Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
D'une part, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise a saisi le 18 décembre 2020 le tribunal administratif d'Amiens d'une demande enregistrée sous le n° 2004058 tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 733 628,04 euros hors taxes qu'elle estimait lui être due au titre de l'exécution du lot n° 5 " Chauffage, ventilation, climatisation, désenfumage, plomberie " du marché de construction du théâtre de Beauvais, assortie d'intérêts moratoires, et à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Beauvaisis une somme de de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La communauté d'agglomération du Beauvaisis a présenté devant le tribunal administratif d'Amiens des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la SAS Delannoy Dewailly Entreprise soit condamnée à lui verser des pénalités d'un montant de 662 279 euros et a demandé qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2004058 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la communauté d'agglomération du Beauvaisis à verser à la SAS Delannoy Dewailly la somme de 7 899,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 août 2020, et a rejeté le surplus des demandes qui lui étaient présentées.
D'autre part, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise a saisi le tribunal administratif d'Amiens, le 21 juin 2021, d'une demande distincte enregistrée sous le n° 2102146 tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 867 443,04 euros hors taxes, assortie d'intérêts moratoires ainsi que de la capitalisation de ces intérêts, et à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Beauvaisis une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2102146 du 10 novembre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I°/ Sous le n° 23DA00033, par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2022 et le 11 mars 2022, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise, représentée par
Me Jean-Louis Poissonnier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2102146 du 30 décembre 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 733 628,04 euros hors taxes, assortie d'intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
3°) de rejeter les demandes reconventionnelles de la communauté d'agglomération du Beauvaisis ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Beauvaisis la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande comme irrecevable, dès lors qu'elle l'a régularisée par la production du document justifiant de la date du dépôt de sa réclamation préalable ;
- la somme qu'elle réclame est justifiée à raison de l'exécution de travaux supplémentaires réalisés à la demande de l'administration et des préjudices qu'elle a subis à raison de retards dans l'avancement du chantier imputables à la carence du maître d'ouvrage dans l'exercice de ses pouvoirs d'organisation et de suivi ;
- la communauté d'agglomération du Beauvaisis ne justifie pas qu'elle soit redevable de pénalités contractuelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2023, la communauté d'agglomération du Beauvaisis, représentée par Me Jérôme Grand d'Esnon, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, de condamner la SAS Delannoy Dewailly Entreprise à lui verser des pénalités contractuelles d'un montant de 662 279 euros ;
2°) de mettre à la charge de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise ne peut qu'être rejetée, dès lors qu'elle n'en précise pas le fondement ;
- la demande de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise n'est pas fondée ;
- la SAS Delannoy Dewailly Entreprise encourt des pénalités contractuelles, notamment de retard, pour un montant total de 662 279 euros.
II°/ Sous le n° 23DA00201, par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 février 2023 et le 7 août 2023 la SAS Delannoy Dewailly Entreprise, représentée par Me Alban Poissonnier, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 2004058 du 30 décembre 2022 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 733 628,04 euros hors taxes, assortie d'intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
3°) de rejeter les demandes de la communauté d'agglomération du Beauvaisis ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Beauvaisis la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est en droit de prétendre au paiement des prestations, non prévues au marché, qui lui ont été demandées par la communauté d'agglomération du Beauvaisis, relatives à l'alimentation en eau de la base-vie pour un montant de 19 273 euros hors taxes, à la réalisation de la chape de plancher chauffant initialement prévue au lot gros œuvre pour un montant de 346 060 euros hors taxes, à l'alimentation du bar pour un montant de 1 386,50 euros hors taxes, à des modifications de la salle d'animation pour un montant de 2 566 euros hors taxes, au bouclage ECS [eau chaude sanitaire] pour un montant de 1 268 euros hors taxes, et aux points d'eau " COVID 19 " pour un montant de 3 161,54 euros hors taxes, soit un montant total de 62 261,04 euros hors taxes ;
- pour le surplus, elle a subi des préjudices résultant de retards dans l'avancement du chantier, imputables à une carence fautive du maître d'ouvrage dans l'exercice de ses pouvoirs d'organisation ;
- la communauté d'agglomération du Beauvaisis ne justifie pas qu'elle soit redevable de pénalités contractuelles.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juillet 2023 et 6 septembre 2023, la communauté d'agglomération du Beauvaisis, représentée par Me Grand d'Esnon, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, de condamner la SAS Delannoy Dewailly Entreprise à lui verser des pénalités contractuelles d'un montant de 662 279 euros ;
2°) de mettre à la charge de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise est insuffisamment motivée et, par suite, irrecevable ;
- les conclusions indemnitaires présentées par la SAS Delannoy Dewailly Entreprise ne peuvent qu'être rejetées, dès lors qu'elle n'en précise pas le fondement ;
- les moyens soulevés par la SAS Delannoy Dewailly Entreprise ne sont pas fondés ;
- la SAS Delannoy Dewailly Entreprise encourt des pénalités contractuelles, notamment de retard, pour un montant total de 662 279 euros.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
-°le code de la commande publique ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Lescanne, représentant la communauté d'agglomération du Beauvaisis.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 20 juin 2017, la communauté d'agglomération du Beauvaisis a lancé une consultation en vue de la passation d'un marché de construction du théâtre de Beauvais, dont le lot n° 5 " Chauffage, ventilation, climatisation, désenfumage, plomberie " a été attribué à la société Delannoy Dewailly, pour un montant de 1 570 800 euros toutes taxes comprises. Par un courrier en date du 24 août 2020, puis par un courrier rédigé par son conseil le 14 septembre 2020, reçu le 17 septembre 2020 par la communauté d'agglomération du Beauvaisis, la société Delannoy Dewailly a réclamé le paiement d'une somme de 733 628 euros hors taxes en indemnisation, d'une part, de travaux supplémentaires qui lui ont été demandés et, d'autre part, de surcoûts auxquels elle estime avoir dû faire face en raison de plusieurs reports ayant affecté le calendrier des travaux. Par un courrier du 10 mars 2021, la SAS Delannoy Dewailly a porté à 867 443,04 euros hors taxes le montant de l'indemnisation réclamée. Ces deux courriers sont restés sans réponse.
2. Le 18 décembre 2020 la SAS Delannoy Dewailly Entreprise a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 733 628,04 euros hors taxes, assortie d'intérêts moratoires. La communauté d'agglomération du Beauvaisis a présenté devant le tribunal administratif d'Amiens des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la SAS Delannoy Dewailly Entreprise soit condamnée à lui verser des pénalités contractuelles d'un montant de 662 279 euros. Par un jugement n° 2004058 du 30 décembre 2022, le tribunal a condamné la communauté d'agglomération du Beauvaisis à verser à la SAS Delannoy Dewailly la somme de 7 899,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 août 2020, et a rejeté le surplus de la demande de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise ainsi que les conclusions reconventionnelles de la communauté d'agglomération du Beauvaisis.
3. Le 21 juin 2021, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande distincte tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 867 443,04 euros hors taxes, assortie d'intérêts moratoires et de leur capitalisation. Par une ordonnance n° 2102146 du 10 novembre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
4. Par une requête, enregistrée le 1er février 2023 sous le n° 23DA00033, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise relève appel de l'ordonnance du 10 novembre 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens et demande à la cour de condamner la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 867 443,04 euros, assortie d'intérêts moratoires et de la capitalisation de ces intérêts. Par une seconde requête, enregistrée le 3 février 2023 sous le n° 23DA00201, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise relève appel du jugement du 30 décembre 2022 du tribunal administratif d'Amiens et demande à la cour de condamner la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 733 628 euros, assortie d'intérêts moratoires et de leur capitalisation. En réponse à ces deux requêtes, la communauté d'agglomération du Beauvaisis présente des conclusions d'appel incident tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser des pénalités contractuelles d'un montant de 662 279 euros.
5. Les requêtes n° 23DA00033 et n° 23DA00201 sont relatives à l'exécution du même marché et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'appel principal de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise, enregistré sous le n° 23DA00033 :
6. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation (...) ". L'article R. 421-2 du même code, qui vise le cas dans lequel le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, précise que la date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête, sans prévoir sur ce point de dérogation relative à la contestation de mesures prises pour l'exécution d'un contrat.
8. Enfin, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 (...) ". Aux termes de l'article R. 611-8-2 du même code : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier ".
9. Il ressort des pièces du dossier que, pour demander au tribunal administratif d'Amiens de condamner la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser la somme de 867 443,04 euros qu'elle estimait lui être due dans le cadre de l'exécution du marché qui lui avait été attribué, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise a entendu se prévaloir d'une décision implicite de rejet née du silence conservé par la communauté d'agglomération sur sa réclamation, en date du 10 mars 2021, tendant au paiement de cette somme. Pour rejeter cette demande comme manifestement irrecevable, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a relevé que la SAS Delannoy Dewailly Entreprise n'avait produit aucune pièce en réponse au courrier du 24 juin 2021, dont elle avait pris connaissance le même jour par le biais de l'application Télérecours mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative, l'invitant, à peine d'irrecevabilité, à régulariser la présentation de sa requête en produisant dans un délai de quinze jours l'accusé de réception de la réclamation du 10 mars 2021. La société appelante soutient que cette constatation est erronée, dès lors qu'elle a produit la preuve de la réception postale, le 15 mars 2021, de cette réclamation par la communauté d'agglomération du Beauvaisis. Toutefois, il ressort de l'accusé de réception de cette pièce émis par l'application Télérecours, produit par la SAS Delannoy Dewailly Entreprise elle-même, que celle-ci a été versée, non à l'appui de sa demande enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 2102146, ayant donné lieu à l'ordonnance attaquée, mais dans le cadre de sa demande enregistrée sous le n° 2004058, introduite à la suite du rejet par la communauté d'agglomération du Beauvaisis d'une précédente réclamation, en date du 14 septembre 2020. Par suite, faute d'avoir répondu à la demande de régularisation qui lui avait été adressée par le greffe du tribunal dans le cadre de l'instance n° 2102146, en produisant la justification du dépôt de sa réclamation, exigée, à peine d'irrecevabilité par les dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.
Sur l'appel principal de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise, enregistré sous le n° 23DA00201 :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise :
10. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
11. La SAS Delannoy Dewailly Entreprise a produit devant la cour, dans le délai d'appel, un mémoire introductif d'instance qui ne constitue pas la seule reproduction intégrale de ses écritures de première instance et énonce à nouveau, de manière suffisamment précise, les moyens et arguments soulevés à l'appui de ses conclusions à fin d'indemnisation. Contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération du Beauvaisis, une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande d'indemnisation présentée par la SAS Delannoy Dewailly Entreprise :
12. Tant dans ses mémoires présentées devant le tribunal administratif que dans ses écritures produites devant la cour, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise a précisé qu'elle entendait obtenir l'indemnisation de coûts supplémentaires engagés pour la réalisation des travaux dont la réalisation lui incombait du fait de retards de chantier résultant, selon elle, de fautes commises par le maître d'ouvrage dans l'organisation et le contrôle de celui-ci. Par ailleurs, certains des préjudices dont la SAS Delannoy Dewailly Entreprise demande réparation correspondent, eu égard aux éléments qu'elle produit, à la réalisation de travaux non prévus dans le marché initial, ultérieurement demandés par la communauté d'agglomération du Beauvaisis. Par suite, contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise a suffisamment précisé le fondement juridique de sa demande tendant à ce qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 733 628 euros.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la communauté d'agglomération du Beauvaisis du fait des demandes de réalisation de prestations supplémentaires :
13. La SAS Delannoy Dewailly Entreprise réclame le paiement de prestations supplémentaires qui lui ont été demandées par le maître d'ouvrage.
14. En premier lieu, si la communauté d'agglomération du Beauvaisis soutient qu'en raison du caractère forfaitaire du prix du marché, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise n'est en droit de prétendre au paiement d'aucune prestation supplémentaire non prévue au marché, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux relatifs à l'alimentation en eau de la base-vie, à la réalisation de la chape de plancher chauffant, à la création d'un point d'eau dans le nouveau bar, à la modification de la salle d'animation, au bouclage ECS (eau chaude sanitaire), et aux points d'eau " COVID 19 ", qui ont été demandés à l'entreprise et dont elle réclame le paiement, ont été rendus nécessaires du fait d'aléas rencontrés par cette dernière dans la réalisation des travaux contractuellement prévus et qu'elle aurait dû prendre en compte, lors de la présentation de son offre, pour déterminer le prix proposé. Par ailleurs, la communauté d'agglomération du Beauvaisis ne se fonde, au soutien de ce moyen de défense, sur aucune des stipulations du marché, ni ne précise les conditions dans lesquelles de telles stipulations seraient en l'espèce susceptibles de faire obstacle à l'indemnisation des prestations demandées à la SAS Delannoy Dewailly Entreprise au-delà des prévisions contractuelles.
15. En deuxième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que la réalisation de travaux supplémentaires concernant l'alimentation en eau de la base-vie, d'une part, et le bouclage ECS (eau chaude sanitaire), d'autre part, ont été demandés à la SAS Delannoy Dewailly Entreprise par deux ordres de services établis d'après des devis présentés par cette société, respectivement, pour des montants de 2 073,00 euros hors taxes et de 1 268,00 euros hors taxes. La communauté d'agglomération du Beauvaisis ne conteste ni le prix de ces prestations ni leur réalisation effective par la SAS Delannoy Dewailly Entreprise. Cette dernière est, par suite, en droit de prétendre au paiement de ces sommes, sans qu'y fassent obstacle ni la circonstance qu'elle a émis des réserves lors de la notification de l'un de ces deux ordres de service, ni celle qu'elle aurait refusé de signer l'avenant de régularisation proposé par la communauté d'agglomération du Beauvaisis en vue de la prise en compte contractuelle de l'ensemble de ces travaux.
16. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, s'agissant de travaux supplémentaires consistant dans la création d'un point d'eau dans le nouveau bar, d'une part, et dans la modification de la salle d'animation, d'autre part, la SAS Delannoy Dewailly a produit deux devis, pour des montants hors taxes respectivement fixés à 1 386,50 euros et 2 566 euros. Le maître d'œuvre a prescrit par un ordre de service la réalisation de ces travaux en retenant intégralement le montant du premier devis mais en diminuant celui du second, fixant le montant global de ces prestations supplémentaires à 2 977,50 euros hors taxes. Si l'entreprise a exprimé des réserves financières lors de la notification de cet ordre de service, elle ne présente aucune argumentation de nature à remettre en cause le bien-fondé du montant arrêté par le maître d'œuvre. Dans ces conditions la société appelante est seulement fondée à demander la somme de 2 977,50 euros hors taxes au titre de la réalisation, non contestée par la SAS Delannoy Dewailly Entreprise, de ces deux postes de travaux, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle aurait refusé de signer l'avenant de régularisation qui lui avait été proposé sur ces deux points.
17. En quatrième lieu, il ressort des écritures de la communauté d'agglomération du Beauvaisis que la réalisation de quatre points d'eau supplémentaires a été demandée à la communauté d'agglomération du Beauvaisis, qui les a facturés pour un montant total de 3 161,54 euros hors taxes et que cette prestation devait faire l'objet d'un avenant de régularisation. Toutefois, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise ne conteste pas que, comme l'affirme la communauté d'agglomération du Beauvaisis, seuls deux des quatre points d'eau ont été réalisés. Par suite, cette dernière est, en l'état de l'instruction, seulement fondée à demander le paiement de la moitié de la somme réclamée, soit 1 580,77 euros.
18. En dernier lieu, la communauté d'agglomération du Beauvaisis soutient, sans être contredite, que les travaux relatifs à la chappe de plancher chauffant, demandés à la SAS Delannoy Dewailly Entreprise par un ordre de service en tant que travaux supplémentaires, pour un montant de 22 880 euros hors taxes contesté par cette société, n'ont pas été réalisés. Par suite, en l'état de l'instruction, la SAS Delannoy Dewailly Entreprise n'est fondée à demander le paiement d'aucune somme à ce titre.
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 à 18 que la SAS Delannoy Dewailly doit être indemnisée à hauteur de 7 899, 50 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés au-delà des prévisions contractuelles à la demande de la communauté d'agglomération du Beauvaisis.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la communauté d'agglomération du Beauvaisis du fait des retards ayant affecté le calendrier des travaux :
20. La SAS Delannoy Dewailly Entreprise, qui reprend en appel les moyens tirés de ce que la communauté d'agglomération du Beauvaisis aurait commis des fautes dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, à l'origine de retards de chantier ayant entraîné des décalages de planning et lui causant différents préjudices, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur l'absence de démonstration, tant des fautes alléguées, que de liens entre les préjudices invoqués et les éventuelles fautes qui en seraient à l'origine. Il y a lieu, par suite, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus aux points 9 et 10 du jugement attaqué.
21. Il en résulte que la requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation de surcoûts engendrés par le décalage de planning.
22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 à 21 que la SAS Delannoy Dewailly Entreprise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Amiens a seulement condamné la communauté d'agglomération du Beauvaisis à lui verser en principal la somme de 7 899,50 euros.
En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :
23. Comme le demandait la SAS Delannoy Dewailly, le tribunal administratif d'Amiens a assorti la somme précitée des intérêts au taux légal à compter de la date du 24 août 2020. La SAS Delannoy Dewailly Entreprise a également demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête d'appel, enregistrée le 3 février 2023. Par suite, et alors qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts, il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de faire droit à cette demande.
Sur les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération du Beauvaisis :
24. La communauté d'agglomération du Beauvaisis soutient que la SAS Delannoy Dewailly Entreprise encourt des pénalités contractuelles, notamment à raison du retard dans l'exécution des prestations qui lui ont été confiées, d'un montant total de 662 279 euros, représentant 42 % du montant du lot qui lui a été attribué. Toutefois, elle se borne à se référer à un tableau, dont l'auteur n'est pas identifié, faisant apparaître une liste de pénalités, sans comporter de référence aux documents contractuels applicables, ni de dates ou d'éléments permettant de constater d'éventuels manquements de l'entreprise à ses obligations contractuelles, en particulier de déterminer l'existence de retards dans la réalisation de prestations attendues. Le document rédigé par le maître d'œuvre dans le cadre du présent litige, citant à titre d'exemple certains retards " notables " reprochés à l'entreprise, et l'ordre de service n° L05-06 demandant à la SAS Delannoy Dewailly Entreprise de procéder à la réalisation du flocage de la gaine de soufflage ne comportent pas davantage de précisions sur les retards reprochés. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération du Beauvaisis, qui n'assortit pas sa demande d'application de pénalités des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté cette demande.
Sur les frais d'instance :
25. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, de mettre à la charge de la SAS Delannoy Dewailly Entreprise ou de la communauté d'agglomération du Beauvaisis, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais, non compris dans les dépens, exposés par l'autre partie dans le cadre des présentes instances.
DÉCIDE :
Article 1er : Les intérêts au taux légal dus à compter du 24 août 2020 sur la somme de 7 899,50 euros, que la communauté d'agglomération du Beauvaisis a été condamnée à verser à la SAS Delannoy Dewailly Entreprise par le jugement n° 2004058 du 30 décembre 2022 du tribunal administratif d'Amiens, échus à la date du 3 février 2023, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire
eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Delannoy Dewailly Entreprise et à la communauté d'agglomération du Beauvaisis.
Délibéré après l'audience publique du 28 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de la formation de jugement ;
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.
La rapporteure,
Signé : D. Bureau
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet de l'Oise ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
2
N° 23DA00033, 23DA00201