Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2001, présentée pour M. Georges X, domicilié ..., par Me Patrick Chesné, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 9404391 en date du 19 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1991 et des majorations dont il a été assorti ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des majorations y afférentes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2004 :
- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Bourrachot, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SCI Les Bruyères a donné en location à partir de l'année 1964 à la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis, devenue depuis la SA Ateliers Michaud, un terrain sur lequel cette dernière société a édifié en 1965 et en 1973 des constructions à usage industriel ; que l'administration a considéré que ces immeubles étaient retournés gratuitement en octobre 1991 dans le patrimoine de la société bailleresse et qu'elle a réintégré dans les revenus fonciers de cette société l'avantage correspondant qu'elle a évalué à un montant de 3 200 000 francs ; que M. X, en sa qualité d'associé de la SCI Les Bruyères, a contesté devant le Tribunal administratif de Lyon le complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti du fait de cette réintégration ; que par jugement en date du 19 décembre 2000, le tribunal administratif lui a accordé une satisfaction partielle en ramenant à la somme de 2 621 500 francs le montant de l'avantage représenté par le retour gratuit des immeubles dans le patrimoine de la société bailleresse ; que M. X relève appel de ce jugement en tant que celui-ci a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le jugement attaqué a omis de répondre au moyen invoqué dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 24 mars 2000, par lequel M. X entendait se prévaloir de la doctrine administrative exprimée par la réponse ministérielle faite à M. le 14 janvier 1985 et de la documentation administrative 5 D-2212 et 5 D-2217 mise à jour au 15 septembre 1993 ; que ce moyen n'était pas inopérant et avait été soulevé avant la clôture de l'instruction ; que, par suite, le tribunal a entaché son jugement d'une omission à statuer ; que l'article 2 du jugement attaqué doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le surplus de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;
Considérant que M. X soutient que la notification de redressement en date du 16 septembre 1993 serait insuffisamment motivée dans la mesure où le vérificateur n'a pas indiqué si les immeubles retenus comme termes de comparaison afin d'évaluer la valeur des immeubles construits sur le terrain appartenant à la SCI Les Bruyères faisaient l'objet d'un bail commercial ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'examen de la notification de redressement que celle-ci comportait en annexe les informations précises permettant au contribuable d'identifier les trois immeubles retenus par le vérificateur comme termes de comparaison ; que, notamment, cette annexe mentionnait l'adresse, la date de vente, la référence à l'acte de vente, la référence cadastrale, la surface, la valeur totale et au mètre carré des trois immeubles en cause ; que, dans ces conditions, et alors même que la notification de redressement ne précisait pas si ces immeubles faisaient l'objet d'un bail commercial, le contribuable disposait de toutes les informations utiles pour pouvoir engager avec le vérificateur un débat contradictoire ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la notification de redressement doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le principe de l'imposition :
Considérant qu'en vertu de l'article 28 du code général des impôts, les revenus des propriétés bâties sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, à raison de la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ;
Considérant que par un bail conclu le 23 mars 1964 pour une durée de trois années et renouvelable par tacite reconduction, la SCI Les Bruyères a donné en location à la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis, une parcelle de terrain sise à Décines-Charpieu dans le département du Rhône moyennant un loyer annuel de 30 000 francs ; que ce bail autorisait la société locataire à édifier toutes constructions sur le terrain loué, celles-ci devant revenir de plein droit dans le patrimoine de la société bailleresse à l'expiration du bail ou de ses éventuelles prorogations ; que la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis a édifié en 1965 sur le terrain des constructions à usage industriel ; qu'un autre contrat de bail a été signé entre les mêmes parties le 27 octobre 1971, commençant à courir le 1er octobre de la même année ; que ce contrat était conclu pour une durée de quinze années moyennant un loyer annuel de 40 000 francs actualisable et comportait des conditions identiques à celles du bail de 1964 pour ce qui est des modalités d'accession de la société bailleresse à la propriété des constructions édifiées par la société locataire ; que cette dernière société a édifié sur le terrain au cours de l'année 1973 de nouvelles constructions ;
Considérant que l'administration a constaté en 1993, dans le cadre d'un contrôle de l'activité de la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis, que le loyer annuel payé par cette société à la SCI Les Bruyères avait été porté en octobre 1991 à un montant de 420 000 francs HT ; qu' elle a estimé que les constructions édifiées par le locataire sur le terrain avaient fait retour gratuitement au bailleur à la date d'augmentation du loyer et que l'avantage ainsi obtenu devait être chiffré à la somme de 3 200 000 francs ;
Considérant que, pour contester le point de vue de l'administration fiscale, M. X fait valoir, en premier lieu, que les immeubles édifiés par la société locataire en 1965 avaient fait retour dans le patrimoine de la société bailleresse dès 1971, année couverte par la prescription ; que l'appelant soutient en deuxième lieu que les immeubles édifiés en 1973 avaient fait retour dans le patrimoine de la société bailleresse en 1986, année également couverte par la prescription ; qu'enfin, M. X soutient que l'administration fiscale ne pouvait régulièrement considérer que les immeubles édifiés par la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis étaient entrés dans le patrimoine de la SCI Les Bruyères au cours de l'année 1991 ;
Considérant en premier lieu qu'il résulte des stipulations de l'article troisième du bail conclu le 27 octobre 1971 entre la SCI Les Bruyères et la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis que la société preneuse aura la faculté d'hypothéquer les constructions qu'elle édifiera ou qu'elle a édifiées sur le terrain loué ; que dans le cadre de la souscription d'un prêt que lui a consenti la Caisse centrale de crédit hôtelier commercial et industriel, la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis a signé le 2 novembre 1971 un acte d'affectation hypothécaire portant sur les constructions édifiées par elle sur le terrain sis à Décines-Charpieu ; que le même acte d'affectation hypothécaire précisait que les constructions situées sur le terrain appartenaient à la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Reunis ; que, dans ces conditions, et alors même que le premier bail conclu le 23 mars 1964 indiquait que, lors de son expiration, les constructions édifiées par le preneur deviendraient de plein droit la propriété du bailleur et que le second bail conclu le 27 octobre 1971 indiquait, dans son paragraphe relatif à la désignation des biens loués, que le précédent bail conclu le 10 avril 1964 se trouvait sans objet par l'effet du nouveau bail, les immeubles édifiés par la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis en 1965 doivent être regardés comme étant restés sa propriété lors de la conclusion du bail signé en 1971 ;
Considérant en outre que la réponse ministérielle faite à M. le 14 janvier 1985, qui traite de l'imposition des revenus fonciers dans l'hypothèse de baux renouvelés par tacite reconduction et la documentation administrative 5 D-2212 et 5 D-2217 mise à jour au 15 septembre 1993, qui traite de la même hypothèse ainsi que de la situation des immeubles revenant au bailleur contre indemnité et des profits à prendre en compte au titre des revenus fonciers ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale qui puisse faire obstacle à la constatation précédente, selon laquelle les constructions édifiées par la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis n'ont pu entrer dans le patrimoine de la SCI Les Bruyères, en 1971 ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X soutient que les immeubles édifiés par la société locataire en 1973 ont nécessairement fait retour dans le patrimoine de la société bailleresse à la date du terme du bail conclu le 27 octobre 1971, soit le 30 septembre 1986, année également couverte par la prescription ;
Considérant toutefois qu'il résulte des dispositions de l'article 5 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer des immeubles ou locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, qu'à défaut de congé donné au moins six mois à l'avance par le bailleur, et dans les formes prévues par ce texte, les baux faits par écrit se poursuivent par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat et qu'en vertu de l'article 1738 du code civil, les baux résultant de la tacite reconduction, qui sont regardés comme une location verbale, sont réputés conclus aux mêmes conditions que l'ancien bail écrit ;
Considérant que M. X n'établit ni même n'allègue que la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis aurait reçu de son bailleur un congé dans les conditions prévues à l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 ; qu'en l'absence d'un tel congé, la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis, qui a poursuivi son activité sur les terrains qu'elle prenait en location, doit être réputée avoir bénéficié au-delà du 30 septembre 1986 d'une location verbale portant, comme le bail écrit auquel elle s'est substituée, sur les seuls terrains primitivement loués ; que les constructions édifiées sur ces terrains par le locataire n'ont pu devenir la propriété du bailleur que lors de la conclusion d'un nouveau bail ; que, par suite, les immeubles édifiés par la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis en 1973 doivent être regardés comme étant restés sa propriété à la date du 30 septembre 1986 ;
Considérant en troisième lieu que M. X soutient que l'administration fiscale ne pouvait régulièrement considérer que les immeubles édifiés par la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis étaient entrés dans le patrimoine de la SCI Les Bruyères au cours de l'année 1991 ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que selon un engagement verbal passé en octobre 1991, le montant du loyer annuel demandé par la SCI Les Bruyères à la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis a été porté de 62 880 francs à 420 000 francs ; que, compte tenu de cette augmentation substantielle du loyer demandé, qui ne saurait résulter de la simple actualisation du montant de ce loyer, l'administration a pu considérer à bon droit que la propriété de tous les biens immobiliers construits avant 1991 par le locataire avait été transférée au bailleur au cours de l'année 1991 ; que ce transfert s'étant effectué à titre gratuit, l'administration fiscale était fondée à imposer M. X au titre de l'année 1991, année non prescrite, dans la catégorie des revenus fonciers ;
En ce qui concerne le montant de l'imposition :
Considérant que, l'administration a évalué à la somme de 3 200 000 francs, correspondant à la valeur vénale des immeubles, le montant de l'avantage constitué par le retour gratuit de ces immeubles dans le patrimoine du bailleur ; que M. X critique cette évaluation en faisant valoir qu'elle ne tient pas compte de l'état de vétusté des constructions et de la circonstance que l'un des immeubles risque de devoir être démoli sans indemnité ; que le contribuable ajoute qu'en minorant arbitrairement la valeur des terrains, l'administration a surestimé parallèlement l'estimation des constructions en ne tenant notamment pas compte de l'implantation peu favorable des constructions à une distance plus grande de l'agglomération lyonnaise que celle de deux des immeubles pris comme termes de comparaison ;
Considérant que les affirmations du contribuable relatives à l'état de vétusté des constructions et à la circonstance que l'un des immeubles risque de devoir être démoli sans indemnité ne sont appuyées d'aucune justification permettant d'en apprécier la pertinence ;
Considérant en revanche qu'il résulte de l'instruction et notamment de la fiche annexée à la notification de redressement datée du 16 septembre 1993 et décrivant les trois immeubles choisis par l'administration comme termes de comparaison, que, comme le souligne le contribuable, l'immeuble situé au 62 du petit chemin des Bruyères à Décines - Charpieu est celui qui présente avec le terrain aménagé par la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis au 34 de la même voie, le plus de similitudes, du triple point de vue des surfaces à prendre en compte, de la date des transferts de propriété et de la localisation par rapport au centre de l'agglomération lyonnaise ; que, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, le contribuable est fondé à demander que le prix de 868 francs au mètre carré soit retenu pour l'évaluation de l'avantage constitué par le transfert dans le patrimoine de la SCI Les Bruyères des constructions édifiées par la SA Ateliers Michaud et Cie - Michaud et Trilland Réunis sur 2450 mètres carrés et que cet avantage soit fixé à la somme de 2 126 600 francs, soit 324 198,08 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1991, à raison de ses droits dans la SCI Les Bruyères, résultant de la fixation de la valeur vénale des constructions à la somme de 324 198,08 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 19 décembre 2000 est annulé.
Article 2 : Pour la détermination de l'impôt sur le revenu dû par M. X au titre de l'année 1991 à raison de ses droits dans la SCI Les Bruyères, la valeur vénale des constructions est fixée à la somme de 324 198,08 euros.
Article 3 : Il est accordé décharge à M. X du complément d'impôt sur le revenu et des majorations y afférentes auxquels il demeure assujetti au titre de l'année 1991 dans la mesure résultant de la réduction des bases définie à l'article 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N°01LY00524