Vu, enregistrée au greffe de la cour le 27 avril 1994, la requête présentée pour M. Daniel Y... demeurant ... (Bouches-du-Rhône) par Me CHOLLET, avocat au barreau de Marseille ;
M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 19 juin 1991 prononçant sa révocation ;
2°) d'annuler la décision litigieuse ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 1994 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- les observations de Me CHOLLET, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. GAILLETON, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 1989 l'administration a été informée de ce qu'un cabinet de voyance et d'exorcisme fonctionnait au domicile de M. Y..., brigadier de police affecté à la police urbaine de Marseille ; que celui-ci a été suspendu de ses fonctions ; que l'ouverture d'une information judiciaire a conduit à sa mise en examen pour escroquerie ; que la procédure disciplinaire engagée parallèlement a abouti à sa révocation le 19 juin 1991 ; qu'une ordonnance de non-lieu est intervenue le 18 juin 1992 ;
Considérant que la décision de révocation litigieuse est fondée sur le double motif que l'intéressé a, en participant au fonctionnement d'un cabinet de voyance et d'exorcisme, exercé une activité privée lucrative et que son comportement n'était pas compatible avec sa fonction ;
Considérant que si le juge pénal a estimé que les activités en cause ne présentaient pas les caractères requis pour que le délit d'escroquerie soit constitué et a prononcé une ordonnance de non-lieu, tant l'administration que le requérant, peuvent utilement se référer, comme à toute pièce du dossier, aux éléments ressortant de la procédure pénale ; qu'il en résulte que le requérant qui n'a pas eu un rôle agissant et déterminant dans l'organisation desdites activités à son domicile, n'y a pas participé de manière autre qu'occasionnelle ; que si les prestations du cabinet donnaient lieu au versement par les clients de sommes substantielles il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait également joué un rôle dans leur perception ; que la circonstance qu'il aurait profité des revenus ainsi acquis par son épouse ne peut quel que soit leur régime matrimonial, être retenu comme un élément de l'exercice d'une activité lucrative ; que par suite, dans les conditions dans lesquelles elle a eu lieu, sa participation aux activités dudit cabinet ne peut être regardée comme constituant l'exercice fautif par un fonctionnaire d'une activité privée lucrative à titre professionnel au sens des dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 ; que le premier motif de la décision est ainsi erroné en droit ;
Considérant que l'administration a, en second lieu, retenu que le comportement de l'intéressé, n'était pas compatible avec sa fonction ; qu'elle relève notamment le recrutement des clients par voie d'annonces, l'aspect équivoque des activités auxquelles il a participé et la révélation par la presse de l'engagement de la procédure pénale pour escroquerie ; que s'il n'est pas établi que l'insertion des annonces ait été le fait du requérant et si la révélation de l'affaire par la presse ne lui est pas davantage imputable, il n'en demeure pas moins qu'il a participé à son domicile à la suite de la publication d'annonces mentionnant son numéro de téléphone, à des activités de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartenait ; que même ainsi circonscrit, ce second motif n'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et leur qualification de faute disciplinaire ne repose pas sur une appréciation erronée ; que le second motif de la décision est ainsi fondé en droit ;
Considérant, toutefois, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'administration aurait pris la même sanction si elle n'avait retenu que le second motif ; que M. Y... est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et la décision du ministre de l'intérieur du 19 juin 1991 prononçant la révocation de M. Y... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 1994 est annulé.
Article 2 : La décision du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 19 juin 1991 prononçant la révocation de M. Y... est annulée.