Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 décembre 1998, présentée pour la SA TEINTURERIES DE HAUTE-LOIRE, dont le siège social est ..., représentée par Me Gladel, mandataire judiciaire, par Me X..., avocat au barreau de Saint-Etienne ;
La SA TEINTURERIES DE HAUTE-LOIRE demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 96756-96757 en date du 20 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable pour la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2004 :
- le rapport de M. Pfauwadel, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bourrachot, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notifié à la société TEINTURERIES DE HAUTE-LOIRE (THL) des redressements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 1989, 1990 et 1991 et de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 ; que la société THL fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la totalité des rappels d'impôt mis à sa charge ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué précise le motif pour lequel le tribunal administratif a estimé que la réintégration aux résultats imposables de la société THL d'une partie du prix payé à la société GIT pour des achats de fil était justifiée ; que, dès lors que la société THL n'avait pas repris dans son mémoire présenté devant le Tribunal certains éléments de réponse à ce redressement qu'elle avait présentés dans ses observations aux notifications de redressement, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en ne se prononçant pas sur lesdits éléments, les premiers juges auraient entaché leur décision d'une insuffisance de motivation ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige soit à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) et qu'aux termes de l'article R.* 59-1 du même livre : Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 (...) ;
Considérant que, par lettres des 14 janvier et 2 mars 1993, M. Y..., président-directeur général de la société THL, a indiqué au vérificateur qu'il contestait les redressements précédemment notifiés à cette société et précisé que, dans l'hypothèse où le désaccord subsisterait, il demanderait l'intervention de l'interlocuteur départemental et, le cas échéant, la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par jugement du 1er mars 1993, le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société THL et a confié à Me Gladel, administrateur judiciaire, la mission d'assurer seul et entièrement l'administration de l'entreprise ; que, dans la réponse aux observations du contribuable du 24 mai 1993 adressée à l'administrateur judiciaire, le vérificateur a indiqué qu'en ce qui concernait la demande d'intervention de l'interlocuteur départemental, il appartenait à l'administrateur judiciaire d'exercer éventuellement cette voie de recours et que, de même, la saisine de la commission départementale des impôts ne pourrait être éventuellement exercée que par le représentant habilité de l'entreprise à la suite de l'envoi de cette réponse ; que cette même réponse mentionnait encore qu'un renouvellement de la demande de saisine formulée en réponse aux notifications de redressements était donc souhaité, mais qu'à défaut, cette demande serait tout de même prise en compte ; que cette réponse doit être regardée comme entachée d'erreur de droit, le président-directeur général ayant bien, concurremment avec le mandataire judiciaire, qualité pour demander, au nom de la société dont il est mandataire social, la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et l'entretien avec l'interlocuteur départemental et ces demandes n'ayant pas à être renouvelées ; que, cependant, par un courrier en date du 25 août 1993, antérieur à la mise en recouvrement des impositions contestées, Me Gladel a informé l'administration fiscale qu'il n'entendait pas maintenir lesdites demandes ; que ce courrier doit être regardé comme une opposition, que le mandataire judiciaire avait qualité pour former, aux démarches du président-directeur général ; que cette opposition valait renonciation de la société à demander l'intervention de l'interlocuteur départemental et la saisine de la commission départementale des impôts ; que si la société soutient que le vérificateur aurait invité Me Gladel à se désister et se serait ainsi immiscé dans les droits de la défense, il n'est pas allégué et il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur aurait exercé des pressions sur le représentant de la société ; que l'administration a dès lors pu mettre régulièrement en recouvrement l'imposition sans procéder aux consultations demandées ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel (...) ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE entend se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement en date du 27 avril 1995 par lequel le Tribunal de grande instance de Saint Etienne a notamment déclaré M. Y..., président-directeur général de la société THL, coupable de faits d'abus de biens sociaux et de fraude fiscale ; que, cependant, l'appréciation portée par cette juridiction sur le montant du prix de certaines prestations facturées par la société GIT à la société THL ou sur leur justification économique ne constitue pas une constatation de fait qui s'impose au juge de l'impôt ;
Considérant que l'administration fiscale a réintégré aux résultats imposables de la société THL les sommes versées à la société GIT au titre d'une commission sur les achats effectués par la société THL auprès du fournisseur de colorant Gillet-Thaon, égale à 4 % du montant de ceux-ci, soit 172 384 francs pour 1989, 195 677 francs pour 1990 et 119 890 francs pour 1991 ; que le ministre soutient sans être contredit que la société THL et la société GIT, qui détenait 98 % de son capital social et dont M. Y... était également le président-directeur général, étaient toutes deux parties au contrat d'approvisionnement conclu avec la société Gillet-Thaon en 1984, lequel ne donnait aucune exclusivité d'achat à la société GIT et prévoyait les mêmes remises pour les deux sociétés, que les commandes et la gestion de stocks étaient effectuées par la société THL à laquelle étaient directement adressées les factures et marchandises, et enfin que le travail de négociation de M. Y... avec le groupe Gillet-Thaon faisait l'objet d'une facturation distincte ; que si la société THL soutient que M. Y..., pour le compte de la société GIT, centralisait les achats afin de permettre une standardisation des colorants en fonction d'un outil donnant la formule chimique de ceux-ci, ce qui aurait permis des économies qu'elle estime à 15 % du montant des achats, ces allégations ne sont corroborées par aucune pièce produite à l'instance ; que, par suite, il doit être regardé comme établi que les commissions en cause ne correspondaient pas à des prestations effectives de la société GIT et que leur versement était donc dépourvu de toute contrepartie ;
Considérant que l'administration a réintégré aux résultats imposables de la société THL les sommes de 62 343 francs pour 1989 et 144 322 francs pour 1990, correspondant au montant de la marge de 30 % pratiquée par la société GIT sur des reventes à la société THL de fil écru, au motif que cette marge n'avait aucune justification dès lors que le fil provenait d'entreprises auprès desquelles la société THL s'approvisionnait également elle-même, qu'il était directement livré à la société THL, que cette entreprise disposait, contrairement à la société GIT, du personnel et du matériel permettant de teindre ce fil et des façonniers pour le faire travailler ; que la société requérante, qui ne conteste pas sérieusement ces faits, n'apporte aucune précision à l'appui de ses allégations selon lesquelles cette marge serait justifiée par le risque assumé par la société GIT résultant soit de nouvelles origines de matières, soit de nouveaux procédés de fabrication ; que, par suite, le redressement doit être regardé comme étant justifié ;
Considérant que la société GIT a refacturé à la société THL une fraction de dépenses certaines communes, notamment de personnel, de maintenance et de location de matériel, en majorant cette fraction de 30 % au titre des frais généraux de gestion ; que l'administration n'a admis le caractère déductible de cette majoration qu'à hauteur de 10 %, et a en conséquence réintégré aux résultats imposables, au titre respectivement des années 1989, 1990 et 1991, les sommes de 7 781 francs, 11 191 francs et 11 012 francs versées pour un abonnement auprès du fournisseur Gillet-Tahon, de 34 926 francs, 15 916 francs et 9 393 francs pour des frais de personnel, maintenance et location, et de 73 442 francs, 43 455 francs et 37 914 francs payées pour des dépenses de logiciels et de location de matériel informatique ; que, toutefois, l'administration, qui ne conteste pas la réalité de ces prestations, n'établit pas que, compte tenu de la taxe professionnelle, de la taxe sur les salaires et des coûts indirects supportés par la société GIT ainsi que de la marge à laquelle cette société pouvait prétendre, la rémunération de ces prestations était excessive ; que la société THL est donc fondée à soutenir que les rehaussements dont s'agit ne sont pas justifiés ;
Considérant que la société GIT a facturé à la société THL les interventions de M. Y... au prix de 7000 francs par jour ; que l'administration a estimé que, compte tenu du salaire versé par la société GIT à l'intéressé, des charges sociales, d'une fraction des frais annexes fixée à 1/3, le coût de revient de la prestation se montait pour la société GIT à 4688 francs par jour en 1989, 4788 francs en 1990 et 4682 francs en 1991 ; qu'en prenant en compte également les frais de gestion et d'administration et la marge de la société GIT, le vérificateur a admis que ces dépenses n'étaient déductibles qu'à hauteur de 5000 francs par jour et a réintégré le surplus dans les résultats imposables de la société THL, soit 176 000 francs pour 1989, 286 000 francs pour 1990 et 294 000 francs pour 1991 ; que, cependant, la société THL soutient que cette limitation ne prend pas suffisamment en compte les frais annexes, la quote-part des frais généraux et la marge à laquelle la société pouvait prétendre ; que l'administration, qui s'appuie essentiellement sur l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait au jugement déjà mentionné du Tribunal de grande instance de Saint-Étienne, et a admis le principe des dépenses en cause, n'établit pas, là encore, en l'absence d'argumentation circonstanciée, le caractère excessif des sommes déduites par la société requérante ; que, par suite, l'administration n'établit pas que le paiement de ces prestations constituait un acte de gestion anormale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société THL doit être réduite de 292 149 francs, soit 44 537,83 euros pour 1989, de 356 562 francs, soit 54 357,53 euros pour 1990, 352 319 francs, soit 53 710,69 euros pour 1991 ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, les appréciations portées, en ce qui concerne le montant des prix et les justifications économiques de certaines prestations facturées à la société THL, par les juges du Tribunal de grande instance de Saint-Etienne, statuant sur les infractions commises par son dirigeant, ne constituent pas des constatations de fait qui s'imposent au juge de l'impôt ; que le ministre ne saurait donc utilement invoquer, au soutien de l'imposition en litige, qui procède de la remise en cause du droit à déduction attaché à certaines dépenses grevées de taxes exposées par la société THL, l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Etienne en date du 27 avril 1995 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 271-1, 272-2 et 283-4 du code général des impôts, ainsi que de l'article 223-1 de l'annexe II au même code, que la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'opérations imposables est déductible dans le cas de services facturés à l'entreprise, de la taxe à laquelle celle-ci est assujettie à raison des opérations en cours, à condition que les factures mentionnent ladite taxe, qu'elles aient été établies au nom du redevable par son fournisseur, qu'elles correspondent effectivement à l'exécution de la prestation de service dont elles font état, et que le prix indiqué soit réellement celui qui doit être acquitté par l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé, la facturation par la société GIT d'une commission de 4% sur les achats de colorants de la société THL ne correspond à aucune prestation exécutée en contrepartie par la société GIT ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction, par la société THL, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le montant de ces opérations ;
Considérant qu'en ce qui concerne les autres prestations de services facturées par la société GIT et les ventes de fils écrus par cette société, l'administration a estimé que la société THL avait acquitté, en contrepartie de services effectivement rendus et de marchandises effectivement livrées, un prix anormalement élevé au regard d'une gestion commerciale normale ; que cette seule circonstance n'autorisait pas l'administration à refuser pour partie la déduction de la taxe opérée par la société, dès lors qu'elle n'allègue pas que les conditions énoncées par les textes précités n'étaient pas remplies ; qu'en conséquence, c'est à tort que l'administration, pour le montant des surfacturations qu'elle a relevées, soit 62 343 francs, 7 781 francs, 34 926 francs, 73 442 francs et 176 000 francs pour 1989, 144 322 francs, 11 191 francs, 15 916 francs, 43 455 francs et 286 000 francs pour 1990, 11 012 francs, 9 393 francs, 37 914 francs et 294 000 francs pour 1991, a remis en cause la déduction de la taxe payée par la société THL ; que c'est donc à tort que le service des impôts n'a pas reconnu à la société THL un montant de droit à déduction de 224 631,27 francs, soit 34 244,82 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA THL est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a refusé de la décharger de la fraction des cotisations litigieuses d'impôt sur les sociétés mises à son nom au titre des années 1989, 1990 et 1991 qui procède de la réintégration à ses résultats des sommes de 44 537,83 euros pour 1989, 54 357,53 euros pour 1990 et 53 710,69 euros pour 1991 et de réduire de 34 244,82 euros le montant de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La SA TEINTURERIES DE HAUTE-LOIRE (THL) est déchargée de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assignée pour la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 à concurrence de 34 244,82 euros.
Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société THL sont réduites de 44 537,83 euros pour 1989, 54 357,53 euros pour 1990, et 53 710,69 euros pour 1991.
Article 3 : La société THL est déchargée de la différence entre les cotisations d'impôt sur les sociétés et pénalités mises à sa charge au titre des années 1989, 1990 et 1991 et celles résultant de la base d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 octobre 1998 est réformé en qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société THL est rejeté.
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N°98 LY02348