionnées au point précédent avaient cessé à la date de la délibération attaquée, les auteurs du plan local d'urbanisme ont pu estimer, sans erreur manifeste d'appréciation, que les parcelles appartenant à l'appelante conservaient une vocation économique et qu'elles pouvaient par suite être classées en zone UE.
En ce qui concerne le classement de parcelles en zone A :
9. Les parcelles appartenant à la société Delval ont été classées en zone agricole, au sein de laquelle ne sont autorisées que " les types d'occupation ou d'utilisation du sol liés à l'activité agricole ainsi que les constructions et installations nécessaires aux services publics et d'intérêt collectif ".
10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 18 décembre 2020 du préfet du Nord, que les parcelles appartenant à la société Delval supportaient depuis plusieurs décennies une exploitation agricole qui accueillait encore un élevage bovin à la date de la délibération attaquée. Si ces parcelles ont également accueilli un élevage porcin qui a cessé au plus tard en juin 2020, en exécution d'une ordonnance du 31 mars 2017 du juge des référés du tribunal de grande instance de Douai, confirmée par un arrêt du 30 novembre 2017 de la cour d'appel de Douai et un arrêt du 19 septembre 2019 de la Cour de cassation, jugeant cette activité agricole contraire au règlement sanitaire départemental, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité des activités d'élevage bovin de la société Delval et ne suffisent pas à démontrer que les parcelles lui appartenant et le secteur dans lequel elles s'inscrivent auraient perdu tout potentiel agricole.
11. En outre, il ressort des pièces du dossier que les parcelles appartenant à la société Delval sont séparées par la rue Verrier des habitations les plus proches à l'est et qu'elles sont bordées à l'ouest par des terres agricoles et au sud par les espaces arborés du chemin du cavalier d'Azincourt, au-delà desquels s'étendent de vastes parcelles agricoles. De plus, comme l'indique le projet d'aménagement et de développement durables, les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu " pérenniser l'activité agricole et permettre son développement ", notamment en " limitant l'impact de l'urbanisation sur l'activité agricole " et en veillant à " une consommation d'espace agricole mesurée et progressive ". Par suite, compte tenu des partis d'aménagement retenus et de la localisation et de la consistance des parcelles litigieuses, ces dernières ont pu être classées en zone agricole sans erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne le détournement de pouvoir :
12. Si l'appelante soutient que les classements en zone A et UE mentionnés ci-dessus ont été décidés dans le but de privilégier la société Delval et en méconnaissance des décisions rendues par les juridictions judiciaires, elle ne produit pas d'élément probant à l'appui de ses allégations. Par suite, à supposer même que soit soulevé un moyen tiré d'un détournement de pouvoir, ce moyen doit être écarté.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune d'Aniche, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par l'appelante et non compris dans les dépens.
14. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Les maisons de Guislain le versement d'une somme de 1 000 euros à la commune d'Aniche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile immobilière Les maisons de Guislain est rejetée.
Article 2 : La société civile immobilière Les maisons de Guislain versera une somme de 1 000 euros à la commune d'Aniche en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les maisons de Guislain et à la commune d'Aniche.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. Denis Perrin, premier conseiller,
- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. Eustache
Le président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°22DA01656 2