Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 décembre 1997, présentée pour la S.A.R.L. ARMACO, dont le siège social est Centre commercial Jaude, ..., par Me Z..., avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;
La société ARMACO demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9699 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 septembre 1997 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987, 1988, 1989 et 1990, et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er octobre 1986 au 31 octobre 1990 ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) d'ordonner une expertise aux fins d'établir le caractère probant de sa comptabilité ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
CNIJ : 19-04-02-01-06-01-01
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2004 :
- le rapport de M. Pfauwadel, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bourrachot, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la vérification de comptabilité dont la société ARMACO a fait l'objet a été précédée de visites et de saisies autorisées par le Président du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en application des dispositions de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales et qui ont été effectuées au siège des deux pizzerias que la société exploite à Clermont-Ferrand, ainsi qu'au domicile respectif de ses dirigeants ; que la société ARMACO conteste la régularité de ces opérations de visites et de saisies en faisant valoir, d'une part, que les deux officiers de police judiciaire nommément désignés pour assister chacun à la visite respective d'une des deux pizzerias ont interverti leurs rôles, et, d'autre part, que l'inventaire des pièces saisies par l'un des agents de l'administration fiscale présent lors de ces opérations est dépourvu de signature ; que, toutefois, ces circonstances ne constituent pas des irrégularités de nature à entraîner l'annulation de cette procédure ; que l'autre moyen invoqué par la société requérante et tiré de la participation concomitante d'un ou plusieurs agents aux opérations de visite et de vérification de comptabilité, est dépourvu des précisions permettant à la Cour d'en apprécier la portée ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la société ARMACO soutient que l'avis de vérification de comptabilité qui lui a été adressé le 8 juillet 1991 est signé par un inspecteur principal au nom d'un inspecteur central dont l'identité n'est pas précisée, ni les dispositions des articles L.57 et R.57 du livre des procédures fiscales invoquées par la société requérante, ni aucune autre disposition du livre des procédures fiscales, n'imposent que l'avis soit établi et signé par le fonctionnaire chargé des opérations de vérification ni qu'il mentionne son identité ; que la requérante ne peut en outre utilement invoquer les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'un tel avis ne constitue pas une décision entrant dans le champ d'application de cette loi ;
Considérant, en troisième lieu, que la société ARMACO fait valoir que le procès-verbal du 27 mars 1989 constatant la remise à son gérant des copies de sept notes manuscrites délivrées à ses clients, et dont elle n'a pas conservé le double au titre de justificatif de ses recettes, ne précise pas les circonstances dans lesquelles l'administration a appréhendé ces pièces ; qu'elle en déduit que celles-ci ont, soit été irrégulièrement saisies lors de la visite opérée dans le cadre de la procédure prévue par l'article L.16 B du livre des procédures fiscales, soit fait l'objet d'un emport irrégulier lors de la vérification de comptabilité, soit encore été obtenues par l'exercice, dans des conditions irrégulières, du droit de communication de l'administration ; que s'il est vrai que le ministre, qui se borne à soutenir que les pièces dont s'agit ont été spontanément remises à ses services, n'établit pas la régularité des conditions dans lesquelles ceux-ci les ont obtenues, il résulte cependant de l'instruction que lesdites notes n'ont pas été utilisées pour asseoir les redressements mis à la charge de la société ; que, par suite, l'éventuelle irrégularité de leur obtention n'est pas, en l'espèce, de nature à entraîner la décharge des impositions en litige ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité et la charge de la preuve :
Considérant, en premier lieu, que par un arrêt en date du 2 mai 1996, la Cour d'appel de Riom a confirmé la condamnation pénale, prononcée par le Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, de M. X..., gérant de la société ARMACO, pour avoir, en 1989 et 1990, frauduleusement soustrait celle-ci à l'établissement de l'impôt, et celle de M. Y..., directeur de cette société, pour s'être rendu complice de ce délit ; qu'il ressort de cette décision que ces dirigeants ont opéré une dissimulation délibérée d'une part importante des recettes soumises à l'impôt ; que cette constatation, qui est le support nécessaire des condamnations prononcées, a l'autorité absolue de la chose jugée ; que, par suite, elle s'oppose à ce que la comptabilité tenue au titre de ces exercices soit tenue pour sincère et probante ;
Considérant, en deuxième lieu, s'agissant de l'exercice clos le 30 septembre 1987, que le vérificateur a relevé que l'agenda tenu par le cuisinier d'un des établissements de la société pour le dernier trimestre 1986 fait, d'une part, mention à deux reprises de produits alimentaires en provenance d'entreprises ne figurant pas parmi les fournisseurs de la société, et, d'autre part, apparaître que 2 071 plats du jour ont été servis, alors que la société n'en a comptabilisés que 1 296 pour la même période et qu'un tel écart ne peut, au vu de l'instruction, s'expliquer en totalité par la consommation du personnel ;
Considérant, en troisième lieu, s'agissant de la période du 1er octobre 1987 au 31 décembre 1988, qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, les agendas de caisse, sur lesquels les recettes espèces sont inscrites en dernier et qui comportent des ratures et surcharges, mentionnent pour certains jours des recettes excédant le total des recettes figurant sur les bandes des caisses enregistreuses, et que ces écarts ne peuvent se justifier par les seules pannes des caisses enregistreuses ni par la circonstance, dont fait état la société, que des clients paient leur repas sans attendre la délivrance d'un ticket de caisse ; que, d'autre part, compte tenu de leur teneur, les documents retraçant des tableaux de chiffres ou des feuilles de calcul pour les mois de juillet et août 1988, qui ont été saisis au domicile de M. Y... dans le cadre de la visite effectuée en application de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales, ont pour objet, non comme le soutient la société ARMACO de récapituler les montants des pourboires perçus par le personnel de l'entreprise, mais en réalité de déterminer le nombre mensuel de repas servis et les recettes correspondantes à partir du prix moyen des repas, et présentent ainsi le caractère d'une comptabilité occulte faisant ressortir des recettes supérieures à celles déclarées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, même si l'administration n'est pas en droit, pour critiquer la comptabilité de la société ARMACO, de se fonder sur la circonstance que celle-ci n'a pas conservé au titre de justificatif de ses recettes le double des sept notes manuscrites susmentionnées qu'elle a délivrées à des clients, dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le ministre ne précise pas à la Cour les circonstances dans lesquelles l'administration a appréhendé ces pièces, la comptabilité de la société ARMACO doit ainsi être regardée comme dépourvue de valeur probante pour l'ensemble de la période vérifiée ; que les rappels maintenus étant conformes à l'avis de la commission départementale des impôts, il appartient à la société requérante, en application des dispositions de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, d'établir l'exagération des impositions ;
En ce qui concerne le montant des impositions :
Considérant que le vérificateur a reconstitué le montant du chiffre d'affaires de la société ARMACO à partir d'une première méthode consistant à appliquer à la totalité des recettes de chaque exercice le coefficient résultant du rapport existant entre, d'une part, les sommes figurant sur les feuilles de calculs saisies au domicile de M. Y... et identifiées par l'administration comme correspondant aux chiffres d'affaires des mois d'été, et, d'autre part, les chiffres d'affaires déclarés pour la même période ; que la société ARMACO n'établit pas le caractère radicalement vicié de cette première méthode en se bornant à soutenir qu'elle serait irréaliste et en se prévalant de la circonstance qu'elle aboutit à une majoration du chiffre d'affaires de 60 p. cent que n'a pas retenue intégralement le vérificateur ; que si elle reprend également son argumentation relative à la teneur des documents saisis au domicile de M. Y..., il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant que, par une deuxième méthode, le vérificateur a apprécié les recettes de l'entreprise en appliquant au montant des boissons vendues, déterminé à partir d'un coefficient multiplicateur calculé de façon précise à partir de l'ensemble des factures d'achat rapprochées des bandes de caisse et des cartes, et qui tient compte des dosages indiqués par le gérant, de la consommation du personnel, ainsi que de l'utilisation de certaines boissons en cuisine, un pourcentage représentant la part des boissons dans le chiffre d'affaires total de l'entreprise, ce pourcentage étant lui-même déterminé de façon précise à partir des bandes de caisse récapitulatives ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondé à soutenir que cette méthode serait imprécise et résulterait d'une extrapolation trop importante ;
Considérant que pour l'exercice clos en 1987, le vérificateur a, par une troisième méthode, tiré les conséquences de la différence constatée entre le nombre de plats du jour figurant sur l'agenda du cuisinier saisi et celui figurant sur les bandes de caisse ; que si la société soutient que cette méthode serait elle aussi fondée sur une trop importante extrapolation, il résulte cependant de l'instruction que les plats du jour représentent plus de 7 % du chiffre d'affaires de l'exercice concerné, et que les résultats de cette méthode sont corroborés par ceux des deux autres méthodes utilisées pour les autres exercices ;
Considérant, enfin, que la société ARMACO soutient que sa propre méthode de reconstitution, fondée sur le coût de revient des pizzas, aboutit à des coefficients de marge brute très proches de ceux déclarés ; que, cependant, cette méthode est fondée sur des quantités et prix de revient des ingrédients des pizzas qui ne peuvent être vérifiés ; que, par suite, elle ne peut être regardée comme étant plus précise et plus fiable que celles utilisées par le vérificateur ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise réclamée par la société requérante, qui ne pourrait être en l'espèce que frustratoire, que la société ARMACO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1 : La demande de la société ARMACO est rejetée.
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N° 97 LY02985