Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 5 janvier 2007, présentée pour M. Dan X, ..., par Me Mathieu, avocat au barreau de Lyon ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0607418 en date du 6 décembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 1er décembre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt, et sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 650 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2007 :
- le rapport de M. Bernault, président ;
- les observations de Me Mathieu, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité ivoirienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 21 avril 2006, de la décision du préfet de la Savoie du 19 avril 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 1er décembre 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet du Rhône peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, né le 16 août 1980, est entré sur le territoire français le 17 juillet 2004, à l'âge de 23 ans muni d'un visa de 90 jours délivré par les autorités belges, que le jugement du Tribunal de première instance d'Abidjan Plateau de la Côte d'Ivoire du 24 février 2006 a prononcé l'adoption simple par M. Pierre Beguin de M. X, que l'administration ne conteste pas la validité du jugement d'adoption mentionné ci-dessus ; qu'à ce titre que, M. X occupe l'appartement de son père adoptif à Lyon où il est inscrit à l'Ecole nationale de musique à Villeurbanne, qu'il subvient à ses besoins, qu'il est très bien intégré en France, que son seul frère en Côte d'Ivoire est décédé, qu'il n'existe plus de lien entre lui et ses parents biologiques ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment qu'eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'arrêté attaqué a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. SAMOHORO est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;
Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Rhône de délivrer, sans délai, à M. X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation au regard du droit au séjour dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 650 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au bénéfice de Me Mathieu, conseil de M. X, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 décembre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon, ensemble l'arrêté du préfet du Rhône en date du 1er décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision préfectorale distincte du même jour désignant le pays de destination de la reconduite sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. X et de réexaminer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, la situation de M. X au regard du droit au séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 650 euros à M. X ou à son conseil.
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N° 07LY00026