Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2002, présentée par Mme Bernadette X, domiciliée ... ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 012563 du 14 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 20 avril 2001 autorisant la société Autogrill Côté France, à la licencier ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2006 :
- le rapport de M. Clot, président-assesseur ;
- les observations de Mme X et de Me Lebihan, substituant Me Olivier, avocat de la société Autogrill Côté France ;
- et les conclusions de M. Kolbert, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-3 du code du travail, issu du I de l'article 30 de la loi du 19 janvier 2000 susvisée : « La seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail. » ; qu'aux termes du II de l'article 30 de la même loi : « (…) Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-17 du code du travail. » ; que ces dernières dispositions sont relatives au licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
Considérant que, dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, le salarié investi d'un mandat représentatif ne peut se voir imposer aucune modification de ce contrat, non plus que de ses conditions de travail, et ne commet donc aucune faute en refusant cette modification ; que si, selon les dispositions précitées de l'article L. 212-3 du code du travail, la seule réduction du nombre d'heures stipulé au contrat, en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une telle modification, et donc ne peut être refusée sans faute du salarié, cette dérogation ne s'applique qu'à la réduction du nombre d'heures stipulé au contrat, et ne joue pas si d'autres stipulations contractuelles sont modifiées, même par l'effet d'un accord sur la réduction du temps de travail ;
Considérant toutefois qu'il résulte des dispositions précitées du II de l'article 30 de la loi du 19 janvier 2000, qui doivent être regardées comme visant, outre ces dernières modifications lorsqu'elles procèdent d'un accord sur la réduction du temps de travail, celles qui affectent, en raison d'un tel accord, les conditions de travail, que le refus de ces changements est de nature à justifier un licenciement, qui ne repose pas sur un motif économique ; que, lorsqu'il émane d'un salarié investi d'un mandat représentatif, ce licenciement ne peut non plus, conformément au principe ci-dessus énoncé, être regardé comme reposant sur une faute ;
Considérant que dans ces conditions, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement visant un tel salarié et motivée par son refus d'accepter les modifications, autres que la durée du travail, de son contrat de travail ou de ses conditions de travail procédant de l'application d'un accord de réduction de la durée du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si, compte-tenu des droits du salarié concerné et de sa situation particulière d'une part, de l'atteinte susceptible d'être portée d'autre part aux intérêts de l'employeur et des autres salariés, ce refus constitue une cause réelle et sérieuse du licenciement envisagé ;
Considérant que la société Autogrill Côté France a informé chacun de ses salariés par lettre du 24 janvier 2000 de ce que la durée hebdomadaire moyenne de travail appréciée sur une année serait, à compter du 1er février 2000, de trente-cinq heures en moyenne hebdomadaire, conformément à l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail signé le 22 décembre 1999, et que cette durée hebdomadaire de travail pourrait fluctuer dans l'année en fonction du programme de modulation annexé à cet accord ; qu'elle a licencié ceux des salariés qui, non investis d'un mandat représentatif, n'ont pas accepté cette modulation des horaires de travail ; que Mme X, membre titulaire du comité d'établissement, ayant refusé cette modulation, la société Autogrill Côté France a demandé à l'inspecteur du travail, en application des dispositions de l'article L. 436-1 du code du travail, l'autorisation de la licencier ; que le refus qui lui a été opposé a été annulé, sur recours hiérarchique, par une décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 20 avril 2001, qui a autorisé le licenciement de l'intéressée ; que pour prendre cette décision, le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que Mme X avait, en refusant d'accepter les horaires de travail qui lui étaient proposés, commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, sans rechercher si, compte tenu des droits de l'intéressée, l'atteinte que son refus était susceptible de porter aux intérêts de son employeur et des autres salariés de l'entreprise pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la société Autogrill Côté France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Autogrill Côté France, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, bénéficie de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 14 mars 2002 et la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 20 avril 2001 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la société Autogrill Côté France tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 02LY00922