Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 mars 2000, présentée pour M. et Mme Z...
Y..., agissant en leur nom personnel et en tant que représentants légaux de leurs enfants mineurs, et demeurant ..., par Me X... De Deus Correia, avocat ;
M. et Mme Y... demandent à la cour :
- d'annuler l'ordonnance n° 99-4288 du 29 février 2000 par laquelle le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant au sursis à l'exécution de l'arrêté du 13 septembre 1999 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté la demande de titre de séjour qu'ils ont présentée, à ce qu'il soit enjoint au préfet de leur délivrer, sous astreinte de 1 000 francs par jour de retard passé quinze jours après la notification du jugement à intervenir, une autorisation de séjour permettant l'exercice d'une activité salariée et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 3 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
- d'ordonner le sursis à l'exécution de l'arrêté du 13 septembre 1999 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Y... ;
- d'enjoindre à la préfecture de l'Isère de délivrer à M. Y... une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler sous astreinte de 1 000 francs par jour de retard passé quinze jours après la notification de la décision à intervenir ;
- de leur allouer la somme de 5 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la lettre du 7 juillet 2000 par laquelle le président de la 2ème chambre a informé les parties, en application de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2000 ;
- le rapport de Mme LAFOND, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOURRACHOT, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. et Mme Y... :
Considérant qu'à la date de la décision attaquée, M. Y... séjournait en France sous couvert d'un récépissé de demande de titre de séjour qui était valable jusqu'au 23 septembre 1999 ; que ladite décision, en date du 13 septembre 1999, par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à M. Y... un certificat de résidence, apportait ainsi à la situation de droit et de fait de l'intéressé une modification qui rendait recevable la demande présentée par M. et Mme Y... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR à la demande des requérants ne peut, dès lors, qu'être écartée ;
Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution :
Considérant que le préjudice dont se prévalent M. et Mme Y... et qui résulterait pour eux de l'exécution de la décision du PREFET DE L'ISERE du 13 septembre 1999 présente un caractère de nature à justifier le sursis à l'exécution de cette décision ; que l'un au moins des moyens invoqués par les intéressés à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la décision précitée, tiré de la méconnaissance, par le PREFET DE L'ISERE, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, paraît de nature, en l'état de l'instruction, à justifier son annulation ; que, dès lors, M. et Mme Y... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'annuler ladite ordonnance et d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du PREFET DE L'ISERE du 13 septembre 1999 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
Considérant que le présent arrêt implique, en application des dispositions de l'article 4 du décret du 30 juin 1946, et dès lors que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ne fait état d'aucune circonstance qui s'opposerait à ce que M. Y... soit autorisé à travailler, qu'un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à travailler soit délivré à M. Y... jusqu'à ce que le tribunal administratif de Grenoble statue sur la demande présentée par M. et Mme Y... et tendant à l'annulation de la décision du PREFET DE L'ISERE du 13 septembre 1999 ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, repris sous l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés ..." ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75 précité, la partie perdante "au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés" ; que l'article 37 de la même loi dispose que "( ...) L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat, mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Considérant, d'une part, que M. et Mme Y..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doivent être réputées présentées, n'allèguent pas avoir exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui a été allouée à Mme Y... ; que, d'autre part, l'avocat de M. et Mme Y... n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à ses clients si Mme Y... n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne peuvent être accueillies ;
Article 1er : L'ordonnance n° 99-4288 du 29 février 2000 du président du tribunal administratif de GRENOBLE est annulée.
Article 2 : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande présentée par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de Grenoble et tendant à l'annulation de la décision du 13 septembre 1999 du PREFET DE L'ISERE, il sera sursis à l'exécution de cette décision.
Article 3 : Il est enjoint à l'administration de délivrer à M. Y..., dans le délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt, un récépissé de demande de carte de séjour portant autorisation pour l'intéressé de travailler, et valable jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande à fin d'annulation présentée par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de GRENOBLE.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.