Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 juillet 1992, présentée pour M. Armand Z... demeurant ..., par Me X..., avocat ;
M. Z... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'un état exécutoire émis le 13 mai 1987 à son encontre par l'office national d'immigration pour un montant de 28 080 francs,
2°) d'annuler cet état exécutoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 1993 :
- le rapport de M. COURTIAL, conseiller ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Z... a été assujetti, sur le fondement des dispositions de l'article L.341-7 du code du travail, à une contribution spéciale d'un montant de 28 080 francs pour avoir employé, courant novembre 1986 à des travaux de carrelage sur le chantier de la maison qu'il construisait à Rocbaron (Var), un ressortissant tunisien démuni de titre de travail ; que M. Z... demande l'annulation du jugement qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire émis à son encontre le 13 mai 1987 par l'office national d'immigration pour avoir paiement de la contribution susmentionnée ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision postérieure à l'introduction de la requête, l'office des migrations internationales qui a succédé à l'office national d'immigration a ramené le montant de la contribution spéciale à 14 040 francs ; que les conclusions de la requête sont, pour le surplus, devenues sans objet ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.341-6 du code du travail : "Il est interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger non muni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France lorsque la possession de ce titre est exigée en vertu, soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux" ; que le même code dispose, en son article L.341-7 que "sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L.341-6 premier alinéa sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'office national d'immigration ..." ;
Considérant que M. Z... a été relaxé des fins des poursuites pénales engagées à son encontre à raison des faits susrelatés par un jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 9 novembre 1983 au motif qu'en "l'état des éléments du dossier et des débats à l'audience ... les faits ne sont pas suffisamment établis" ; que, toutefois, si les faits constatés par le juge pénal saisi de poursuites pour infraction à l'article L.341-6 du code du travail, et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il appartient dans ce cas à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 du même code ;
Considérant que le requérant, qui a expressément reconnu avoir eu recours au service du ressortissant tunisien, M. Y..., soutient qu'il l'a fait dans un rapport de maître d'ouvrage à artisan, selon contrat verbal d'entreprise concernant la pose du carrelage, et non dans un rapport d'employeur à salarié ; qu'il fait valoir en ce sens qu'ils étaient convenus d'un prix forfaitaire de 10 000 francs et que M. Y..., qui lui avait présenté une "carte d'artisan", disposait d'un véhicule et d'un outillage ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Z... n'a pas été en mesure de produire quelque élément de preuve que ce soit, tel qu'un devis, pour démontrer que M. Y..., qui n'était pas inscrit au registre des métiers, lui fournissait ses services dans le cadre d'un contrat d'entreprise et qu'il assumait, comme chef d'entreprise, les risques liés à l'exécution du travail immobilier qu'il effectuait ; que la circonstance que ce travailleur aurait utilisé son propre outillage et qu'il ait été convenu entre les parties une rémunération forfaitaire, dont il n'est d'ailleurs pas allégué qu'elle devait inclure un montant de taxe sur la valeur ajoutée, n'est pas suffisante pour établir que M. Y... intervenait sur le chantier de M. Z... en qualité d'artisan et non en qualité de salarié alors qu'il ressort du procès verbal de gendarmerie, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, que M. Y... avait déclaré au cours de son audition "exercer une activité salariée, sans titre de séjour, pour M. Z..., Armand, qui construit une maison à Rocbaron (Var)" ;
Considérant que, d'une part, il appartenait à M. Z... de vérifier la régularité de la situation de l'ouvrier qu'il employait au regard de la réglementation en vigueur ; que, d'autre part, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de sa bonne foi, qui aurait été surprise par le comportement de M. Y..., pour être déchargé du paiement de la contribution qui lui a été assignée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Z... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal adminis-tratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours admi-nistratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que d'une part la demande de M. Z..., qui est la partie perdante, ne peut qu'être rejetée ; que d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. Z... à payer à l'office des migrations internationales une somme de 3 000 francs ;
Article 1er : A concurrence d'une somme de quatorze mille quarante francs (14 040 francs), en ce qui concerne la contribution spéciale à laquelle M. Z... a été assujetti, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z... est rejetée.
Article 3 : M. Z... est condamné à payer à l'office des migrations internationales une somme de trois mille francs (3 000 francs).