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05/07/2006 | FRANCE | N°06LY00117

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 05 juillet 2006, 06LY00117


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 16 janvier 2006, présentée pour M. Houcine X, domicilié ..., par Me Shibaba, avocat au barreau de Lyon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600017 du 6 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 3 janvier 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la

reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de po...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 16 janvier 2006, présentée pour M. Houcine X, domicilié ..., par Me Shibaba, avocat au barreau de Lyon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600017 du 6 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 3 janvier 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser la somme de 1 500 euros à Me Shibaba, moyennant renoncement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2006 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- les observations de Me Leguil-Duquesne avocat de M. X et de M. Guinet représentant le préfet du Rhône ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;


Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...). » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité tunisienne, entré en France le 19 juillet 2000, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa d'une validité de trente jours délivré le 4 juillet 2000, a épousé le 26 novembre 2003 à Lyon, Mlle Romana Maarouk, de nationalité française ; que, par décision du 15 juillet 2004, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande du 1er décembre 2003 de titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française et l'a invité à quitter le territoire ;

Considérant que, si M. X soutient que le préfet du Rhône ne pouvait pas légalement fonder l'arrêté attaqué sur la décision de refus de séjour du 15 juillet 2004 qui ne lui aurait pas été notifiée, il ressort des pièces du dossier que le pli contenant cette décision lui a été adressé, par envoi recommandé avec avis de réception, à une adresse dont il ne soutient pas qu'elle n'aurait pas été celle qu'il avait communiquée au préfet des Alpes-Maritimes ; que ce pli a été présenté à cette adresse par La Poste, le 20 juillet 2004 ; qu'étant alors absent le requérant a été avisé de la mise en instance de cet envoi qu'il n'a pas retiré et qui a été retourné, le 5 août 2005, au préfet avec la mention «non réclamé - retour à l'envoyeur» ; que, dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. X le 20 juillet 2004 ;

Considérant que M. X, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision de refus de séjour susmentionnée ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 3 janvier 2006, il se trouvait dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dans sa rédaction issue de l'avenant du 8 octobre 2003, entré en vigueur le 1er novembre 2003 : « 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française (...) » ; que M. X, qui n'était pas en situation de séjour régulier sur le territoire français, ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir de ces dispositions pour soutenir qu'il devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susmentionné : « Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale. » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé (...) » ;

Considérant que M. X se prévaut des dispositions de l'article 108 du code civil en vertu desquelles les époux peuvent avoir un domicile distinct, sans pour autant qu'il soit porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ; qu'il ressort des pièces du dossier que, depuis juin 2004, l'épouse de M. X ne résidait plus avec lui à Nice mais chez sa mère, à Lyon ; que son épouse a elle-même reconnu qu'ils avaient contracté un mariage blanc ; que ni les documents produits par le requérant, notamment un bail de location à Nice signé le 13 mai 2004 pour une durée renouvelable de deux mois et des copies de mandats adressés à son épouse à Lyon, en juillet et août 2005, ni le fait qu'il aurait rendu régulièrement visite à celle-ci, ne permettent, dans les circonstances de l'espèce, d'établir qu'à la date de l'intervention de l'arrêté attaqué il existait une communauté de vie entre les époux, alors même qu'ils avaient un domicile distinct et qu'aucune procédure de divorce n'aurait, en réalité, été introduite par son épouse ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le premier juge aurait méconnu les dispositions de l'article 108 du code civil doit être écarté ; que, d'autre part, M. X, qui ne remplissait pas les conditions de vie commune avec sa conjointe posées par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313 ; ;11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut pas se prévaloir de ces dispositions pour prétendre qu'il devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière (…) : (…) 7° L'étranger marié depuis au moins deux ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé (…) » ; que si M. X s'est marié à Lyon, le 26 novembre 2003, avec une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la communauté de vie avec son épouse avait cessé à la date de l'intervention de l'arrêté attaqué ; que, par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les dispositions précitées de L. 511-4 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que, si M. X se prévaut de la réalité d'une vie commune avec son épouse, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la communauté de vie entre les époux avait cessé ; que le requérant, entré en France en 2000 à l'âge de 27 ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a déclaré que résident ses parents et ses frères ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 3 janvier 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision fixant le pays de destination d'une mesure de reconduite à la frontière ; que M. X, qui n'invoque aucun autre moyen à l'encontre de la décision attaquée, n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône du 3 janvier 2006 fixant le pays dont il a la nationalité, ou tout autre pays où il établirait être admissible, comme destination de la reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser quelque somme que ce soit à Me Shibaba, avocat de M. X, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;



DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 06LY00117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00117
Date de la décision : 05/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : JEAN BAUDOUIN KAKELA SHIBABA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-07-05;06ly00117 ?
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