Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2006 et 25 juin 2007, présentés pour la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE, dont le siège est 62 rue de Caumartin à Paris (75442) Cedex 09, et pour Mme Florence X, domiciliée ... ;
La COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 034448 du 20 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Chambéry et le centre hospitalier universitaire de Grenoble soient condamnés solidairement à réparer le préjudice résultant, pour la COMPAGNIE L'EQUITE, de la contamination de M. Y par le virus de l'hépatite C lors de ses hospitalisations consécutives à l'accident de la circulation dont son assuré, M. X, a été déclaré entièrement responsable par le Tribunal de grande instance de Chambéry ;
2°) de condamner solidairement les centres hospitaliers susmentionnés à verser à la COMPAGNIE L'EQUITE la somme de 82 172,20 euros au titre de l'indemnisation des préjudices de M. Y nés de sa contamination et une somme à déterminer au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie pour la prise en charge de l'affection virale de la victime ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry et du centre hospitalier universitaire de Grenoble une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre le remboursement des timbres fiscaux afférents à la procédure ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2008 :
- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;
- les observations de Me Chatagnon, avocat de la COMPAGNIE L'EQUITE et de Mme X ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Jérôme Y a été grièvement blessé le 28 mai 1996 dans un accident de la circulation qui a entraîné le décès d'un autre conducteur, M. X ; que M. Y a été admis au centre hospitalier de Chambéry avant d'être transféré le jour même au centre hospitalier universitaire de Grenoble ; qu'il s'est révélé séropositif au virus de l'hépatite C en janvier 1997 ; que par un jugement en date du 25 novembre 2004, le Tribunal de grande instance de Chambéry a déclaré M. X seul et entièrement responsable de l'accident susmentionné, et a condamné Mme X et la COMPAGNIE L'EQUITE, assureur de M. X, à réparer l'ensemble des préjudices de M. Y, y compris ceux nés de la contamination virale ; que la COMPAGNIE L'EQUITE, subrogée dans les droits de son assuré et dans ceux de sa victime, et Mme X ont recherché devant le Tribunal administratif de Grenoble la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry et du centre hospitalier universitaire de Grenoble à raison de la contamination de M. Y par le virus de l'hépatite C et demandé qu'ils soient solidairement condamnés à réparer les préjudices en ayant résulté pour elles ; que les requérantes font appel du jugement du 20 octobre 2006 par lequel les premiers juges, après avoir estimé que la contamination litigieuse révélait une faute dans l'organisation du service public hospitalier, ont rejeté leur demande au motif que l'instruction n'avait pas permis de déterminer à quel centre hospitalier l'infection était imputable ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 1er septembre 1999 de l'expert désigné par le juge judiciaire, rapport qui peut être retenu à titre d'information par le juge administratif dès lors qu'il a été versé au dossier et soumis, de ce fait, au débat contradictoire des parties, qu'à la suite de l'accident, M. Y a été transporté au centre hospitalier de Chambéry où il a fait l'objet d'un bilan initial et d'une transfusion avec deux culots globulaires, avant d'être transféré au centre hospitalier universitaire de Grenoble ; que M. Y a subi dans ce dernier établissement, du 28 mai au 10 juillet 1996, de nombreux soins et deux interventions chirurgicales, accompagnées de transfusions sanguines, avant d'être admis dans un établissement de rééducation ; qu'il a été à nouveau hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Grenoble le 23 octobre 1996 pour y subir deux nouvelles interventions chirurgicales ; que sa contamination par le virus de l'hépatite C a été découverte en janvier 1997 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donnée l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002, que le nouveau régime de responsabilité institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique n'est pas applicable aux procédures relatives à des infections nosocomiales consécutives à des actes réalisés, comme en l'espèce, avant le 5 septembre 2001 ; que les requérantes ne peuvent, dès lors, utilement se prévaloir de ces dispositions ;
Considérant toutefois qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que le patient aurait été porteur du virus de l'hépatite C avant ses hospitalisations ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise susmentionnée, que les produits sanguins transfusés à la victime, tant au centre hospitalier de Chambéry qu'au centre hospitalier universitaire de Grenoble, ne sont pas à l'origine de la contamination litigieuse, leur innocuité ayant été établie par les enquêtes transfusionnelles ; que selon l'expert, cette origine doit être recherchée, compte tenu de l'étiologie de la contamination, dans l'une des multiples interventions chirurgicales orthopédiques ou abdominales ou explorations endoscopiques qui ont été rendues nécessaires par les conséquences de l'accident ; que de tels soins n'ont été prodigués qu'au centre hospitalier de Grenoble, les soins reçus par M. Y lors de son accueil au centre hospitalier de Chambéry et lors de son séjour dans un établissement privé de rééducation n'ayant pas été de la même nature ; que la contamination de l'intéressé doit, dès lors, être regardée comme trouvant son origine dans l'un des actes médicaux invasifs qu'il a subis au centre hospitalier universitaire de Grenoble ; que l'introduction accidentelle, à cette occasion, du virus de l'hépatite C dans l'organisme de l'intéressé révèle une faute dans l'organisation du service, qui engage la responsabilité de cet établissement hospitalier à raison des conséquences dommageables de la contamination virale ; que par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;
Sur les droits à réparation :
Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique du chef d'un accident dont la responsabilité lui est imputée ne dépendent ni de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être, ni des sommes versées par une compagnie d'assurance, mais doivent être déterminées par le juge administratif, compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par l'assureur à titre d'indemnité, de provision ou d'intérêts ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise judiciaire, que M. Y reste atteint d'une hépatite C chronique active ; que la victime a été contrainte de subir une biopsie hépatique et deux traitements anti-viraux qui ont provoqué des effets secondaires sans pour autant parvenir à éradiquer le virus ; qu'il doit s'astreindre à une surveillance médicale régulière et souffre d'asthénie ; que l'expert a évalué à 5 % le taux d'incapacité permanente partielle résultant de cette contamination virale et retenu un préjudice de la douleur de 4 sur une échelle de 7 ; que, dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, il sera fait une juste appréciation des troubles subis par M. Y dans ses conditions d'existence et des souffrances physiques et morales endurées en les évaluant à la somme de 25 000 euros ; qu'il sera en outre fait une juste appréciation du préjudice moral causé à Mme Y par la contamination virale de son mari en l'évaluant à la somme de 1 000 euros ;
Considérant que la COMPAGNIE L'EQUITE, qui a repris en appel sans les augmenter les prétentions qu'elle avait chiffrées en première instance après la condamnation prononcée par le Tribunal de grande instance de Chambéry, justifie avoir versé à M. et Mme Y des sommes au moins égales aux montants susmentionnés en réparation des préjudices résultant de la contamination virale de M. Y ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à verser une somme de 26 000 euros à la COMPAGNIE L'EQUITE, subrogée dans les droits des victimes qu'elle a indemnisées ;
Considérant en revanche que la COMPAGNIE L'EQUITE ne justifie pas avoir versé quelque somme que ce soit à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie au titre des débours nés de la contamination litigieuse et exposés par cette dernière pour le compte de M. Y ; que sa demande formée à ce titre, au demeurant non chiffrée, ne peut être accueillie ;
Considérant enfin que les conclusions de la COMPAGNIE L'EQUITE tendant au remboursement des frais afférents à la procédure judiciaire doivent également être rejetées, ces frais de procédure étant dépourvus de tout lien avec la faute du centre hospitalier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble le paiement à la COMPAGNIE L'EQUITE d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Grenoble du 20 octobre 2006 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Grenoble est condamné à verser une somme de 26 000 euros à la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Grenoble versera une somme de 1 500 euros à la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 06LY02511