Vu, I, la requête enregistrée le 1er juillet 2003, sous le n°03LY001119, la requête présentée pour l'indivision X-, prise en la personne de M. X, domicilié ..., par Me Albert, avocat au barreau de Grenoble ;
Elle demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0203337 en date du 21 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté en date du 17 juin 2002 du maire de MEGEVE lui accordant un permis pour la construction de deux chalets sur des parcelles cadastrées n° 1117, 1120 et 1121 situées au lieudit Lady sur le territoire de cette commune ;
2°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 1900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, II, enregistrée le 11 juillet 2003, sous le n° 03LY001228, la requête présentée pour la COMMUNE DE MEGEVE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par des délibérations du conseil municipal du 23 mars 2001 et du 20 mars 2002, par Me Ballaloud, avocat au barreau d'Annecy ;
Elle demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0203337 en date du 21 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté en date du 17 juin 2002 du maire de MEGEVE accordant à l'indivision X- un permis pour la construction de deux chalets sur des parcelles cadastrées n° 1117, 1120 et 1121 situées au lieudit Lady sur le territoire de cette commune ;
2°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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classement cnij : 68-06-05 68-06-06 68-001-01-02-01
54-07-01-04-04 01-08-03
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2004 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me Domeyne, avocat de M. Henry X, et de Me BALLALOUD, avocat de la COMMUNE DE MEGEVE ;
- et les conclusions de M. Boucher, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêté en date du 17 juin 2002, l'indivision X- a obtenu du maire de MEGEVE un permis pour la construction de deux chalets sur des parcelles cadastrées n° 1117, 1120 et 1121 situées au lieudit Lady sur le territoire de cette commune ; que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a déféré cette décision au Tribunal administratif de Grenoble qui, par un jugement du 21 mai 2003, a procédé à son annulation ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la recevabilité de la requête de l'indivision X- :
Considérant que l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'impose pas aux bénéficiaires d'une décision valant autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme de notifier l'appel qu'ils forment contre le jugement annulant en tout ou partie cette décision ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE à la requête de l'indivision X- doit, en tout état de cause, être rejetée ;
Sur la légalité du permis de construire contesté :
Considérant que pour annuler le permis litigieux, le tribunal a fait droit au moyen invoqué par le préfet tiré de l'illégalité soulevée par voie d'exception du classement en zone NB du plan d'occupation des sols de MEGEVE du lieu-dit Lady en considérant ce classement comme n'étant pas conforme aux prescriptions du paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date d'approbation du plan le 19 décembre 1989 et que cette disposition se trouvant dés lors entachée d'illégalité, le permis attaqué, qui n'avait pu être accordé qu'à la faveur de ladite disposition, était lui-même illégal ;
Considérant que la légalité d'un règlement, qu'elle soit contestée directement ou par voie d'exception, doit s'apprécier en fonction des règles juridiques applicables et de la situation de fait existant à la date de son édiction, et que des circonstances de droit et de fait postérieures à cette date ne peuvent, le cas échéant, être prises en compte que dans le cas où de telles circonstances sont de nature à en altérer la légalité ;
Considérant qu'à la date d'approbation du plan d'occupation des sols de MEGEVE, l'article L. 145-3, paragraphe III du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 alors applicable, prévoyait que : Sous réserve de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes ... l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs et villages existants ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à cette date, le secteur contenant le lieu-dit Lady , situé en zone NB du plan, définie comme une zone naturelle où les constructions sont possibles en fonction des viabilités existantes, comportait deux exploitations agricoles et deux habitations implantées à l'écart de tout bourg ou village existants et ne pouvant être regardées comme formant un tel bourg ou un tel village au sens du paragraphe III de l'article L. 145-3 précité ; que dés lors, le classement du secteur concerné en zone NB méconnaissant cette disposition dans sa rédaction alors en vigueur, il se trouve dans cette mesure entaché d'illégalité ; que si, postérieurement à l'approbation du plan d'occupation des sols en question, d'une part la loi n° 95-115 du 4 février 1995 a modifié le paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme en introduisant la possibilité d'urbaniser également en continuité avec les hameaux existants, d'autre part un hameau s'est constitué au lieudit Lady , ces seules circonstances sont sans influence sur l'illégalité du classement ainsi opéré ;
Mais considérant que le plan d'occupation des sols de MEGEVE qui sur ce point se bornait à réitérer un classement déjà arrêté par les documents d'urbanisme antérieurs, ne peut être regardé comme ayant incorporé le secteur concerné en zone NB à seule fin de rendre possible la délivrance du permis contesté, lequel ne pouvait ainsi être regardé comme ayant été délivré à la faveur de cette disposition ; que le tribunal administratif ne pouvait donc déduire de la seule illégalité de cette disposition l'illégalité du permis contesté sans avoir recherché si les règles d'urbanisme légalement applicables à la date de délivrance dudit permis faisaient obstacle à son octroi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la seule illégalité du classement du secteur du lieu-dit Lady en zone NB du plan d'occupation des sols de MEGEVE approuvé le 19 décembre 1989 pour annuler le permis de construire accordé le 17 juin 2002 à l'indivision X- ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Savoie devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : L'annulation ou la déclaration d'illégalité ... d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur ...le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur ; que la version immédiatement antérieure du plan d'occupation des sols de MEGEVE ainsi remise en vigueur en application de cette disposition, comme d'ailleurs celle antérieure à cette dernière, classait également le terrain concerné en zone NB du plan ; que ce classement méconnaissant ainsi les prescriptions du paragraphe III de l'article L. 145-3 précité dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1985 alors applicable, il est entaché de la même illégalité que le classement opéré par le plan d'occupation des sols approuvé le 19 décembre 1989 ; qu'ainsi, en l'absence de dispositions légales et opposables d'un plan d'occupation des sols antérieur à ce dernier, seules devaient trouver à s'appliquer les dispositions du code de l'urbanisme qui, étant prises dans leur version en vigueur à la date de délivrance du permis contesté, étaient directement applicables aux demandes d'autorisation d'utilisation et d'occupation du sol ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme dans sa version en vigueur à la date de délivrance du permis de construire attaqué : Sous réserve de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes ... l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, et hameaux existants ; qu'il ressort des pièces du dossier que la partie de la parcelle n° 1117 sur laquelle est prévue l'édification des deux chalets ayant fait l'objet du permis contesté, se trouve en contrebas de la route du Lady , dans le prolongement direct de trois parcelles bâties situées également le long de cette voie ; que les bâtiments édifiés sur ces parcelles forment avec ceux qui sont implantés en amont de la route du Lady un ensemble de constructions suffisamment regroupées et proches les unes des autres pour être regardées comme constituant un hameau au sens des dispositions précitées de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme ; que, malgré le passage au travers de ce hameau de la route du Lady , qui ne crée de rupture marquée ni dans le paysage ni dans la pente, le terrain d'assiette du projet litigieux doit ainsi être regardé comme situé en continuité d'un hameau existant en application de ces mêmes dispositions ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet, les dispositions ci-dessus du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme ne faisaient pas obstacle à la délivrance du permis en question ;
Considérant que si le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE se prévaut des prescriptions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme dans sa version applicable à la date de délivrance du permis de construire contesté et de l'article R. 123-18 dans une rédaction antérieure à cette date, aucune de ces dispositions ne saurait être utilement invoquée directement à l'encontre d'une autorisation individuelle de construire ;
Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ne se prévaut pas d'autres dispositions d'urbanisme qui, étant opposables au projet de l'indivision X- en application de l'article L. 121-8 précité, auraient fait obstacle à la délivrance du permis contesté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le maire de MEGEVE et l'indivision X- sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a annulé le permis de construire accordé à cette dernière par un arrêté du maire du 17 juin 2002 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à l'indivision X- et à la COMMUNE DE MEGEVE une somme de 1500 euros chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 21 mai 2003 est annulé.
Article 2 : Le déféré du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est rejeté.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à l'indivision X- et à la COMMUNE DE MEGEVE une somme de 1500 euros chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
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N°03LY01119 - 03LY01228
ID