Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 mai 1998, présentée pour la SA SIEGES CANNONE, dont le siège est ... à Saint Marcellin (38160), présentée par la SCP Delpeyroux et associés, avocat au barreau de Paris ;
La SA SIEGES CANNONE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 941882 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 29 janvier 1998 ayant rejeté le surplus des conclusions de sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle reste assujettie au titre des années 1987, 1988 et 1989, et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
CNIJ : 19-01-03-02-02
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2003 :
- le rapport de M. GIMENEZ, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., pour la SA SIEGES CANNONE ;
- les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction, alors en vigueur, issue de l'article 101-1 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 : A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements ;
Considérant que par la notification de redressement du 7 décembre 1990, la SA SIEGES CANNONE, qui venait de faire l'objet d'une vérification de comptabilité portant notamment sur l'exercice clos le 31 décembre 1989, a été informée qu'à partir des résultats qu'elle avait déclarés pour un montant de 4.893.350 F et des redressements que l'administration fiscale lui a notifiés pour un montant de 1.797.157 F, les résultats rectifiés s'élevaient, compte tenu d'une cascade de taxe sur la valeur ajoutée de 660.834 F, à la somme de 6.029.673 F et que les droits dus en résultant étaient portés de 1.908.406 F à 2.351.571 F, soit un montant de droits rappelés de 443.165 F ;
Considérant qu'à concurrence de la somme de 652.207 F, le redressement relatif à la taxe sur la valeur ajoutée sur la vente de matériel à la SA Chairtech a été abandonné dans la réponse aux observations du contribuable du 22 avril 1991, ce qui a eu pour effet mécanique de diminuer le montant initialement calculé de la cascade relative à la taxe sur la valeur ajoutée, sans que l'administration fiscale ne fût tenue, alors que cet abandon a eu pour effet d'augmenter le montant des droits rappelés, d'en informer la SA SIEGES CANNONE ; que la société ayant pu, en toute connaissance de cause, présenter ses observations, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au motif que l'administration fiscale n'aurait pas respecté dans la notification de redressement, les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales doit, par suite, être écarté ;
Considérant que dans cette même notification de redressement, l'administration fiscale a omis, dans le calcul des droits relatifs aux redressements, celui concernant l'absence de déductibilité des cotisations versées à l'Organic et à l'organisme collecteur du 1 % logement ; qu'alors que ce redressement a été régulièrement notifié et même si les redressements finalement retenus, omission incluse, se sont élevés à la somme de 1.345.461 F, soit à un montant inférieur à celui qui avait été primitivement notifié, l'administration fiscale, qui n'a pas respecté pour ce redressement les dispositions précitées de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, a ainsi privé la SA SIEGES CANNONE d'une des garanties substantielles des contribuables vérifiés ; que la procédure d'imposition ayant été irrégulière sur ce point, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être imposée à l'impôt sur les sociétés, à concurrence des droits correspondant à ce redressement ; que, par suite, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SA SIEGES CANNONE a été assujettie au titre de l'année 1989 et les intérêts de retard y afférents doivent être réduits à due concurrence ;
Sur le bien fondé des impositions
Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable aux bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés par l'article 209 : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant, d'autre part, que même si, après saisine, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu un avis favorable au contribuable, les dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger aux principes généraux ci-dessus énoncés gouvernant l'attribution de la charge de la preuve en exigeant de l'administration fiscale qu'elle justifie qu'une charge est déductible dans son principe ;
En ce qui concerne les frais de voyages et de déplacements
Considérant qu'en se bornant à produire les justificatifs des charges concernant M. Z..., président-directeur général de la société, qui ont été réintégrées au titre des exercices clos en 1987 et 1988, la SA SIEGES CANNONE ne justifie pas du montant des frais de déplacements et de voyages de M. Z... et de Mlle X..., attachée commerciale, au-delà, d'une part, de celui retenu par l'administration fiscale qui avait repris l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, celle-ci les ayant évalués à 50 % de ceux déclarés pour tenir compte de la réalité économique, et, d'autre part, de la réduction obtenue du Tribunal administratif de Grenoble pour ceux concernant la seule Mlle X... ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, le moyen tiré de ce que les frais litigieux de voyages et de déplacements seraient justifiés doit, dès lors, être écarté ;
En ce qui concerne les frais de véhicules et les frais de loyers
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA SIEGES CANNONE a mis à la disposition permanente de MM. Z... et A..., respectivement président-directeur général et attaché de direction, un véhicule dont elle a assumé la charge exclusive au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 ; que l'administration fiscale a réintégré un avantage en nature correspondant à la seule utilisation privative de chaque véhicule ; que la société requérante a également pris en charge, au titre des exercices clos en 1988 et 1989, le loyer et les charges d'un appartement, situé à Neuilly sur Seine (Hauts de Seine), utilisé par M. Z... et les cadres de l'entreprise ; que l'administration fiscale a intégralement remis en cause les déductions y afférentes ; que, sur ces deux chefs de redressement, le désaccord a été porté devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, s'agissant des frais de véhicules, la société requérante ne conteste pas que les véhicules dont s'agit étaient utilisés par MM. Z... et A... pendant leurs congés annuels ou de fin de semaine ou pour se rendre de leur lieu de travail à leur domicile et qu'ils étaient eux-mêmes dépourvus de véhicules personnels mais n'énonce pas l'existence d'une contrepartie pour elle de l'utilisation desdits véhicules à des fins privées ; que, s'agissant des frais de loyer et des charges locatives, la société requérante ne conteste ni que la taxe d'habitation de l'appartement situé à Neuilly sur Seine était établie au nom de Mme Z..., personne étrangère à l'entreprise, ni que ce logement constituait le domicile personnel de Mlle X..., ni que M. Z... disposait d'un appartement à Paris, et n'allègue même pas que l'appartement était utilisé pour des besoins professionnels ; qu'elle n'allègue pas non plus qu'elle aurait retiré des avantages ainsi consentis une quelconque contrepartie ; qu'il s'ensuit que la prise en charge de tous ces frais constituait, à hauteur des utilisations privatives pour les véhicules et dans leur intégralité pour l'appartement, des actes anormaux de gestion autorisant l'administration fiscale à en exclure les montants pour le calcul des bénéfices imposables ;
Sur les pénalités
Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. - (...). - Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé ; qu'aux termes de l'article 1728-1 du code précité : Lorsqu'une personne (...) morale (...) tenue de souscrire une déclaration (...) comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration (...) dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration (...) déposé(e) tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 % ; qu'aux termes de l'article 1729-1 du même code : Lorsque la déclaration (...) mentionné(e) à l'article 1728 (fait) apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ;
Considérant que les droits auxquels a été appliquée la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du 1 de l'article 1729 du code général des impôts correspondent à des rappels de charges non déductibles qui, outre leur caractère répété, avaient déjà fait l'objet de redressements à l'occasion de précédents contrôles, sans qu'il soit soutenu, ni même allégué que ces derniers faisaient encore l'objet d'une procédure contentieuse à l'expiration des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale, qui a fait expressément référence à ces précédents, doit être regardée comme établissant la mauvaise foi de la société requérante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA SIEGES CANNONE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande en décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1989 en tant qu'elle procédait de l'irrégularité de la procédure d'imposition relative à l'absence de mention des droits correspondant au redressement omis d'un montant total de 187.982 F ;
DÉCIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la SA SIEGES CANNONE au titre de l'année 1989 est réduite de la somme de 187.982 F.
Article 2 : La SA SIEGES CANNONE est déchargée de la cotisation d'impôt sur les sociétés correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er et des intérêts de retard y afférents.
Article 3 : Le jugement n° 941882 du Tribunal administratif de Grenoble, en date du 29 janvier 1998, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA SIEGES CANNONE est rejetée.
N° 98LY00757 - 6 -