Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 juillet 2006, présenté par le PREFET DU PUY DE DOME ;
Le PREFET DU PUY DE DOME demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0603460 du 9 juin 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé sa décision du 7 juin 2006 fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière dont M. Nacereddine X a fait l'objet par arrêté du même jour ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Lyon par M. X ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2007 :
- le rapport de Mme Lorant, présidente ;
- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le PREFET DU PUY DE DOME a, par arrêté du 7 juin 2006, ordonné la reconduite à la frontière de M. X et par décision distincte du même jour, fixé l'Algérie, pays dont l'intéressé a la nationalité, comme destination de cette reconduite ; qu'étant saisi par M. X de conclusions tendant à l'annulation tant de l'arrêté de reconduite à la frontière que de la décision fixant le pays de destination, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a, par l'article 2 du jugement attaqué, rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté susmentionné, et, par l'article 1er de ce jugement, annulé la décision fixant le pays de renvoi ; que le PREFET DU PUY DE DOME fait appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette annulation ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-4 du code de justice administrative : « (…) La décision attaquée est produite par l'administration » ; qu'aux termes de l'article R. 776-12 du même code : « Jusqu'au moment où l'affaire est appelée, les parties peuvent présenter des conclusions ou observations écrites. » et qu'aux termes de l'article R. 776-13 dudit code : « Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou son délégué, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations.(…) Les observations orales peuvent être présentées au nom de l'Etat par le préfet du département dans lequel est situé le centre de rétention administrative où se trouve l'étranger lors de l'introduction de son recours (…) » ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, applicables en première instance en matière de reconduite à la frontière, que si dans le cadre de la procédure orale qui succède à l'instruction contradictoire écrite les parties peuvent produire des documents nouveaux à l'appui de leurs observations orales, l'instruction écrite est normalement close, en application de l'article R. 776 ;12, au moment où l'affaire est appelée ; que toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une partie qui n'en a pas exposé les éléments dans le cadre de la procédure orale, il lui appartient de faire application dans ce cas particulier des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction ; qu'à ce titre, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi, au demeurant, que de le viser sans l'analyser ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé - il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que dans tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire, il doit - à l'exception de l'hypothèse particulière dans laquelle il s'agit pour le juge de la reconduite de se fonder sur un moyen qu'il devait relever d'office, - le soumettre au débat contradictoire, soit en suspendant l'audience pour permettre à l'autre partie d'en prendre connaissance et de préparer ses observations, soit en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure ;
Considérant qu'en l'espèce, si le PREFET DU PUY DE DOME, qui n'était ni présent ni représenté lors de l'audience au cours de laquelle la demande de M. X dirigée contre l'arrêté de reconduite à la frontière du 7 juin 2006 a été examinée, fait valoir qu'il avait transmis en temps utile ses observations en défense par télécopie au greffe du Tribunal administratif de Lyon, il ressort des pièces du dossier que, alors que par courrier du 8 juin 2006, faxé le jour même et reçu à 16H35, le greffe du Tribunal administratif de Lyon avait avisé le PREFET DU PUY DE DOME que l'audience publique se tiendrait le 9 juin à 10H00 et l'a invité à transmettre le dossier de l'intéressé dans les meilleurs délais et que cette demande a été renouvelée le 9 juin 2006 par fax reçu à 8H51, le mémoire en défense du préfet et les pièces annexées, notamment les décisions attaquées, soit 57 pages transmises par fax, ont été réceptionnés au Tribunal de 10H01 à 10H22 ; qu'ainsi la totalité de ce mémoire n'est parvenue au Tribunal qu'après l'appel de l'affaire, comme en attestent les mentions du jugement ; que si ce mémoire contenait l'exposé de circonstances de fait contestant les allégations de M. X, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas été en mesure d'en faire état avant la clôture de l'instruction écrite qui est résultée de l'appel de l'affaire ; que, eu égard à la brièveté du délai imparti au juge pour statuer en matière de reconduite, le délai laissé au préfet doit être regardé comme suffisant pour lui permettre de présenter ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en statuant sans tenir compte des observations écrites du PREFET DU PUY DE DOME, le juge de première instance aurait entaché son jugement d'irrégularité doit être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de prévenir un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que, pour annuler la décision du PREFET DU PUY DE DOME du 7 juin 2006, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon, s'est fondé sur ce qu'à défaut d'observations présentées par le préfet avant l'appel de l'affaire lors de l'audience publique du 9 juin 2006, devait être regardée comme établie devant le juge administratif la matérialité des faits résultant de la décision du Conseil d'Etat du 30 septembre 2002, confirmant le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 octobre 2001 qui a annulé la décision du PREFET DU PUY DE DOME du 12 octobre 2001 désignant l'Algérie comme pays de renvoi de M. X, qui faisait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière à destination de l'Algérie, au motif, revêtu de l'autorité de la chose jugée, qu'il était établi que M. X encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, de graves menaces pour sa vie et qu'ainsi la décision du 12 octobre 2001 était intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision susmentionnée du Conseil d'Etat concerne l'appréciation de la légalité de la décision susmentionnée du 12 octobre 2001 en fonction de la situation de droit et de fait existant à cette date ; que l'autorité de la chose jugée de la décision du Conseil d'Etat s'attache tant à son dispositif qu'au motif qui en est le soutien nécessaire ; que, dès lors, la reconduite de M. X en Algérie ne pouvait être à nouveau décidée par l'autorité administrative qu'à la condition que des faits nouveaux, postérieurs à la décision annulée par le conseil d'Etat et de nature à établir la disparition des circonstances ayant pu faire obstacle à décision d'éloignement vers l'Algérie, soient intervenus ; que, toutefois, le PREFET DU PUY DE DOME n'établit pas, comme il peut le faire pour la première fois en appel, que la situation en Algérie se soit à ce point améliorée que M. X n'encourrait plus, en cas de retour dans son pays d'origine, de graves menaces pour sa vie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU PUY DE DOME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 7 juin 2006 fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière dont M. X a fait l'objet ;
Sur les conclusions à fins d'injonction présentées par M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. » ;
Considérant que M. X demande à la Cour d'enjoindre au PREFET DU PUY DE DOME de lui délivrer un titre de séjour ; que le présent arrêt qui confirme l'annulation d'une décision fixant le pays de destination d'une reconduite à la frontière, n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour ; que, dès lors, les conclusions à fins d'injonction présentées par M. X ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. X est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; que ses conclusions tendant au versement d'une somme au bénéfice de son avocat sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, doivent être regardées comme présentées par son avocat au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, l'Etat étant dans la présente instance la partie perdante, il y a lieu de faire droit à cette demande, sous réserve que Me Vibourel, avocat de M. X, renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du PREFET DU PUY DE DOME est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à l'avocat de M. X, Me Vibourel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Vibourel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Les conclusions à fins d'injonction présentées par M. X sont rejetées.
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N° 06LY01457