Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 22 mars 2006, présentée pour Mme Sanela X, domiciliée ..., par Me Guérault, avocat au barreau de Lyon ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0507669 du 25 novembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ain du 8 novembre 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer son droit au séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, Me Guérault, la somme de 1 196 euros TTC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 octobre 2006 :
- le rapport de M. du Besset, président ;
- les observations de Me Guérault, avocat de Mme X ;
- et les conclusions de M. Puravet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme X tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2005, par lequel le préfet de l'Ain a décidé qu'elle serait reconduite à la frontière, et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué examine l'ensemble des moyens invoqués et comporte une motivation qui ne peut être regardée comme insuffisante ; qu'il n'est ainsi entaché d'aucune irrégularité ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante de la Bosnie Herzégovine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 16 septembre 2005, de la décision du préfet de l'Ain du 14 septembre 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, après avoir reproduit les dispositions citées plus haut de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté de reconduite à la frontière précise que Mme X a fait l'objet d'un refus de titre de séjour le 14 septembre 2005, assorti d'une invitation à quitter le territoire, notifié le 16 septembre 2005 ; que, dès lors, qu'il ressortait clairement des mentions de l'arrêté que la durée du maintien de Mme X sur le territoire national était supérieure au délai d'un mois fixé par ces dispositions, le préfet n'avait pas à préciser cette durée ; que, d'autre part, après avoir indiqué la date et le lieu de naissance de Mme X et évoqué les décisions de rejet de ses demandes de statut de réfugié, d'asile territorial et de titre de séjour, le préfet a estimé qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée aux droits de la requérante au respect de sa vie privée et familiale ; que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'enfin, le préfet n'avait pas l'obligation de viser l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ; que, par suite, et alors que l'arrêté en litige contenait les indications de fait et de droit qui en constituaient le fondement, le moyen tiré de qu'il serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'arrêté en litige, qui est motivé, notamment, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par la circonstance qu'il n'est pas porté atteinte au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale, ce qui implique un examen particulier de sa situation, mentionne aussi les dispositions des articles 7 et 11 du décret du 30 juin 1946, il ne peut en être déduit que le préfet aurait estimé que Mme X ne pouvait pas être admise au séjour du seul fait de son entrée irrégulière sur le territoire national ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) » ;
Considérant que Mme X, née le 10 juillet 1979, entrée irrégulièrement sur le territoire français le 26 octobre 2001, avec son époux, fait valoir que leurs deux enfants sont nés en France le 17 février 2003 et le 25 mars 2005, que l'aîné a été scolarisé en école maternelle en septembre 2005, après avoir fréquenté une halte garderie dès le mois de mai 2005 et que l'ensemble de la famille est parfaitement intégrée et bénéficie de nombreux soutiens ; que son époux a bénéficié de deux promesses d'embauche en octobre 2004 et septembre 2005 ; que, toutefois, M. X qui a fait également l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière du préfet de l'Ain le 8 novembre 2005 peut accompagner la requérante en cas de retour dans leur pays d'origine ; que Mme X et son époux ne sont pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine qu'ils ont quitté récemment ; que s'ils ont noué en France des relations personnelles, ces relations ne présentent pas un caractère suffisamment stable et ancien, eu égard à la durée de leur séjour sur le territoire national ; qu'ainsi le préfet n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ;
Considérant que ni la circonstance que les enfants de Mme X sont nés en France en 2003 et 2005 et que l'aîné est scolarisé en maternelle depuis septembre 2005, ni le fait qu'ils pourraient obtenir la nationalité française s'ils demeuraient dans ce pays, ne sont de nature à établir que l'arrêté attaqué n'aurait pas regardé l'intérêt supérieur des enfants comme une considération primordiale ; qu'il n'est démontré ni que ces enfants ne puissent pas être scolarisés en Bosnie-Herzégovine ni qu'ils ne pourraient pas quitter le territoire français avec leurs parents ; que l'exécution de l'arrêté en litige qui n'aura pas pour effet de priver les enfants de la présence de leurs parents ne porte donc pas atteinte à l'unicité de la famille de Mme X ; que, par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Considérant, enfin, que si Mme X soutient par voie d'exception que la décision du 14 septembre 2005, par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'illégalité, elle invoque à cet effet les mêmes moyens que ceux précédemment analysés ; que ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «(…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » et que ce dernier texte énonce que «Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que Mme X fait valoir qu'elle a, ainsi que son époux, subi des violences à leur domicile de la part d'une dizaine d'hommes armés, après que celui-ci avait tenté, le 21 octobre 2001, d'avertir ses supérieurs de la présence, dans le bâtiment où il était gardien, d'un groupe de moudjahidins recherchés par les autorités ; qu'à la suite de cette agression elle a perdu l'enfant qu'ils attendaient ; que, toutefois, ni le certificat médical, établi le 21 octobre 2001 par un gynécologue de Visoko, ni les certificats médicaux établis en novembre 2002 pour chacun des époux X ne permettent d'établir que les traumatismes et séquelles diagnostiqués et leurs conséquences seraient consécutifs aux représailles dont se prévaut la requérante ; que ni son récit ni les autres documents produits ne permettent d'établir la réalité des faits allégués ; que, par suite, Mme X, dont, par ailleurs, les demandes d'asile ont été examinées à deux reprises par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et par la commission des recours des réfugiés, ne démontre pas que sa vie ou sa liberté serait menacée ou qu'elle serait personnellement exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Bosnie- -Herzégovine ; que, par suite la décision du préfet de l'Ain du 8 novembre 2005 fixant le pays de destination de la reconduite ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations et dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
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N° 06LY00617