La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2007 | FRANCE | N°06LY02009

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 11 octobre 2007, 06LY02009


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 septembre 2006, présenté pour le PREFET DU RHÔNE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHÔNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605079 en date du 28 août 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 août 2006, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Ridha X ainsi que ses décisions distinctes du même jour, d'une part, fixant le pays dont l'

intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite et, d'autre part d...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 septembre 2006, présenté pour le PREFET DU RHÔNE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHÔNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605079 en date du 28 août 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 août 2006, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Ridha X ainsi que ses décisions distinctes du même jour, d'une part, fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite et, d'autre part décidant le placement de ce dernier en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif ;

---------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2007 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- les observations de M. Guinet, représentant le préfet du Rhône ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivant : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 20 janvier 2006, de la décision du PREFET DU RHONE du 11 janvier 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 23 août 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que la substitution de base légale effectuée par le premier juge au profit de ces dispositions est régulière et fondée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit (…) 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (…) » ; qu'aux termes de l'article 7-5 introduit dans le décret du 30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : « Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. (…). Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (…) » et qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions : « Au vu du dossier médical qui lui est communiqué par l'intéressé lui-même ou, à la demande de celui-ci, les médecins traitants, et de tout examen complémentaire qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé (…) » ;

Considérant que pour annuler la mesure de reconduite à la frontière en litige, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé qu'en refusant, par décision du 11 janvier 2006, de délivrer à M. X un titre de séjour en qualité d'étranger malade, alors même que le médecin inspecteur de santé publique n'avait pas émis d'avis préalable, le PREFET DU RHONE avait entaché sa décision d'un vice de procédure ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le certificat médical du 16 août 2005 du Dr Garcon, que M. X avait fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour, répondait aux exigences de l'article 3 précité de l'arrêté du 8 juillet 1999, le Dr Garcon n'ayant pas la qualité de médecin agréé ou de praticien hospitalier ; qu'ainsi, la demande de titre de séjour était irrégulière et le refus de délivrance de titre de séjour en qualité d'étranger malade a pu régulièrement intervenir sans avis préalable du médecin inspecteur de santé publique ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur ce motif pour annuler la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X, tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 5 avril 2006, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône le 11 avril 2006, M. Christophe Bay, secrétaire général de la préfecture du Rhône, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X fait valoir que son état de santé n'est pas mentionné par l'arrêté de reconduite à la frontière ; que, toutefois, si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; que, par suite, l'arrêté de reconduite à la frontière, qui contient les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est insuffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il risque de perdre totalement la vue en cas de retour dans son pays, il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que les soins que son état de santé requiert ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien sus-mentionné et les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si M. X fait valoir que sa vie privée et familiale effective se situe désormais sur le territoire français, il n'apporte aucune précision de nature à permettre d'apprécier l'intensité de sa vie privée et familiale en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est âgé de trente et un ans, célibataire et sans enfant, que sa famille vit en Algérie et qu'il n'est présent sur le territoire français que depuis trois ans ; que, dans ces conditions, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que par arrêté du 5 avril 2006, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône le 11 avril 2006, M. Christophe Bay, secrétaire général de la préfecture du Rhône, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer notamment les décisions désignant le pays de destination des reconduites à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si M. X se borne à soutenir que, compte tenu de son état de santé, un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants, il n'en apporte pas la preuve ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté ;

Sur la légalité de la décision distincte décidant le placement en rétention administrative :
Considérant que par arrêté du 5 avril 2006, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône le 11 avril 2006, M. Christophe Bay, secrétaire général de la préfecture du Rhône, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer notamment les décisions décidant le placement en centre de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 août 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;



DECIDE :


Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 28 août 2006 est annulé.
Article 2: La demande présentée par M. X devant le premier juge est rejetée.

1

2
N° 06LY02009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06LY02009
Date de la décision : 11/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-10-11;06ly02009 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award