Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 13 février 2020 par laquelle la directrice régionale de Pôle emploi Normandie a prononcé son licenciement pour inaptitude définitive à toutes fonctions ou à tout poste et d'enjoindre à Pôle emploi de la réintégrer dans ses effectifs.
Par un jugement n° 2000145 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision de la directrice régionale de Pôle emploi Normandie du 13 février 2020 et a enjoint à Pôle emploi de réintégrer Mme A..., dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, sur un emploi de niveau équivalent à celui dont elle disposait avant le 20 avril 2020 ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressée le demandait, sur tout autre emploi disponible.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2022 et le 3 avril 2023, Pôle emploi, représenté par Me Christophe Lonqueue, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... en première instance ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que, pour annuler la décision contestée, le tribunal s'est fondé sur ce que le motif tiré de ce que Mme A... était inapte définitivement à ses fonctions et à toutes fonctions et qu'il était inutile de rechercher une possibilité de reclassement était entaché d'une erreur d'appréciation ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Karim Berbra, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Pôle emploi ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., recrutée en février 1999 en qualité d'agent public contractuel par l'Agence nationale pour l'emploi, devenue Pôle emploi, et employée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis mai 2003, exerçait les fonctions de conseiller technique de service social dans les services de Pôle emploi Normandie. Souffrant de rhumatismes chroniques à l'origine de douleurs polyarticulaires et de dépression, elle a bénéficié, à compter du 6 avril 2014, d'un congé de grave maladie, puis, d'avril 2015 à mars 2016, de congés de maladie. Après avoir considéré, en janvier 2015, que l'état de santé de l'intéressée lui permettait de reprendre le service, le médecin agréé désigné par l'administration a estimé, en mars 2016, qu'elle était définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et de toutes autres fonctions. Le comité médical départemental a émis, le 4 janvier 2017, un avis en ce sens, qu'il a confirmé le 13 septembre 2017 après avoir été saisi par l'intéressée d'une demande de réexamen de sa situation. Mme A... a demandé, par deux courriers des 6 et 21 novembre 2017, la saisine du comité médical supérieur qui, le 6 février 2019, a confirmé les deux avis du comité médical départemental. Celui-ci a, le 15 mai 2019, émis un dernier avis selon lequel Mme A... était définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et de toutes autres fonctions dans la fonction publique. Mme A... a été convoquée à l'entretien préalable à son licenciement le 24 octobre 2019. La commission paritaire locale unique, réunie le 23 novembre 2019, n'a pu, en l'absence de majorité, émettre un avis sur le licenciement envisagé. Mme A... a saisi la direction nationale de Pôle emploi le 12 décembre 2019, en faisant valoir qu'elle était à même de poursuivre l'exercice de ses fonctions antérieures, selon la modalité du télétravail qui lui était ouverte en sa qualité de travailleur handicapé. Par un courrier du 20 décembre 2019, le directeur général de Pôle emploi lui a répondu qu'en raison de son inaptitude totale et définitive à l'exercice de toute fonction, une suite favorable ne pouvait être réservée à sa demande. Par une décision du 13 février 2020, la directrice régionale de Pôle emploi Normandie a prononcé le licenciement de Mme A... pour inaptitude médicale. Pôle emploi relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. / (...) ".
3. Il ressort du dossier de première instance que, contrairement à ce que soutient Pôle emploi, la minute du jugement attaqué est revêtue des signatures du président de la formation de jugement, rapporteur de l'affaire, de l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau et du greffier d'audience. Elle a, ainsi, été signée conformément aux dispositions précitées des articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à l'appelant ne comporte pas ces signatures originales est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement manque en fait et doit être écarté.
Sur la recevabilité de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) ".
6. Par un mémoire introductif d'instance, enregistré le 9 janvier 2020 au greffe du tribunal administratif de Rouen, Mme A... a expressément demandé l'annulation de la décision de licenciement pour inaptitude physique prononcée à son encontre. Si cette demande a été introduite prématurément, elle a été régularisée par l'intervention en cours d'instance, le 13 février 2020, de la décision contestée. Par ailleurs, le mémoire introductif d'instance enregistré le 9 janvier 2020 comporte l'énoncé de moyens articulés par Mme A... pour contester son licenciement, en particulier un moyen tiré de l'absence de mesure de reclassement mise en œuvre par Pôle emploi. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient Pôle emploi, la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen était recevable tant au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, qu'au regard de celles de l'article R. 421-1 de ce code.
Sur la légalité de la décision contestée :
7. Aux termes de l'article 17 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dont les dispositions ont été rendues applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi par l'article 1er du décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de l'Agence nationale pour l'emploi et dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 3° A l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, de maladie professionnelle ou de maternité, de paternité ou d'adoption, lorsqu'il a été médicalement constaté par le médecin agréé qu'un agent se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, le licenciement ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent dans un emploi que la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement de ces agents, n'est pas possible. / (...) / b) Lorsque l'administration envisage de licencier un agent pour inaptitude physique définitive, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 47. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 1er-2, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. / (...) / Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 46 et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. / (...) ".
8. La légalité de la décision de licenciement de l'agent public contractuel, pour les motifs et, lorsqu'elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s'apprécie au regard de l'ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de cet agent au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n'auraient pas été communiqués à l'autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu'ils éclairent cette situation.
9. S'il ressort des pièces du dossier que, au vu d'une expertise médicale réalisée en mars 2016, non produite au dossier, le comité médical s'est prononcé, dans ses avis des 4 janvier et 13 septembre 2017, dans le sens de l'inaptitude définitive de Mme A... à l'exercice de toute fonction, le médecin traitant de l'intéressée indique, dans son courrier du 27 janvier 2017 destiné à ce comité, que celle-ci était apte à ses fonctions, sous réserve de l'octroi d'un temps partiel à 50 % et de l'aménagement de son poste. Mme A... se prévaut en outre d'un certificat du 31 janvier 2017 rédigé par une psychologue clinicienne du nouvel hôpital de Navarre d'Evreux, contemporain des deux avis précités, qui indique qu'elle la recevait en entretiens hebdomadaires depuis l'année 2010 et que ses traitements médicamenteux et psychothérapeutiques avaient permis une amélioration de son état de santé, compatible avec une reprise de travail sous certaines conditions, notamment un temps partiel et un poste aménagé. En outre, par un certificat établi le 17 octobre 2017, un mois après le deuxième avis du comité médical, un médecin algologue du centre d'études et de traitement de la douleur du centre hospitalier Eure-Seine a confirmé que l'association des différentes thérapeutiques mises en œuvre dans le cadre de suivis rhumatologiques et psychiatriques avait permis une amélioration progressive des symptômes présentés par Mme A..., dont l'état de santé lui semblait alors compatible avec la reprise de son activité professionnelle antérieure sur un poste aménagé. L'avis du comité médical supérieur du 6 février 2019, se prononçant sur la contestation présentée par Mme A... le 6 novembre 2017, et l'avis du comité départemental du 15 mai 2019 se bornent, quant à eux, à mentionner une inaptitude totale et définitive sans se référer à une éventuelle expertise conduite par le médecin agréé postérieurement à mars 2016 et dont les conclusions seraient susceptibles d'infirmer les éléments circonstanciés et concordants apportés par Mme A.... Au demeurant, et si Mme A... ne peut se prévaloir des pièces médicales établies en 2022, dans le cadre de l'exécution du jugement attaqué, deux ans après la décision contestée, ces derniers éléments se prononcent en faveur d'une reprise d'activité, confirmant les documents médicaux des 27 et 31 janvier 2017 et du 17 octobre 2017. Dans ces conditions, il doit être tenu pour établi qu'en estimant que Mme A... était inapte définitivement à ses fonctions ainsi qu'à toutes fonctions à la date du 13 février 2020, Pôle emploi a entaché sa décision de licenciement d'une erreur d'appréciation.
10. Il résulte de ce qui précède que Pôle emploi n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision contestée du 13 février 2020 et lui a enjoint de réintégrer Mme A... dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée sur un emploi de niveau équivalent à celui dont elle disposait ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressée le demande, sur tout autre emploi disponible.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par Pôle emploi devant la cour soient mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Pôle emploi est rejetée.
Article 2 : Pôle emploi versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Pôle emploi et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience publique du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
La rapporteure,
Signé : D. Bureau
Le président de la formation de jugement,
Signé : J.-M. Guérin-Lebacq
Le greffier,
Signé : F. Cheppe
La République mande et ordonne au préfet de la région Normandie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
F. Cheppe
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N° 22DA01446