Vu, I, sous le n° 01LY001845, la requête, enregistrée le 27 août 2001, présentée pour la SA TORNIER, dont le siège est situé rue du doyen Gosse à Saint Ismier (38330), par la société Delagarde, avocat au barreau de Paris ;
La SA TORNIER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 984571 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 28 juin 2001 en tant qu'il rejette une partie des conclusions de sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 à 1995, de la contribution sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995, ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, II, sous le n° 01LY02277, le recours, enregistré le 24 octobre 2001, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il décharge la SA Tornier d'une partie des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 à 1995, de la contribution sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995, ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions ;
2°) de remettre intégralement ces impositions à la charge de la SA Tornier, ou, à titre subsidiaire, de remettre à sa charge les droits et pénalités correspondant à une réduction de 600 000 francs de la base de l'impôt sur les sociétés de l'année 1994 prononcée par le tribunal administratif ;
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, III, sous le n° 05LY000424, la requête, enregistrée le 15 mars 2005, présentée pour la SA TORNIER ;
La SA TORNIER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0102090 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 13 janvier 2005 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995 à 1997 dans les rôles de la commune de Saint-Ismier (Isère) ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2006 :
; le rapport de M. Gailleton, président ;
; et les conclusions de M. Gimenez, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une requête et un recours enregistrés au greffe de la Cour respectivement les 27 août et 24 octobre 2001, la SA TORNIER et le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE font appel, chacun en ce qui les concerne, d'un même jugement, en date du 28 juin 2001, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a fait partiellement droit à la demande de la SA TORNIER tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 à 1995, de la contribution sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995, ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions ; que cette requête et ce recours présentant à juger des questions semblables il y lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ; qu'il y a lieu également, pour le même motif, de joindre à cette requête et ce recours la requête de la SA TORNIER enregistrée le 15 mars 2005 et dirigée contre un autre jugement du même tribunal, en date du 13 janvier 2005, rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995 à 1997 dans les rôles de la commune de Saint-Ismier (Isère) ;
Sur le recours du ministre :
En ce qui concerne les matériels dénommés « ancillaires » :
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés » ;
Considérant que la SA Tornier, qui exerce une activité de fabrication et vente de matériels chirurgicaux et d'implants à usage chirurgical, dispose de matériels spécifiques de mise en place de ces implants, dits matériels ancillaires ; qu'il est constant que ceux-ci ont une durée de vie supérieure à un an et que, hormis ceux destinés à l'exportation et qui ne sont pas en litige, ces ancillaires ne sont pas vendus en France aux clients de la société, mais que celle-ci en conserve la propriété, les matériels dont s'agit étant, soit prêtés aux chirurgiens pour une intervention, soit, s'agissant de gros utilisateurs, mis en dépôt chez ces derniers pour plusieurs mois ; que même si les ancillaires peuvent, en pratique, ne pas être restitués par ces utilisateurs, la SA Tornier reste en droit d'exiger leur retour et en garde la maîtrise ; que, dans ces conditions, ces matériels, qui ne sont pas destinés à la vente, mais qui servent durablement l'activité de la société en facilitant l'utilisation par ses clients des implants qu'elle fabrique, et, par voie de conséquence, leur commercialisation, participent, en tant que tels, à la démarche de production de l'entreprise ; que, dès lors, et nonobstant la circonstance que le coût du prêt de ces matériels est nécessairement intégré dans le prix de vente des prothèses et compris dans les tarifs interministériels des prestations sanitaires, ils doivent être regardés comme des actifs immobilisés pouvant seulement faire l'objet de dotations aux amortissements, et non comme des stocks susceptibles de faire l'objet de provisions ou de décotes directes pour dépréciation ; que, par suite, alors même que les intérêts du Trésor n'auraient pas été lésés en l'espèce dans la mesure où les décotes pratiquées par l'entreprise auraient pu être remplacées par des dotations aux amortissements de mêmes montants, l'administration était en droit de réintégrer, comme elle l'a fait, ces décotes dans les résultats imposables de l'entreprise et d'effectuer les redressements correspondant au titre des exercices 1993 et 1995, d'un montant respectif de 9 578 894 francs et 4 069 334 francs, le résultat de l'exercice 1994 étant diminué d'une somme de 2 168 362 francs par voie de correction symétrique des bilans ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour prononcer la réduction dans cette mesure des bases d'imposition assignées à la SA Tornier au titre des années 1993 et 1995, le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de ce que ces matériels ne pouvaient être qualifiés d'immobilisations ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par la SA Tornier devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant que l'article L. 59 du livre des procédures fiscales alors applicable confère au contribuable le droit de soumettre à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ses désaccords sur les redressements notifiés en matière de bénéfices industriels et commerciaux lorsqu'ils portent sur des questions de fait ; que le différend opposant l'administration fiscale à la SA Tornier, qui porte sur la question de savoir si les matériels litigieux devaient être qualifiés d'éléments du stock ou d'actifs immobilisés, portait sur une question de droit ; que, dès lors, même si une telle qualification juridique impliquait nécessairement l'appréciation de circonstances de fait, l'administration n'a pas entaché la procédure d'imposition d'irrégularité en refusant de soumettre ce litige à la commission départementale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a prononcé la réduction des bases d'imposition assignées à la SA Tornier au titre des années 1993 et 1995 du chef de la requalification en immobilisation des matériels ancillaires ;
En ce qui concerne la provision sur prêts :
Considérant en revanche, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, que la question de savoir si des événements en cours à la clôture de l'exercice 1994 rendaient probable le défaut de remboursement de prêts consentis par la SA Tornier à une clinique et à un médecin, et, par suite, justifiaient la comptabilisation de provisions pour des montants respectifs de 410 000 francs et 250 000 francs, posait une question de fait entrant dans le champ de compétence de la commission départementale des impôts dont le contribuable est en droit de demander la saisine en vertu de l'article L. 59 susmentionné du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a estimé que le refus de l'administration de saisir la commission de ce chef de redressement, avait eu pour effet de rendre sur ce point la procédure d'imposition irrégulière, et a, pour ce motif, réduit d'un montant de 660 000 francs la base d'imposition assignée à la société au titre de l'année 1994 ;
Sur les requêtes de la SA TORNIER :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
S'agissant des abandons de créances et avances sans intérêts consenties aux filiales de la société :
Considérant que si, en vertu des dispositions combinées des articles 38, 39 et 209 du code général des impôts, le bénéfice net imposable est déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature faites par la société et sous déduction de toutes charges supportées par celle-ci, ces opérations et ces charges ne doivent être prises en compte que si et dans la mesure où elles correspondent à une gestion commerciale normale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA TORNIER a accordé diverses aides à des filiales implantées à l'étranger, sous forme d'abandons de créances commerciales ou financières, ou de renonciation à percevoir des intérêts, pour des montants totaux de 2 587 441 francs en 1993, 1 316 535 francs en 1994 et 3 649 525 francs en 1995 en ce qui concerne la société Da Vinci Médical, de 946 398 francs en 1993 en ce qui concerne la société Franklin Médical Inc., et de 130 182 francs en 1995 en ce qui concerne la société Implant Service BV ; que l'administration, estimant que ces aides ne relevaient pas d'une gestion commerciale normale, a remis en cause la déduction de ces charges et réintégré les recettes non perçues aux résultats imposables de la société requérante ;
Considérant que s'il incombe à l'administration d'apporter la preuve qu'une société a commis un acte anormal de gestion en abandonnant des créances qu'elle détenait sur ses filiales ou en leur consentant des avances sans intérêts, cette preuve doit être regardée comme rapportée dès lors que la société n'établit pas que les avantages ainsi consentis ont eu, ou auraient été susceptibles d'avoir, pour elle-même une contrepartie commerciale ou financière ;
Considérant que si la SA TORNIER fait valoir que les aides litigieuses ont été consenties à des filiales de distribution pour des raisons commerciales, avec pour seul objectif l'implantation de ses produits sur les marchés étrangers et, par voie de conséquence, l'augmentation de son propre chiffre d'affaires, il est cependant constant que, la société requérante n'a réalisé au cours de la période en litige que moins de 4 % de son chiffre d'affaires avec la société Da Vinci Médical, implantée en Italie et détenue seulement à 55 % par elle-même, le surplus, soit 45 %, étant détenu par ses dirigeants, et que les aides consenties sont hors de proportion avec la progression du chiffre d'affaires réalisé avec cette filiale, qui est passé seulement de 5 306 185 francs en 1993 à 6 023 513 francs en 1995 ; qu'il en va de même des aides consenties en 1993 à la société Franklin Médical Inc., implantée au Canada et détenue également à 55 % par la SA TORNIER et à 45 % par ses dirigeants, avec laquelle elle n'a réalisé qu'un chiffre d'affaires de 405 993 francs en 1992 et aucune vente en 1993 ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante ait réalisé un chiffre d'affaires significatif avec la société néerlandaise Implant Service BV dont elle détenait 15 % du capital ; qu'il n'est ainsi pas établi que les avantages consentis à ses filiales ont eu pour elle-même une contrepartie commerciale ou financière ; que s'il est vrai que la société se prévaut de la difficulté de pénétration des marchés étrangers en raison des spécificités propres au secteur de la santé, elle n'apporte pas à l'appui de sa requête les précisions permettant à la Cour d'apprécier concrètement les perspectives positives, à moyen ou long terme, qu'elle serait à même de retirer de ces aides ; que, dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, l'administration était fondée à regarder les aides litigieuses comme ne relevant pas d'une gestion commerciale normale ;
S'agissant des provisions et pertes sur clients :
Considérant que pour contester la réintégration dans ses résultats des exercices 1994 et 1995 de provisions forfaitaires constituées à raison de la dépréciation de créances sur clients, ainsi que de la perte d'une créance de même nature comptabilisée au titre de l'exercice 1994, la SA TORNIER reprend ses moyens de première instance ; qu'il résulte de l'instruction que ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif, que la Cour fait siens ;
En ce qui concerne la taxe professionnelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, la taxe professionnelle a pour base la valeur locative « …des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle… » ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que les matériels ancillaires constituent des immobilisations qui ont été utilisées par la SA TORNIER pour les besoins de son activité ; que, par suite, l'administration les a réintégrés à bon droit dans les bases d'imposition de la taxe professionnelle due par la société au titre des années 1995 à 1997 en litige ; que la requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 janvier 2005, le tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre les cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie de ce chef ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 juin 2001, le Tribunal administratif de Grenoble a prononcé la réduction, à hauteur d'un montant respectif de 9 578 894 francs et 4 069 334 francs, des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à l'impôt sur les sociétés assignées à la SA TORNIER au titre des années 1993 et 1995, et que, d'autre part, la SA TORNIER n'est, quant à elle, pas fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a rejeté le surplus de ses conclusions relatives à ces impositions, et que, par son jugement du 13 janvier 2005, il a rejeté celles de sa demande relatives à la taxe professionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Les droits supplémentaires et pénalités d'impôt sur les sociétés auxquels la SA TORNIER a été assujettie au titre des années 1993 à 1995, ainsi que de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1995, sont remis à sa charge à concurrence de la réintégration dans ses bases d'imposition de sommes d'un montant respectif de 9 578 894 francs pour 1994 et 4 069 334 francs pour 1995.
Article 2 : Le jugement n° 984571 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 28 juin 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, ensemble les requêtes de la SA TORNIER sont rejetés.
1
2
Nos 01LY01845...