Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2005, présentée pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN dont le siège est 32 cours de Verdun à Bourg-en-Bresse (01006), représenté par son président en exercice, à ce dûment habilité par délibération du 10 avril 2001 ;
Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0203749 en date du 21 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 25 juin 2002 par laquelle la commission d'appel d'offres du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN a écarté la candidature de la SCOP Dubost réseaux travaux publics et l'a condamné à verser à cette société la somme de deux cent cinquante mille euros (250 000 euros) en réparation du préjudice né de cette illégalité et la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
2°) à titre principal, de rejeter les demandes de la SCOP Dubost réseaux travaux publics devant le Tribunal administratif de Lyon et, à titre subsidiaire de ramener le montant de l'indemnité allouée au préjudice réellement justifié par la SCOP Dubost réseaux travaux publics ;
3°) de condamner la SCOP Dubost réseaux travaux publics à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'arrêté ministériel du 28 août 2001 modifié, pris en application de l'article 45, alinéa premier, du code des marchés publics et fixant la liste des renseignements et/ou documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2008 :
- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;
- les observations de Me Guillaume, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN et de Me George, avocat de la SCOP Dubost réseaux travaux publics ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN a publié au cours de l'année 2002 un avis d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché à bons de commande portant sur la réalisation de ses programmes de travaux des années 2002, 2003 et 2004 ; que la SCOP Dubost réseaux travaux publics a présenté une offre pour quatre des trente-cinq lots de ce marché ; que, par une lettre du 26 juin 2004, le président du syndicat intercommunal lui a fait savoir que la commission d'appel d'offres avait décidé d'écarter sa candidature sans procéder à l'examen de son offre ; que la décision de la commission d'appel d'offres, en date du 25 juin 2002, était motivée par le non respect par la société requérante de l'article 31-14 du règlement de la consultation ; que cette disposition du règlement de la consultation imposait aux soumissionnaires de produire, dans la première enveloppe contenant les renseignements et documents relatifs à leur capacité technique, un exemple de dossier de récolement conforme aux dispositions du cahier des clauses techniques particulières du marché, qui devait notamment être réalisé avec un logiciel compatible avec les systèmes d'information géographique des communes, conforme à la norme française EDIGEO ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 25 juin 2002 et a condamné le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN à verser à la SCOP Dubost réseaux travaux publics la somme de 250 000 euros en réparation du préjudice né de cette illégalité ;
Sur l'appel principal du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur : « Pour les marchés autres que ceux qui sont mentionnés aux articles 28, 29 et 31, les prestations qui font l'objet du marché sont définies par référence aux normes homologuées, ou à d'autres normes applicables en France en vertu d'accords internationaux, dans les conditions et avec les dérogations prévues par le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation. La référence à des normes ne doit pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l'ouverture des marchés publics à la concurrence. » ; qu'aux termes de l'article 45 du même code : « A l'appui des candidatures, il ne peut être exigé que : 1°) Des renseignements permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat (...). La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie (...) » ; qu'aux termes de l'article 52 du même code : « Les candidatures qui ne sont pas recevables en application des articles 43, 44 et 47, qui ne sont pas accompagnées des pièces mentionnées aux articles 45 et 46 ou qui ne présentent pas des garanties techniques et financières suffisantes ne sont pas admises » ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 28 août 2001 pris pour application des dispositions précitées de l'article 45 du code des marchés publics : « A l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats, l'acheteur public ne peut demander que les renseignements ou l'un des renseignements et les documents ou l'un des documents suivants : (...) ; - échantillons, descriptions et/ou photographies des fournitures (...) » ;
Considérant qu'en l'espèce, l'exemple de dossier de récolement conforme aux dispositions du cahier des clauses techniques particulières du marché dont la production était exigée, comme dit précédemment, par l'article 31-14 du règlement, doit être regardé comme constituant un échantillon au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'un tel document ne correspondait à aucun des renseignements, documents et attestations dont la production peut être exigée des candidats ou des soumissionnaires pour annuler la décision du 25 juin 2002 par laquelle la commission d'appel d'offres du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN a écarté la candidature de la SCOP Dubost réseaux travaux publics ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCOP Dubost réseaux travaux publics tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant que, si les dispositions de l'article 45 du code des marchés publics alors applicable et l'arrêté du 28 août 2001 pris pour son application prévoient que la capacité professionnelle d'un candidat à un marché public de travaux, de fournitures et de services peut être démontrée au moyen d'échantillons au stade de la sélection des candidatures, une telle exigence doit être objectivement rendue nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser ;
Considérant qu'en l'espèce, l'exemple de dossier de récolement conforme aux dispositions du cahier des clauses techniques particulières du marché, qui devait notamment être réalisé avec un logiciel compatible avec les systèmes d'information géographique des communes, conforme à la norme française EDIGEO, excédait ce qui était objectivement nécessaire pour évaluer la capacité professionnelle des entreprises candidates dès lors que la seule production d'un exemple de plan numérisé suffisait, indépendamment du logiciel utilisé, à établir leur aptitude à dresser un plan de récolement conforme aux stipulations du marché ; que si le syndicat soutient que l'entreprise aurait pu présenter une certification EDIGEO, le règlement de la consultation ne prévoit pas cette faculté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 25 juin 2002 de la commission d'appel d'offres ;
Considérant, en second lieu, que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi, celui-ci incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
Considérant que si le syndicat soutient que rien n'établit que la seconde enveloppe contenant l'offre de l'entreprise produite devant le juge soit celle qu'il a reçue, il lui appartenait de la timbrer avant de la retourner à l'entreprise ; qu'il résulte de l'examen de cette seconde enveloppe figurant au dossier de première instance et ouverte par les premiers juges que le moyen tiré du défaut de signature de l'acte d'engagement manque en fait ; que, dès lors, la commission d'appel d'offres n'était pas tenue de rejeter l'offre de la SCOP Dubost réseaux travaux publics ; qu'il résulte de l'instruction que non seulement la SCOP Dubost réseaux travaux publics n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché mais qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter le marché sans qu'il y ait lieu de prendre en considération le droit de préférence des SCOP ; qu'ainsi elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;
Considérant que si le syndicat fait valoir que la méthode d'indemnisation retenue par le tribunal administratif qui assoit sa décision sur la valeur estimée des 4 lots pour lesquels l'entreprise s'était portée candidate est contestable, il n'assortit ce moyen d'aucune des précisions nécessaires à en apprécier le bien-fondé ; que, de même, il n'y a pas lieu de prendre en considération la particularité d'un marché à bons de commande sans maximum et sans minimum alors même qu'il serait aléatoire quant au montant des travaux susceptibles d'être alloués en fonction des besoins dans chacune des zones géographiques faisant l'objet d'un lot ; que la circonstance que le montant des lots réellement attribués est inférieur aux prévisions de la consultation est, en tout état de cause, sans incidence sur le montant des frais engagés qui n'ont d'ailleurs pas été compris en tant que tels dans l'indemnité allouée par les premiers juges ; que si une telle circonstance peut avoir un effet sur le montant du manque à gagner, le syndicat requérant ne démontre pas que l'indemnité allouée comprendrait un manque à gagner excédant celui qui résulterait du montant des marchés alloués ; qu'en l'absence de tout changement allégué dans les conditions d'exploitation de l'entreprise, les premiers juges pouvaient valablement se référer aux résultats d'exploitation constatés sur les exercices antérieurs pour évaluer le manque à gagner ;
Sur l'appel incident de la SCOP Dubost réseaux travaux publics :
Considérant, en premier lieu, que si la SCOP Dubost réseaux travaux publics persiste à demander en appel une somme de 343 630,10 euros au titre de la perte de chance d'obtenir les marchés, les premiers juges, en tenant compte du montant moyen du chiffre d'affaires attendu pour chacun des lots sur une durée de trois ans, du rabais proposé par la société requérante et des marges pratiquées par celle-ci, n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice résultant de son manque à gagner ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut dans le cas, comme en l'espèce, où l'entreprise est indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, de tels frais, d'un montant de 7 500 euros, n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
Considérant, enfin, que si l'entreprise demande une somme de 75 000 euros au titre du préjudice moral, elle ne justifie pas de la réalité d'un tel préjudice ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN ni la SCOP Dubost réseaux travaux publics ne sont fondés à demander l'annulation ou la réformation du jugement attaqué ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCOP Dubost réseaux travaux publics, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCOP Dubost réseaux travaux publics et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN et l'appel incident de la SCOP Dubost réseaux travaux publics sont rejetés.
Article 2 : Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ELECTRICITE DU DEPARTEMENT DE L'AIN versera à la SCOP Dubost réseaux travaux publics la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 05LY00028