Vu I/ le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 16 octobre 2006, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;
Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604515 en date du 3 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Merzudin X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif ;
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Vu II/ le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 16 octobre 2006, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;
Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604516 en date du 3 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2007 :
- le rapport de M. Vialatte, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux recours susvisés présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme X, ressortissants de Bosnie-Herzégovine, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 15 juillet 2006, des décisions du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 13 juillet 2006 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés attaqués, le 11 septembre 2006, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que si, à l'appui de leurs demandes d'annulation des arrêtés ordonnant leur reconduite à la frontière, M. et Mme X faisaient valoir que leurs deux enfants, nés en 2000 et 2003, étaient scolarisés en France et qu'ils faisaient preuve d'intégration tant au niveau social que professionnel, il ressort toutefois des pièces des dossiers qu'ils sont arrivés sur le territoire français depuis moins de deux ans et qu'étant tous deux en situation irrégulière, rien ne les empêche de repartir ensemble, accompagnés de leurs deux enfants, en Bosnie-Herzégovine, où réside notamment la mère de Mme X ; que, dès lors, les arrêtés décidant la reconduite à la frontière de M. et Mme X ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour prononcer l'annulation des mesures d'éloignement en litige ;
Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la légalité externe des arrêtés de reconduite à la frontière :
Considérant que les arrêtés de reconduite à la frontière contestés ont été signés par M. Rémi Caron, nommé PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE par décret du président de la République du 20 décembre 2004, publié au Journal officiel de la République française du 24 décembre 2004 ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes manque en fait ;
Considérant que ces arrêtés de reconduite à la frontière énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles ils se fondent ; qu'ils sont, par suite, suffisamment motivés ;
Sur la légalité interne des arrêtés de reconduite à la frontière :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité des refus de titre de séjour du 13 juillet 2006 :
Considérant que, pour les motifs ci-avant énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité externe des arrêtés de reconduite à la frontière, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des refus de titre de séjour du 13 juillet 2006 doit être écarté ; que ces décisions sont suffisamment motivées ;
Considérant que, pour les raisons ci-avant énoncées pour censurer le motif retenu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble, les moyens tirés de la méconnaissance, par les refus de séjour, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées ces décisions doivent être écartés ;
En ce qui concerne les autres moyens :
Considérant que, pour les raisons ci-avant énoncées pour censurer le motif d'annulation retenu par le premier juge, le moyen tiré de ce que les arrêtés de reconduite à la frontière contestés seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
Considérant que M. et Mme X ne sauraient utilement invoquer des énonciations contenues dans les circulaires du 30 octobre 2004, du 31 octobre 2005 et du 13 juin 2006 du ministre de l'Intérieur, qui sont dépourvues de tout caractère réglementaire ;
Sur les décisions distinctes fixant le pays de destination
Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux ci-avant énoncés relatifs à la légalité externe des arrêtés de reconduite à la frontière, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions fixant le pays de destination des reconduites doit être écarté ; que ces décisions sont suffisamment motivées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que M. et Mme X n'établissent pas qu'ils seraient personnellement exposés à des risques ou des menaces en cas de retour en Bosnie-Herzégovine ; que, dès lors, en désignant ce pays comme destination des reconduites à la frontière, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 11 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont ils ont la nationalité comme destination des reconduites ;
DECIDE :
Article 1er : Les jugements du 3 octobre 2006 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.
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N° 06LY02088…