Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2005, présentée pour la société MATIERE, dont le siège est 1 place d'Iena à Paris (75116), représentée par son président en exercice ;
La société MATIERE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 001287 en date du 24 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 6 856 461,79 francs (1 045 260,86 euros) et de 659 682 francs (100 567,87 euros) assorties des intérêts moratoires à compter du 7 août 1998 et jusqu'à la date du règlement effectif ;
2°) de condamner l'Etat à verser lesdites sommes et lesdits intérêts ;
3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis le 5 juillet 2000 ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2008 :
- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'Etat a conclu, le 17 juillet 1996, un contrat de marché public avec la SA MATIERE ayant pour objet la construction d'un pont franchissant la voie ferrée Moulins-Mâcon, dans le cadre des travaux liés à la déviation de Dompierre-sur-Besbre ; que, le 23 octobre 1998, la société requérante adressa au directeur départemental de l'équipement de l'Allier le décompte général des travaux signé mais néanmoins assorti de nombreuses réserves et accompagné d'un mémoire de réclamations ; que, par une décision expresse datée du 28 janvier 1999, le directeur départemental de l'équipement rejeta la demande de rémunération complémentaire qu'il avait reçue le 28 octobre 1998 ; que, le 30 avril 1999, la SA MATIERE saisit du litige le comité consultatif interrégional de règlement amiable (CCIRA) qui émit son avis le 14 octobre 1999 ; que, le 6 janvier 2000, le directeur départemental de l'équipement proposa à la requérante le versement d'une somme forfaitaire de 1 400 000 francs (213 428,62 euros) au vu de l'avis dudit comité ; que la SOCIETE MATIERE fait appel du jugement en date du 24 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 6 856 461,79 francs (1 045 260,86 euros) et de 659 682 francs (100 567,87 euros) assorties des intérêts moratoires à compter du 7 août 1998 et jusqu'à la date du règlement effectif ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article 44 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur : « Les offres sont établies sous la forme d'un acte d'engagement établi en un seul original par les candidats aux marchés. L'acte d'engagement est signé par la personne responsable du marché. La liste de ces personnes est établie dans chaque département ministériel par arrêté du ministre. Cet arrêté précise, le cas échéant, les catégories de marchés qui, à raison de leur nature ou de leur montant, sont soumis à la signature du ministre (...) » ; qu'aux termes des dispositions de l'article 45 du même code « Les pièces constitutives du marché mentionnent au moins : 1°) L'indication des parties contractantes; 2°) La justification, par référence à l'arrêté visé à l'article 44, de la qualité de la personne signant le marché au nom de l'État (...) » ; qu'aux termes de l'article 153 du même code : « Les marchés donnent lieu à des versements soit à titre d'avances ou d'acomptes, soit à titre de règlement partiel définitif ou pour solde dans les conditions fixées par le présent chapitre. » ; qu'aux termes de l'article 177 du même code : « Les opérations effectuées par le titulaire d'un marché qui donnent lieu à versement d'avances ou d'acomptes ou à paiement pour solde doivent être constatées par un écrit dressé par l'administration contractante ou vérifié et accepté par elle. » ; qu'aux termes de l'article 239 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : « (...) II. sont constitués par un arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre chargé de l'économie et des finances, auprès du préfet désigné par ledit arrêté, des comités consultatifs régionaux ou interrégionaux de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés passés par les services extérieurs de l'Etat (...). / III. les comités mentionnés aux I et II ci-dessus ont pour mission de rechercher les éléments de droit ou de fait pouvant être équitablement adoptés en vue d'une solution amiable. / L'avis donné par le comité porte sur le principal et les intérêts de l'indemnité pouvant être accordée pour le règlement du différend ou litige » ; qu'aux termes de l'article 242 : « (...) Le titulaire du marché peut saisir directement le comité, dès lors que la personne responsable du marché ayant rejeté une de ses demandes, il est fondé à porter le différend ou le litige devant le ministre ou devant le représentant légal de l'établissement public (...) » ; qu'aux termes de l'article 246 : « Le comité notifie son avis dans un délai de six mois à compter de la saisine. Ce délai peut être prolongé par période de trois mois, par décision motivée du président. L'avis est notifié au ministre ou au représentant légal de l'établissement public contractant, ainsi qu'au titulaire du marché. (...) La date de cette notification fait courir le délai ci-après. / La décision du ministre ou du représentant légal de l'établissement public est notifiée au titulaire du marché et au secrétaire du comité dans les trois mois suivant l'avis du comité (...) » ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 44 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicable au marché passé entre l'Etat et la SOCIETE MATIERE : « (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation (...). Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (...) » ; qu'aux termes du 22 de l'article 50 : « Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage » ; qu'aux termes du 23 du même article : « La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. / Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après » ; qu'aux termes du 31 : « Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent (...) » ; qu'aux termes du 32 : « Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. / Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable (...) » ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code des marchés publics que le directeur départemental de l'équipement, signataire du marché et désigné comme personne responsable du marché par l'acte d'engagement, dispose, en cette qualité, du pouvoir d'engager l'Etat, maître d'ouvrage, dans les actes d'exécution de ce marché, au nombre desquels figure la décision d'opposer un refus à une réclamation présentée par l'entrepreneur sur le fondement des stipulations de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux publics et la décision qu'il appartient au maître de l'ouvrage de prendre, en vertu des dispositions de l'article 246 du code des marchés publics, au vu de l'avis émis par le comité consultatif de règlement amiable des marchés ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que seul le ministre avait la qualité de maître d'ouvrage et était compétent pour prendre une décision au vu de l'avis de ce comité ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du code des marchés publics et des stipulations du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux que la mise en oeuvre de la décision prise par le maître de l'ouvrage au vu de l'avis émis par le comité consultatif de règlement amiable des litiges, dans les conditions prévues à l'article 246 du code des marchés publics, n'est pas, sauf si elle le prévoit expressément, subordonnée à la passation d'un avenant ; que, lorsque le comité a été saisi d'un différend relatif au décompte général du marché, l'acceptation de cette décision par l'entrepreneur suffit à conférer un caractère définitif au décompte ; que, lorsque le comité consultatif de règlement amiable des litiges a été saisi après l'intervention de la décision visée au premier alinéa du 23 de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, les stipulations du second alinéa du même paragraphe ne s'appliquent pas à la décision prise par le maître de l'ouvrage au vu de l'avis émis par le comité, qui ne se substitue pas à la précédente ; que, par suite, la notification à l'entrepreneur de la décision prise au vu de l'avis du comité n'a pas pour effet de faire courir à son égard le délai de six mois prévu par le 32 de l'article 50 précité ; que lorsque l'entreprise n'accepte pas la décision prise au vu de l'avis émis par le comité, le délai de six mois prévu par le 32 de l'article 50 précité court à son égard à compter de la notification de la décision explicite prise par le maître d'ouvrage avant la saisine du comité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision du 28 janvier 1999 a été notifiée au plus tard à la requérante le 10 février 1999 ; que, signée par le directeur départemental de l'équipement de l'Allier, qui a rejeté conformément à l'article 50.23 précité, la réclamation de la SA MATIERE, elle a fait courir le délai de 6 mois prévu à l'article 50.32 ; que la saisine du comité consultatif interrégional de règlement amiable, le 28 avril 1999, a seulement suspendu le délai de recours prévu au même article ; qu'après que l'avis du CCIRA du 14 octobre 1999 eut été notifié aux parties par lettre en date du 5 novembre 1999, le directeur départemental de l'équipement de l'Allier a, par lettre du 6 janvier 2000, fait connaître à l'entreprise les suites qu'il entendait donner à l'avis du CCIRA en lui proposant une indemnisation à hauteur de 1 400 000 francs « toutes taxes et tous intérêts compris » ; que cette lettre constitue la décision qu'il appartenait au maître de l'ouvrage de prendre, en vertu des dispositions de l'article 246 du code des marchés publics, au vu de l'avis émis par le comité ; que cette proposition ne correspondant qu'à moins de la moitié des sommes retenues par le CCIRA, une première réunion a été organisée le 13 janvier 2000 à laquelle a succédé une seconde réunion le 11 février 2000 dans les locaux de la DDE ; que la SOCIETE MATIERE, qui se borne à soutenir que malgré ses demandes répétées, le maître d'ouvrage n'a jamais pris la peine de lui faire part de sa position, ne peut être regardée comme ayant accepté la décision du 6 janvier 2000 et ne saurait dès lors s'en prévaloir ; que le délai prévu à l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales a recommencé à courir au plus tard le 14 janvier 2000, date à laquelle, selon l'instruction, la requérante avait nécessairement reçu notification de cette décision ; qu'ainsi, ledit délai de 6 mois, était expiré le 5 juillet 2000, date d'enregistrement de la demande de la SOCIETE MATIERE devant le tribunal administratif ; que le caractère définitif du décompte résultant de l'expiration du délai précité faisait dès lors obstacle au bien-fondé de la demande de la SOCIETE MATIERE ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE MATIERE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SOCIETE MATIERE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE MATIERE est rejetée.
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N° 05LY00805