Vu le recours du ministre d'Etat, ministre de l'équipement et du logement, enregistré au greffe de la cour le 14 février 1989 ;
Le ministre demande que la cour annule le jugement en date du 12 décembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à M. Y... une indemnité de 11 607,37 francs avec intérêts au taux légal à concurrence de 10 475,35 francs à compter du 20 juin 1986, en réparation des désordres affectant l'immeuble dont ce dernier est propriétaire à LA MOTTE (Var), du fait d'un défaut d'entretien de la route que borde cet immeuble et à la suite d'une réfection défectueuse de ce même ouvrage ; il fait observer que son administration n'a pas connaissance d'avoir été appelée à l'audience ; que les travaux incriminés concernent la route départementale n° 91 dont la gestion est assurée par le département du Var qui est, dès lors, seul responsable des dommages allégués par M. Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviose An VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 5 mars 1991 :
- le rapport de M. X..., président-rapporteur ;
- les observations de Me DIDIER, avocat du département du Var ;
- et les conclusions de M. CHAVRIER, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R 162 du code des tribunaux administratifs en vigueur à la date du jugement attaqué, "Sauf disposition contraire, toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux article R 107 et R 108, du jour où l'affaire sera portée en séance. Lorsqu'elle est représentée devant le tribunal, la notification est faite à son mandataire." ;
Considérant que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer soutient que son administration n'a pas été convoquée à la séance à laquelle la demande de M. Y... dirigée à son encontre à été appelée ;
Considérant qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que le ministre ait été averti dans les conditions prévues à l'article R 162 précité du jour ou l'affaire serait appelée à l'audience ; qu'ainsi, bien que le jugement attaqué fasse mention de l'avis adressé aux parties, le ministre est fondé à soutenir que la formalité substantielle prévue à l'article R. 162 n'a pas été observée ; que, par suite, le jugement contesté doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Nice ;
Au fond :
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne les conclusions dirigées en appel contre le département du Var :
Considérant que la demande de M. Y... devant le tribunal administratif de Nice était exclusivement dirigée contre l'Etat ; que ses conclusions à l'encontre du département du Var sont présentées pour la première fois en appel ; qu'elle ne sont, par suite, pas recevables ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées en première instance contre l'Etat :
Considérant que, même en l'absence de faute, la personne publique maître de l'ouvrage ou celle qui a exécuté pour le compte de celle-ci en qualité de maître d'oeuvre ou d'entrepreneur des travaux sur ledit ouvrage sont responsables vis à vis des tiers des dommages causés par ce dernier ;
Considérant qu'il est constant que les services de la direction départementale de l'équipement du Var étaient chargés de l'entretien de la route départementale n° 91 que borde la maison dont M. Y... est propriétaire à LA MOTTE et ont assuré la maîtrise d'oeuvre des travaux d'élargissement de cette voie réalisés en 1984 ; que M. Y... qui a la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage est donc en droit de demander réparation à l'Etat des dégradations affectant la partie basse du mur de façade de sa maison donnant sur la route qu'il attribue, d'une part à des projections d'eau occasionnées par le passage des véhicules du fait de l'insuffisance du dispositif d'évacuation des eaux de ruissellement et, d'autre part, aux infiltrations qui se produisent depuis l'exécution des travaux d'élargissement de la voie effectués en 1984, à la jonction du mur et du trottoir qui a été réalisé à l'occasion de ces travaux ; que, par suite, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer qui ne conteste pas la matérialité des faits allégués par M. Y... doit être condamné à indemniser celui-ci du préjudice qu'il a subi ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant que l'évaluation des travaux de réparation des désordres doit être faite à la date où la cause de ces désordres et leur étendue étant connues, il peut être procédé à cette réparation ; que dans les circonstances de l'espèce cette date doit être fixée au 29 juillet 1985 où a été établi le devis de réparations de la maison de M. Y... s'élevant à la somme de 10 475,35 francs ; que, par suite, l'intéressé qui ne justifie pas s'être trouvé dans l'impossibilité matérielle ou financière de faire exécuter ces travaux n'est pas fondé à demander que le montant de l'indemnité à laquelle il peut prétendre soit actualisé à la date à laquelle les travaux ont été exécutés ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Y... a droit aux intérêts de la somme de 10 475,35 francs à compter du jour de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer à M. Y... la somme de 5 000 francs au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 12 décembre 1988 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'Etat (ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer) est condamné à payer à M. Y... la somme de 10 475,35 francs avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 1986.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer) versera à M. Y... une somme de 5 000 francs au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Nice, le surplus de son appel incident et le recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer sont rejetés.