Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 13 février 2007, présenté pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700041 en date du 18 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 janvier 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Rouben X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2008 :
- le rapport de M. Chabanol, président ;
- les observations de Me Schmitt, avocat du PREFET DU RHONE, et de Me Bidault, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité azerbaïdjanaise, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 20 janvier 2004 et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 7 janvier 2007 ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 1° du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. (...) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4º de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document. » ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la reconnaissance de la qualité de réfugié a été refusée à M. X par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 octobre 2004, confirmée le 5 septembre 2005 par la commission des recours des réfugiés ; que, par courrier du 12 mai 2006 reçu le 22 mai 2006 en préfecture, l'intéressé a demandé le réexamen de sa demande d'asile ; que, par décision du 1er juin 2006, prise sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DU RHONE a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, au motif que sa nouvelle demande d'asile constituait un recours abusif aux procédures d'asile et un moyen de faire échec à une mesure d'éloignement imminente ; que l'office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant par priorité en application de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa nouvelle demande d'asile par une décision du 4 juillet 2006 ; que M. X a formé contre cette décision un recours qui était encore pendant devant la commission des recours des réfugiés à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière du 7 janvier 2007 ;
Considérant qu'à l'appui de sa nouvelle demande d'admission provisoire au séjour en vue du réexamen de son dossier d'asile, M. X a produit le témoignage d'une ressortissante azérie concernant les discriminations et mauvais traitements subis par les personnes de son origine en Arménie, la copie d'une convocation auprès des autorités arméniennes d'un tiers accusé de désertion ainsi que la copie d'une convocation de M. X auprès d'un juge d'instruction de Moscou, pour être interrogé au sujet d'agressions perpétrées par des caucasiens à l'encontre de slaves ; que ces éléments, qui ne concernaient par directement et personnellement M. X ou les risques qu'il était susceptible d'encourir dans son pays d'origine, ne présentaient pas un caractère pertinent de nature à justifier le dépôt d'une demande de réexamen de son dossier d'asile ; qu'au vu des pièces qui lui étaient ainsi soumises, le PREFET DU RHONE a pu ainsi légalement estimer que cette nouvelle demande d'asile entrait dans le cas prévu au 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance que l'office français de protection des réfugiés et apatrides n'a pas opposé d'irrecevabilité à cette demande est sans influence sur la légalité de la décision du préfet ; que le PREFET DU RHONE a ainsi pu légalement, en application des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé et, d'autre part, prendre à son encontre et lui notifier une mesure d'éloignement, sans attendre que la commission des recours des réfugiés ait statué sur le recours formé à l'encontre de la décision de rejet de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dès lors, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que M. X n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a annulé, pour ce motif, la mesure d'éloignement en litige ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X, tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière du 7 janvier 2007 a été signé, pour le PREFET DU RHONE, par M. Bernard Guérin, sous-préfet de Villefranche-sur-Saône, qui avait régulièrement reçu, par arrêté du 8 mars 2006 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône, délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit donc être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, célibataire et sans enfant, n'est présent en France que depuis trois ans et que sa mère et sa soeur sont en situation irrégulière sur le territoire français ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant que cette décision a été signée, pour le PREFET DU RHONE, par M. Bernard Guérin, sous-préfet de Villefranche-sur-Saône, qui avait régulièrement reçu, par arrêté du 8 mars 2006 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône, délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer notamment les décisions désignant le pays de destination des reconduites à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit donc être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou doit être reconduit à la frontière est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que si M. X soutient ne pas être de nationalité azerbaïdjanaise, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de cette allégation, alors qu'il a affirmé, dans le courrier du 14 juin 2006 par lequel il a sollicité le réexamen de son dossier d'asile, avoir cette nationalité ; qu'il n'a pas demandé expressément au PREFET DU RHONE à être reconduit à destination d'un autre pays dans lequel il serait légalement admissible ;
Considérant que si M. X soutient que sa famille et lui-même ont subi des menaces et des violences en Arménie et en Russie, il n'apporte aucun élément précis et probant justifiant qu'il encourrait des risques personnels en cas de retour en Azerbaïdjan ; que, par suite, le PREFET DU RHONE a pu désigner ce pays comme destination de la reconduite sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que M. X, qui n'avait pas la qualité de réfugié à la date de la décision contestée, n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 applicable aux étrangers auxquels cette qualité a été reconnue ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 janvier 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 18 janvier 2007 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le premier juge ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
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N° 07LY00353