Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour de 17 janvier 2002, présentée par la Banque Populaire Loire et Lyonnais, venant aux droits de la Banque Populaire de Lyon d'une part, et de la Banque Populaire de la Loire, d'autre part, dont le siège social est ... représentée par son directeur général ;
La Banque Populaire Loire et Lyonnais demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 des jugements n° 972720-001216 et n° 972182 ;994612 du Tribunal administratif de Lyon en date du 23 octobre 2001 ayant rejeté le surplus des conclusions, d'une part, de la demande de la Banque Populaire de Lyon, d'autre part de la Banque Populaire de la Loire tendant à la décharge, chacune en ce qui la concerne, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elles ont été assujetties au titre des années 1990 à 1994 à raison de la remise en cause par l'administration fiscale du caractère progressif des loyers perçus par le GIE Cladel Bail 1 auquel elles ont participé ;
2°) de la décharger desdites cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, à hauteur de 247 398 F au titre de 1990, 932 864 F pour 1991, 821 266 F pour 1992, 700 204 F pour 1993 et 574 324 F pour 1994, assorties des intérêts moratoires ;
CNIJ : 19-03-04
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2003 :
- le rapport de M. RAISSON, premier conseiller ;
- les observations de M. X..., inspecteur divisionnaire des impôts à la direction de contrôle fiscal de Rhône-Alpes Bourgogne, représentant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
- et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour assurer le financement de cinq rames du TGV Atlantique, la SNCF a acquis ces matériels auprès de la société Alsthom et les a revendus au groupement d'intérêt économique (GIE) Cladel Bail 1 constitué à cet effet par des banques appartenant au groupe des Banques Populaires ; que l'administration fiscale a procédé au titre des exercices clos de 1990 à 1994 à la vérification de la comptabilité du GIE Cladel Bail 1 et a remis en cause l'amortissement des rames du TGV Atlantique sur 15 ans, auquel avait procédé le GIE, estimant qu'une durée de 20 ans devait être retenue conformément à l'usage existant ; qu'elle a également remis en cause le caractère progressif du montant des loyers acquittés par la SNCF au GIE en faisant valoir que lesdits loyers rémunérant une prestation continue devaient être pris en compte de manière linéaire en tant que recettes des propriétaires ; qu'à raison de leur participation au GIE Cladel Bail 1, la Banque Populaire de Lyon, d'une part, la Banque Populaire de la Loire, d'autre part, ont été conformément aux dispositions combinées des articles 239 quater et 238 bis K du code général des impôts, assujetties au titre des années 1990 à 1994 à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont le Tribunal administratif de Lyon, par deux jugements n° 972720-001216 et n° 97182-994612 en date du 23 octobre 2001 a prononcé, en faveur des deux banques requérantes, par un article 1er, une réduction de leurs impositions à hauteur des rappels correspondant à la remise en cause de la durée de l'amortissement ; que la Banque Populaire Loire et Lyonnais, qui vient au droit de ces deux établissements, fait appel de ces deux jugements en tant qu'ils ont rejeté le surplus des conclusions des demandes des deux banques relativement aux modalités de rattachement aux exercices comptables du GIE des loyers de crédit-bail versés par la SNCF, lesquels sont également l'objet d'un appel incident formé par le ministre en ce qui concerne l'article 1er des mêmes jugements ;
Sur les conclusions d'appel principal de la Banque Populaire Loire et Lyonnais :
Considérant que le contrat conclu entre le GIE Cladel Bail 1 et la SNCF stipule que les loyers sont affectés d'un coefficient de progression de 3 % l'an associé à un coefficient de pondération dépendant des variations des taux d'intérêt des emprunts contractés par le GIE pour compléter le financement de l'acquisition des matériels ; que les montants des loyers ainsi facturés ont été inscrits dans la comptabilité du GIE ; que le vérificateur a estimé que, s'agissant de prestations continues, les produits résultant du contrat de crédit-bail devaient être rattachés à chaque exercice pour un montant égal au fur et à mesure de l'exécution dudit contrat ; qu'il a, en conséquence, réintégré dans les résultats du GIE la différence existant entre le montant des loyers étalés de manière linéaire sur les exercices vérifiés et celui des loyers effectivement perçus par le GIE, corrigés de la pondération mentionnée ci-dessus ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable :1. …, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation.- 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances de tiers, les amortissements et les provisions justifiées. -2bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. - Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : - pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution…
Considérant que l'opération par laquelle le bailleur met à disposition du preneur un bien moyennant le paiement d'un loyer, assortie de la faculté d'acquérir le bien en fin de bail selon les modalités stipulées au contrat, constitue une prestation continue au sens du 2 bis de l'article 38 précité ; que la circonstance que la prestation fournie est continue n'implique pas, par elle-même, qu'elle soit effectuée avec une intensité constante pendant toute la durée de son exécution et que sa rémunération doive par suite être rattachée de manière linéaire aux exercices durant lesquels cette exécution se poursuit ; que lorsque les loyers stipulés dans un contrat sont inégaux de période en période, il y a lieu en principe de réputer que cette inégalité des loyers stipulés correspond à une inégalité dans la valeur de la prestation fournie ; qu'il convient dès lors de comptabiliser les produits correspondants en fonction des échéances contractuelles, sauf s'il résulte de l'instruction que la répartition contractuelle des loyers ne rend pas compte correctement des avantages économiques procurés au preneur par le bien loué au cours des périodes successives de la location, et que le rattachement des produits au fur et à mesure de l'exécution de la prestation implique que leur comptabilisation s'écarte de l'échéancier contractuel, en retenant par exemple une répartition linéaire des loyers encaissés sur toute la période de location ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les parties aux contrats ont convenu d'une progressivité des loyers afin de faire varier les loyers en proportion de la progression attendue de la SNCF de la rentabilité du service voyageur du TGV Atlantique rendue possible par la mise à disposition de nouvelles rames ; que toutefois, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif, l'obligation à la charge du GIE Cladel Bail 1 est normalement identique sur toute la période de la location et doit, par conséquent, faire l'objet d'une rémunération linéaire sur la durée du contrat ; que par suite, l'administration fiscale était fondée à redresser les bénéfices réalisés par le GIE Cladel Bail 1, en remettant en cause la progressivité, stipulée par les parties, des loyers rémunérant la prestation fournie ;
Considérant que la Banque Populaire Loire et Lyonnais ne saurait, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, se prévaloir de la doctrine administrative contenue dans une instruction du 10 février 1971, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts sous la référence 4 C-3-71 et reprise à la documentation administrative sous la référence 4 C 4512, paragraphe 17, à jour au 1er octobre 1992, laquelle ne concerne pas la situation du GIE, qui a la qualité de crédit-bailleur et non celle de preneur ;
Sur les conclusions de l'appel incident du ministre :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 39 C du code général des impôts : L'amortissement des biens donnés en location est réparti sur la durée normale d'utilisation suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 30 de l'annexe II au code général des impôts, pris en application de l'article 39 C précité : Les biens donnés en location sont amortis sur leur durée normale d'utilisation, quelle que soit la durée de la location. ; qu'il résulte de ces dispositions que la durée d'amortissement des matériels donnés en location ne doit être fixée qu'en fonction de la seule durée prévisible d'utilisation, qui ne doit tenir compte que des réparations usuelles de ces matériels, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte les usages de la profession de chaque nature d'industrie, lesquels sont seulement prévus par les dispositions du 1 ;2° de l'article 39 du même code, qui sont inapplicables en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rames du TGV Atlantique par rapport à celles du TGV Sud-Est, ont été conçues pour assurer une vitesse d'exploitation commerciale de 300 km/h ; que leur puissance totale de 8 800 KW, est fournie par des moteurs triphasés synchrones autopilotés d'un nouveau type, lesquels sont alimentés par onduleur, technique qui fait appel à une électronique spécifique ; que les ordinateurs de bord pilotent les fonctions essentielles, gèrent la climatisation, l'affichage, le dispositif anti-enrayage du freinage ; qu'ils assurent également la surveillance de l'ensemble des équipements et de la signalisation ; qu'au moment de la mise en service de ces matériels, date à laquelle la durée d'amortissement doit être établie, les prévisions commerciales laissaient envisager à la fois une utilisation intensive de ces matériels et une évolution rapide de l'informatique embarquée ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le ministre, le GIE Cladel Bail 1 a pu, sans commettre d'erreur, retenir une usure et une obsolescence relativement rapides desdites rames et fixer à 15 ans la durée de leur amortissement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Banque Populaire Loire et Lyonnais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Lyon a respectivement refusé de décharger la Banque Populaire de Lyon et la Banque Populaire de la Loire, aux droits desquelles elle vient, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elles avaient été assujetties, correspondant aux redressements portant sur les bénéfices réalisés par le GIE Cladel Bail 1 à raison de la remise en cause de la progressivité des loyers rémunérant la prestation de crédit-bail fournie à la SNCF ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par les mêmes jugements attaqués, le Tribunal administratif de Lyon a déchargé la Banque Populaire de Lyon, d'une part, la Banque Populaire de la Loire, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elles ont été respectivement assujetties à raison de la remise en cause par l'administration fiscale de la durée d'amortissement des rames du TGV Atlantique ;
Sur les conclusions de la Banque Populaire Loire et Lyonnais relatives aux frais exposés par elle à l'occasion du présent litige et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que l'Etat, qui ne doit pas être regardé comme la partie perdante, soit condamné à payer à la Banque Populaire Loire et Lyonnais quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Banque Populaire Loire et Lyonnais est rejetée.
Article 2 : Le recours incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejeté.
N° 02LY00073 - 2 -